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15 octobre 2012

Chronique des Pausat de l'Entre-deux-Mers

Il y a quelque temps, nous avions évoqué des Pausat/Pauzat habitant les villages de Vayres et Arveyres, formant ainsi le noyau du « berceau de Guyenne »[1].
Leur localisation est si délimitée que l’on pourrait imaginer, à l’instar de la bande dessinée d’Astérix, un village d’irréductibles Gascons, mais la comparaison ne se justifie pas dans la période qui nous intéresse, car ils n’eurent pas de Romains à affronter[2], sinon les vicissitudes inhérentes à leur époque, après une occupation anglaise qui prit fin en 1453 .


Ce berceau est situé au nord de L’Entre-deux-Mers, région naturelle de l’Aquitaine, sur la rive gauche de la Dordogne, juste en amont de la jonction de celle-ci avec la Garonne, avant qu’elle forme avec elle l’estuaire de la Gironde. 
Le nom Entre-deux-Mers provient des effets du phénomène de mascaret[3], pendant lequel la mer remonte les cours de ces fleuves sur plusieurs kilomètres.

Abordons maintenant les étapes de leur évolution sociale dans cette région.
1- Nous ne serons jamais si les premiers Pausat qui y vécurent étaient originaires de celle-ci ou, comme l’hypothèse en a été faite dans l’article précité, s’ils émigrèrent du « berceau limousin » en continuant de garder des liens commerciaux avec ce dernier, pour pratiquer le transport par voie fluviale de produits locaux, essentiellement le bois.
On constate donc que les premiers Pausat cités dans les registres paroissiaux de Vayres et Arveyres furent, à la quasi-majorité, des bateliers. Nous trouvons par exemple :
- Harnaud Pausat n°1147, né vers 1620, batelier au pont bourg à Vayres
- Jean Pausat n°611, né en 1664, matelot, batelier du St Pardon, puis maître de bateau, habitant la paroisse de Vayres
- Philippe Pausat n°613, né en 1672, matelot, habitant la paroisse de Vayres
- Guillaume Pausat n°617, né en 1704, maître de bateau, habite Vayres
- Jean Pausat n°704, né en 1706, batelier à Arveyres, syndic des gens de mer
Remarque : Jean Pausat n°2029, né vers 1675 est le premier « travailleur de terre » recensé.

À l’endroit où vivaient ces derniers, le fleuve est large, avec un courant violent, les flots sont troubles et charrient le limon arraché en amont. De ce fait, il n’est pas rare de trouver dans les registres des décès de ces deux villages des morts par noyade.
Citons :
- Jacques Pausat n°705 qui décède à l'âge de 25 ans, noyé dans La "zini" de la Dordogne le 23 juillet 1609
- Philippe Pausat n°706 qui décède à l'âge de 10 ans en se noyant devant le port de la Rogue, le 22 juillet 1724
- Michel Pausat n°694 décédé par noyade le 19 août 1740, à l’âge de 19 ans environ 



Ces exemples indiquent qu’il ne s’agit pas a priori de noyades directement liées au métier de batelier, quoique ceci ait certainement pu arriver aussi, mais d’accidents survenus en été concernant plus particulièrement des jeunes.

2- Après avoir quitté le dur métier de batelier, les Pausat s’orientèrent naturellement vers celui de charpentier de navires, corporation avec laquelle ils avaient des contacts professionnels réguliers. Sans doute aussi parce que leur travail était moins périlleux et plus rémunérateur. L’intégration dans ce nouveau milieu se fit aussi par les femmes qui épousèrent des charpentiers.
Nous trouvons :
- Anne Pausat n°564, mariée à Vayres en 1748 avec un charpentier de bateau qui est aussi passeur à St-Pardon.
- Michelle Pausat n°616, se marie à Vayres avec un charpentier « haute futaie » en 1750.
- Anne Pausat n°599, fille du batelier Guillaume Pausat n°597 qui a un frère Jean, charpentier à Vayres, cité dans son acte de mariage en 1751.
- Jean Pauzat n°634 (frère de Anne ?) est charpentier de vaisseau lors de son mariage à Vayres vers 1760.
- François Pauzat n°588, d’abord marin, puis charpentier de bateau à Arveyres au lieu La Roque en 1774.

3- Nous constatons que plus tard, l’immersion de ce berceau au cœur de la région vinicole de l’Entre-deux-Mers allait, bien sûr, créer des liens avec le milieu vigneron. Ainsi, quelques filles épousèrent des tonneliers, tandis que quelques garçons, ne s’orientant pas vers le métier de charpentier, choisirent ce nouveau métier.
Nous trouvons :
- Anne Pausat n°1149 « qui vit au milieu de vignerons », se marie à Vayres avec un tonnelier en 1703.
- Marie Pausat n°643 mariée à Vayres avec un tonnelier vers 1760.
- Marguerite Pauzat n°570 mariée à Arveyres avec un tonnelier en 1799.
- Michel Pauzat n°676, tonnelier à Bassens vers 1805.
- Pierre Pauzat n°576, jeune agriculteur à Arveyres, qui devient tonnelier vers 1830.
- Cécile Pauzat n°664 mariée à Bassens avec un tonnelier en 1833.
- Pierre Pauzat n°584, fils du précédent, tonnelier et propriétaire en 1859.
- Jean Eugène Pauzat n°670, tonnelier à Bassensvers 1860.
- Anne Pauzat n°810, mariée à Libourne avec un tonnelier en 1874.
- Justin Pauzat n°2034, journalier devient tonnelier en 1882.
- Jeanne marie Pauzat n°2278, mariée à Rampieux (Dordogne) en 1886 avec un tonnelier.


