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31 juillet 2013

Les PAUZAT dans la farine ! (1/2)

Abordons cette fois-ci le métier de meunier, plus particulièrement celui de nos ancêtres de l’Ancien Régime. 
Lors de mes recherches généalogiques, il m’arrive de trouver des PAUZAT meuniers et de constater que leurs descendances vécurent eux aussi le long des rivières françaises, souvent au même endroit et en pratiquant le même métier durant plusieurs générations.

Ainsi, à St-Yrieix-la-Perche dans le Limousin, nous trouvons :
- Bernard PAUZAT (n°489) marié en 1745 avec Gabrielle PICOT, meunier au moulin des Palaux 
- Pierre PAUZAT (n°1297), son fils ainé, marié à Pétronille BOSSAVI en 1778, meunier lui aussi au moulin des Palaux. Lors du mariage de ce dernier, l’un de ses témoins, Jean PAUZAT de la paroisse de Glandon (87500), est lui aussi meunier.
- Pierre PAUZAT (n°998), fils du précédent, marié à Marguerite LAURENT en 1803, meunier au moulin de Piey.
- François PAUZAT (n°1008), fils du précédent, marié à Élisabeth JOUSSAIN en 1837, reste dans la farine … mais comme boulanger ! 



Conditions de vie, citons :
« En France, sous l'Ancien Régime, le moulin, comme le pressoir ou le four à pain étaient soumis aux droits banals[1]. Dans le droit communal, ces biens sont partagés entre les citoyens. C'est la Révolution de 1789 qui abolit ces privilèges seigneuriaux ».
Le meunier n’était donc que le locataire du moulin qui appartenait à l’Église ou à la noblesse[2]. Il est le signataire d'un bail d'arrentement : c'est-à-dire qu'on lui « donne à rente » le moulin, pour une durée renouvelable de 1 à 4 ans. En retour, le meunier s'engage à l'entretien du matériel, le répare et le renouvelle à ses frais.
Pour l’aider, il employait souvent une domesticité, une servante, un journalier. Il avait quelques bêtes pour transporter la farine ou les grains.
Au cours du Moyen-Âge, le statut des meuniers est ambigu. De par le droit de banalité, il est en quelque sorte « l'homme du seigneur », et fait le lien entre la noblesse et les paysans. Il suscite souvent méfiance et jalousie.
En effet, nous pouvons lire[3]

Contexte : Pour le paysan, le moulin était une nécessité quotidienne absolue. Nos ancêtres se nourrissaient pour une bonne part de mets issus des grains qu’ils récoltaient sur leur terre, pain de seigle ou de froment à l’occasion, bouillie d’avoine ou de blé noir, galettes ou crêpes de blé noir. Sans moulin, pas de farine nécessaire à la confection de ces nourritures. Et c’est ainsi que nos aïeux tant par nécessité alimentaire que par obligation féodale devaient confier au moulin du maître des lieux, leur vie durant, leur «grain quotidien».
Qu’ils soient satisfaits ou non de la qualité du travail du meunier et quelle que soit la confiance qu’ils pouvaient lui accorder quant à l’honnêteté de ses prélèvements en grain pour rétribution de ses services.
Les meuniers constituaient une sorte de petite caste vivant aux côtés des paysans auxquels ils ne se mélangeaient pas. Le fils du meunier épousait la fille d’un autre meunier et réciproquement ».
La transmission se faisait directement par l’ainé des fils. Si le garçon venait à manquer, un gendre se retrouvait à la tête du moulin, mais ce dernier provenait obligatoirement d’une famille meunière.
Le métier s’apprend par lentes imprégnations, dès l’enfance. Il existait une grande complicité entre le père et son fils ainé. Celui-ci apprenait chaque jour un peu plus le travail de son père et devenait ainsi meunier tout naturellement ».

