Bienvenu sur ce blog

N'hésitez pas à faire des commentaires qui permettront d'améliorer ce blog - les critiques sont les bienvenues - les compliments ne sont pas interdits !

2 mai 2013

Les compagnons de rivière

Poursuivant la recherche de nouveaux individus portant notre patronyme afin d’enrichir la base de données généalogique des Pauzat, je trouve de plus en plus de familles ayant vécu hors des frontières de l’Occitanie. 
Ce fait semblerait normal, s’agissant d’individus ayant migré et dont nous aurions identifié les ascendants comme étant d’origine occitane, mais ce n’est pas le cas, car il s’agit de familles répertoriées dans les premiers registres paroissiaux (milieu du 17e siècle) et dans des régions situées au nord de l’Occitanie. 
Ceci signifie que ces familles portant notre patronyme n’ont aucun ascendant que l’on puisse connaître, puisque ces derniers vécurent entre les 11/12e siècle (apparition des surnoms) et la création de ces registres[1]
Malgré ce handicap, pouvons-nous supposer que ces individus ont malgré tout une origine occitane, comme le laisse supposé l’appartenance linguistique de leur patronyme à la langue d’oc? 
Afin de tenter de répondre à cette question, nous étudierons, le cas d’individus recensés au sud de Paris à la fin du 17e siècle, donc hors l’Occitanie et loin de ses frontières les plus proches du Limousin ou de l’Auvergne (voir la carte ci-dessous). 


Nous avions déjà signalé à cette même période un cas semblable de quelques individus habitant dans l’Yonne (communes de Vallery et de St-Valérien), leur patronyme s’écrivant d’ailleurs Pausat mais aussi Pousat ou Pouzat[2]
Il en est de même pour ceux recensés dans le Loiret, département voisin (communes d’Amilly, Bromeilles, Châlette-sur-Loing, Courtenay, Ferrières, Lombreuil, Montargis, Pannes) et qui se nomment quasiment tous Pousat ou Pouzat, ceci laissant entendre qu’il s’agirait d’une seule et même branche, située à cheval sur ces deux départements.
Nous savons que les migrations de population furent relativement importantes. Une étude[3] sur ce sujet a permis d’établir des cartes migratoires (voir l’exemple ci-dessus pour le bassin de la Garonne au 15e siècle). Ceci en se basant uniquement sur l'information géographique du surnom. 
Dans notre cas, pour un individu ayant vécu à cette époque en dehors de l’Occitanie, la seule façon d’établir un lien avec celle-ci, en dehors de la racine occitane de son surnom, est de trouver une raison vraisemblable qui l’aurait amené à migrer, sans pouvoir aujourd’hui, malheureusement, en assurer la validité. 
Le contenu des actes paroissiaux des individus recensés dans le Loiret, plus précisément au village de Châlette-sur-Loing, au nord de Montargis, nous en fournit une, celle du métier pratiqué, lisons : 

- Edmé POUZAT (n°3116), né vers 1666, compagnon de rivière, marié à Catherine RAGE. Il décède à Châlette-sur-Loing le 09/12/1712 à l’âge de 46 ans, la même année que celle de la naissance de son fils François (n°3118).
- Madeleine ou Magdeleine POUZAT (n°3112), née vers 1680, mariée en 1702 à Châlette-sur-Loing à Anthoine CORBASSON, dont deux de ses fils furent mariniers.
- Madeleine ou Marie, Magdeleine POUZAT (n°3128), est-ce la même que la précédente ? née vers 1690, mariée à René ou Pierre PICARD, compagnon de rivière, elle décède à Châlette-sur-Loing le 21/09/1762 à l’âge de 72 ans.

La similitude des métiers « d’eau » pratiqués par ces familles suggère que leur présence dans cette région est liée à une activité spécifique, celle du transport de marchandises par voie fluviale. Serait-ce là la raison qui aurait poussé ces individus ou leurs parents à venir s’installer dans cette région ? 
Rappelons que dans un article précédent[4], nous avions déjà émis l’hypothèse qu’un berceau, en l’occurrence celui de la Gironde (centré sur Vayres et Arveyres, villages situés au confluent de la Dordogne), avait sans doute un lien direct avec celui du Limousin, suite à la migration de quelques individus qui exerçaient le métier de marinier et convoyaient sur la Dordogne les marchandises provenant de leur région d’origine, principalement le bois (nécessaire aux charpentes des navires et à la confection des tonneaux). Ainsi, les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous pourrions nous trouver dans une situation analogue, cette fois-ci orientée au nord, mais vers quel pôle d’attraction ? 
Si nous nous plaçons dans le contexte de cette époque, nous nous apercevons que les voies fluviales constituaient pour l’ensemble du territoire, le moyen le plus rapide et le plus efficace pour le transport de marchandises de grand gabarit comme le bois. Ces voies jouaient alors le rôle de nos autoroutes actuelles, étant donné qu’il n’existait pas en France d’infrastructures routières fiables pouvant les concurrencer. Donc à cette époque, l’équivalent de nos routiers ou camionneurs était des « voituriers » ou d’autres métiers d’eau comme les compagnons de rivière, appelés plus tard après 1789, des flotteurs[5]. Ce constat étant fait, examinons maintenant la raison qui pourrait conforter notre hypothèse, à savoir l’existence d’une activité assez attractive pour nécessiter le regroupement d’un nombre important de personnes pratiquant ces métiers. 
Pour cela, citons :
« Bien avant le 16e siècle, un problème crucial angoissait Paris : celui de son approvisionnement en bois "de chauffe et de four". Les forêts avoisinantes étaient saignées à blanc. Restaient celles du domaine royal, mais celles-ci étaient réservées à la chasse, intouchables... Le développement de la capitale était compromis.
C’est ainsi que l’on pensa au Morvan[6] pour alimenter la capitale et au transport par flottage pour acheminer le bois (bûches de 3 pieds 6 pouces :1,14m). Ce dernier aurait pu venir du Massif central, mais il fallait l’existence de rivières navigables à proximité des lieux d’abattage des arbres, ceci n’étant possible qu’à partir de Clamecy[7] ». 
Flottage sur l’Yonne 
Par conséquent, la population du Limousin et/ou d’Auvergne attirée par ce besoin de main-d’œuvre et des salaires sans doute plus rémunérateurs n’avait d’autre solution que celle de se rendre sur les lieux d’abattage des arbres, c’est-à-dire dans le Morvan. 
Il est donc naturel que des PAUZAT (mais surtout des POUZAT) quittassent leur région natale pour aller chercher du travail sur les rives de l’Yonne ou du Loing[8]

[1] Cette période est pour toujours la « face cachée » de l’apparition et du début de l’existence de notre patronyme
[2] Voir l’article du 01/03/2011 : Les Pouzat sont-ils des Pauzat qui s’ignorent ?
[3] Voir sur le WEB l’étude : « Mouvements de population dans le midi de la France du 11e au 15e siècle » d’après les noms de personne et de lieu, de Charles Higounet.
[4] Les bateliers de La Dordogne, du 18/10/2010
[5] Ce métier débutant dès 1549 perdurera jusqu’à la fin du 19e siècle
[6] Région montagneuse de France, formant la bordure nord-est du Massif central.
[7] Ville en bordure du Morvan, au confluent de l’Yonne et du Beuvron, sur le canal de Nivernais.
[8] Le Loing est une rivière de France, affluent de la rive gauche de la Seine, dont le cours long de 166 km traverse les départements de l'Yonne, du Loiret et de Seine-et-Marne.