L’intégration progressive des Pausat dans le tissu économique de cette région est donc un processus naturel qui leur a permis, depuis le métier de batelier, d’accéder à celui de charpentier de navires, puis de tonnelier et enfin (ou en parallèle) de « travailleur de la terre ».

Pour mettre en perspective ce qui vient d’être décrit, rappelons que cette région si accueillante ne fut pas exempte d’évènements dramatiques. Pour la période de la seconde moitié du 18e siècle, nous trouvons : 
- En 1759, après celui de 1757 eut lieu un tremblement de terre, citons : « Dans la nuit du 10 au 11 août 1759, vers 22 h. 15, la terre avait tremblé; pas un simple frémissement, mais une véritable secousse qui fit, un peu partout de nombreux dégâts. La voûte de l' Église Notre Dame de Bordeaux s'effondra.
Mais les zones les plus touchées étaient situées dans la région libournaise, tout spécialement à VAYRES, dont le Château fut très ébranlé et plusieurs maisons détruites »
- En 1770 (année de " l'Aygat dous Raméous " : l'inondation ou la crue des Rameaux), eut lieu une inondation record, encore inégalée de nos jours, due à une conjonction de circonstances : un hiver et un printemps particulièrement pluvieux, des fontes de neige exceptionnelles, un redoux dans les Pyrénées, accompagné d'un redoublement des pluies sur toute l'Aquitaine, un vent violent venu du nord-ouest qui vint appuyer les effets de la marée remontante dans l'estuaire, freinant et refoulant les eaux du fleuve déchaîné. Citons : « Ce fut le début d'une épouvantable catastrophe. Les pauvres gens, chassés de leurs greniers durent chercher refuge sur leurs toits que le courant commençait à dégarnir de leurs tuiles. Tout cela, dans une obscurité totale, dans les bourrasques de pluie et de vent. »
- Après la famine terrible de 1709 sur tout le territoire, éclata en 1773 les émeutes frumentaires[4] (guerre des farines), citons :
« Une émeute éclata à Bordeaux le 8 mai 1773, ce fut le signal de la révolte. Le 9, on pilla des magasins et des maisons à Langoiran, Lestiac et Paillet. Une embuscade navale tendue sur la Garonne conduisit à l'arraisonnement et au pillage de deux bateaux de blé. Deux autres bateaux chargés de 500 fûts de farine, venus du " haut pays " et à destination des Antilles, subirent le même sort. »
Nous conclurons que les Pausat des villages de Vayres et Arveyres représentent, avec ceux du berceau Béarn (villages d’Arette et d’Issor), les deux seuls cas recensés dans notre généalogie, d’une communauté ayant vécu dans un territoire géographiquement restreint. Celui décrit ici est situé au nord de la région de l’Entre-deux-Mers, il abrita probablement un petit groupe de marins vivant en autarcie près des rives de la Dordogne et qui s’intégra progressivement dans le tissu social et économique de la région Libournaise. 

Notons que les Pausat/Pauzat les plus proches de nous, originaires de ce berceau et qui ont pu être identifiés comme tels[5], sont :
- Léon François Pauzat n°592, né vers 1834, fils de Pierre François Pauzat n°584 (tonnelier et propriétaire) et de Marguerite Jaffard n°589, il décède à l’âge de 25 ans en 1859 à Arveyres.
- François Pauzat n°590, frère du précédent, né en 1833
- Catherine Pauzat n°569, née en 1800, mariée à André Rouchon en 1822 à Arveyres
- Pierre Pausat n°636, né à Vayres en 1765, marié à Marie Faux en 1798 et décédé à Vayres en 1844. Ses parents sont Jean Pausat n°634, charpentier de bateau et Élisabeth Liet
- André Pausat n°390, frère du précédent, né en 1774, marié à Magdeleine Coq. Ils eurent aussi deux sœurs dénommées Marie, la première mariée à un marchand Jean Laforet en 1788, la seconde mariée à un agriculteur Pierre Castaing en 1804.

À ce jour, leurs descendances ne sont pas encore connues et aucun lien n’a pu être établi avec des contemporains. 

[1] Voir l’article du 18 octobre 2010 : Les bateliers de la Dordogne
[2] Les Romains, arrivés vers l’an 50 av. J.-C., ont créé un nœud de passage routier, sur la voie menant de Bordeaux à Lyon. Un Gallo-Romain a créé un grand domaine rural autour duquel un village de pêcheurs, de potiers et de tisserands s’installe. Le village de Vayres, au confluent de la Dordogne et du Gestas, prend le nom de VARATEDO, "Grand Passage". C’est à cette époque qu’y sont probablement plantées les premières vignes.
[3] Le Mascaret est une vague qui se crée sur les fleuves dont l'embouchure large se rétrécit en entonnoir, résultant du flot de la mer et du courant descendant du fleuve. Cette vague remonte donc la rivière à contre-courant à une vitesse de 10 à 20 km/h et peut atteindre 1,5 à 2 m de hauteur.
[4] Elle fait suite à une hausse des prix des grains et consécutivement du pain du fait de la suppression de la police des grains royal et des mauvaises récoltes des étés 1773 - 1774
[5] Voir les arbres correspondants, consultables sur les 2 sites dédiés.