Maîtrise d’un savoir-faire, citons :
Les meuniers n’étaient pas seulement des «techniciens en mouture de grains» comme diraient nos modernes technocrates. Ils étaient aussi des mécaniciens (les premiers du monde rural) et hydrauliciens. Le fonctionnement des systèmes d’arbres de transmission, de roues à dents, de couronnes s’entraînant les unes les autres, de poulies, de courroies, cordages, etc. faisant tourner les meules, actionnant le va-et-vient des blutoirs, montant les sacs, tout cela grâce à une grande roue extérieure entraînée par l’eau du canal de déviation du ruisseau voisin, échappait à l‘entendement du commun des paysans. Ce d’autant plus que les meuniers veillaient jalousement à préserver le secret de leur savoir-faire, qu’ils se transmettaient de père en fils, de génération en génération.
Peut-être est-ce pour cela qu’ils passaient pour être un peu sorciers, réputation qu’ils se gardaient bien de démentir.

Situation sociale : Entre les paysans et leur meunier, ne régnait pas le grand amour.
Le meunier exploitant du moulin du Seigneur pouvait se sentir investi d’une parcelle du pouvoir et de l’autorité de celui-ci. Le paysan qui venait au moulin en qualité de «mouteau[4]» faire moudre le grain destiné à nourrir sa maisonnée accomplissait en même temps le devoir d’obéissance qu’il devait au même seigneur. Les rapports étaient donc ceux de dominant (le meunier) à dominés (les «mouteaux»).
Une autre raison tenait du mode de rémunération du meunier, qui engendrait à son égard un sentiment perpétuel de suspicion. Le meunier n’était pas rémunéré en argent, mais en nature. La coutume lui accordait pour son salaire le seizième du grain porté à son moulin. Le paysan n’ayant aucun moyen de vérifier si le meunier lui prélevait son juste dû, ou un peu plus. Il lui eut fallu pouvoir comparer le poids du grain livré et celui de la mouture reçue en retour. Or il ne possédait pas d’instruments de pesage (on n’en trouve jamais dans les inventaires après décès), à cela une raison très simple : les transactions sur les grains se faisaient non pas au poids comme de nos jours, mais au volume. L’unité de mesure du grain était le boisseau[5], de contenance variable d’un endroit à l’autre.
Eut-il possédé les instruments de pesage nécessaires, encore fallait-il que notre paysan soit capable de déterminer le poids du seizième qui revenait au meunier. Au dix-huitième siècle, les enfants de paysans n’allaient que fort peu à l’école. La comparaison en volume n’était pas davantage possible. Par effet de foisonnement, le volume de la mouture est supérieur à celui du grain dont elle est issue.

Alors, faute de contrôle possible, volé ou pas, notre homme ne pouvait qu’être convaincu de l’être réellement. Bien sûr le meunier savait tout cela. Pour autant, les soupçons du «client» étaient-ils justifiés? Sans doute pas toujours. Mais tout de même l’occasion fait le larron dit-on, et les hommes, meuniers ou pas, sont rarement des saints qui seuls savent résister toujours à toutes les tentations. Alors une petite écuellée de seigle par ci, une demie bassinée de blé noir par là... à condition de ne pas exagérer. Pas vu pas pris ». 


D’où, sans doute une explication[6] plus crédible de l’origine de l’expression « se faire rouler dans la farine ».




[1] Droits banals : Les banalités sont, dans le système féodal français, des installations techniques que le seigneur est dans l'obligation d'entretenir et de mettre à disposition de tout habitant de la seigneurie. La contrepartie en est que les habitants de cette seigneurie ne peuvent utiliser que ces installations seigneuriales, payantes. Ce sont donc des monopoles technologiques.
Les principales banalités sont :
· le four banal
· le moulin banal
· le pressoir banal
· le marché aux vins
[2] En effet, ce sont eux qui bénéficiaient du droit d’eau
[3] Réf. « Moulins, Meuniers, Mouteaux sous l’Ancien Régime » (www.mairiepleyben.fr/).
[4] Mouteau : dérivé du terme « droit de moute », celui que le seigneur bannier percevait pour le blé qu’on faisait moudre à son moulin, en sus du droit de moulage.
[5] boisseau : Unité de capacité pour les grains et les matières sèches qui valait environ un décalitre (variable selon les pays).
[6] Une explication, tenue pour officielle, fait allusion au déguisement des comédiens de l'époque qui s'enduisaient le visage de farine pour ne pas être reconnus et ainsi tromper les spectateurs le temps d'une représentation.