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24 juillet 2014

Nos ancêtres béarnais de la vallée de Barétous (2/2b)

2e partie : la vie de nos ancêtres béarnais (suite et fin)
Après un premier regard sur la vie de nos ancêtres béarnais[1], terminons notre parcours sur l’histoire de leur vallée natale et sur certaines spécificités propres à leur époque.

Les cagots :
Sous le nom de cagots, ainsi nommés dès le 11e siècle, on désignait des sortes de parias, auxquels les préjugés et les coutumes imposaient un régime de vie spécial et d’existence isolée. Ils peuvent être comparés aux intouchables indiens.
Leur origine reste mystérieuse, plusieurs thèses sont évoquées, allant de celle des Wisigoths battus par Clovis à Poitiers, aux Sarazins, juifs, cathares, lépreux…ou encore à celle des descendants d'un peuple vaincu par les armes.
bénitier de Cagots     cortège de Cagots    la patte d'oie, signe distinctif
Ils habitaient des maisons séparées, à quelques distances des villages ; ils devaient porter sur leurs vêtements un signe distinctif : une patte d’oie en drap rouge, afin qu’on puisse aisément éviter leur approche. Les cagots étaient sous la juridiction immédiate de l’Église, à la fois maternelle et rigoureuse, et non de la commune (jurat) ou des vicomtes.
Ils représentaient, au plus, 2% de la population. Leur nombre augmente sensiblement au XVIe siècle, puis décline, sans doute par assimilation. Ils étaient si marginalisés qu’ils ne furent pas pris en compte dans le dénombrement de Gaston Febus en 1385.


Les cagots sont présents dans le sud-ouest de la Gascogne, dans le Béarn, en Bigorre et dans les vallées pyrénéennes, mais aussi dans le nord de l'Espagne (Aragon, Navarre sud et nord, Pays basque et Asturies) où ils sont désignés par le terme Agots.
Un nombre considérable d’interdictions dictées par la superstition pesaient sur eux : certaines orales, mais d’autres sont transcrites dans les « fors » (lois) de Navarre et du Béarn des XIIIe et XIVe siècles. Aucune humiliation ne leur était épargnée.
Ils ne se rendaient au village que pour leurs besoins les plus pressants et pour aller à l'église. Dans de nombreux cas, ils n'entraient que par une porte de taille, un bénitier spécial leur était réservé et ils étaient relégués au fond, avec des sièges séparés du reste des fidèles.


Ils n’avaient pas de nom de famille ; seul un prénom suivi de la mention « crestians » ou « cagot » figurait sur leurs actes de baptême, et les cérémonies religieuses qui les concernaient se déroulaient généralement à la nuit tombée. À leur mort, ils étaient enterrés à l’écart dans un endroit du cimetière ou dans un cimetière à part. Ils n’étaient autorisés à se marier qu’entre eux.
Certains métiers leur étaient interdits, généralement ceux considérés comme susceptibles de transmettre la lèpre, comme ceux liés à la terre, au feu et à l’eau. Ils étaient en revanche autorisés à toucher le bois ; aussi étaient-ils souvent charpentiers ou maçons, bûcherons ou tonneliers. Dans les cas où les instruments de torture étaient en bois, ce qui était fréquent dans les bourgs et villages, il arrivait qu'ils fussent bourreaux, constructeurs de cercueils et fossoyeurs, fonctions n’améliorant pas leur image auprès des populations locales ni, de ce fait, leur sort. Les autres professions qu'ils exercèrent le plus souvent furent celles de menuisier, vannier, de cordier et de tisserand. Payés en nature, ils ne percevaient pas de salaire et constituaient donc une main-d’œuvre bon marché.
Réputés dégager une odeur désagréable, les cagots sont décrits par certains documents comme tantôt petits et bruns au teint olivâtre, tantôt grands aux yeux bleus. Aucune origine ethnique homogène ou particulière n'apparaît clairement, et rien ne les distingue vraiment du reste de la population.
Des médecins nommés par le Parlement de Toulouse, après expertise de 22 d’entre eux le 13 juin 1600, ne purent que conclure qu’ils étaient exempts de toute pathologie.
Ceci n’empêcha pas une commission scientifique en 1892 (bulletin de la Société d’anthropologie de Paris, rédigé par M. Magitot) de gloser sur les particularités anatomiques ou ethniques d’individus vivant en Béarn et supposés être les descendants des Cagots.
L’auteur déclare : « je fus frappé de rencontrer un certain nombre d’individus présentant des dispositions toutes particulières des mains, des pieds et du système pileux », il en fit d’ailleurs un moulage ! Ces particularités étaient les suivantes :
- les ongles des mains et des pieds sont déformés, citons : « les gens du pays donnent à cette disposition un nom pittoresque et exact : ce sont, disent-ils en patois, des ouncles de carcoils ou ongles en colimaçon »
- un système pileux peu important, citons : « une femme d’une quarantaine d’années présentait les cheveux d’un enfant nouveau-né ».
Il conclut sur l’origine des Cagots, en argumentant la thèse que ces derniers seraient les descendants de lépreux ayant survécu à leur maladie. Il est exact que de nombreuses épidémies ont frappé le pays au Moyen-âge, surtout lors du retour des croisades.
Notons que ne pouvant se marier qu’entre eux, les problèmes de consanguinité ont certainement joué progressivement un rôle déterminant.

Exploitation du bois
En 1666, Colbert cherche à trouver dans le royaume de France les ressources en bois qui éviteraient de s’approvisionner à l’étranger pour le gréement et les mats des navires de la flotte qu’il compte renforcer.
Pour convoyer ce bois, les voies les plus rapides étaient les grands Gaves au printemps. Les troncs étaient transportés au port d'Athas par des attelages de boeufs, puis les radeaux étaient assemblés pour naviguer jusqu'à Bayonne par le Gave d'Aspe, celui d'Oloron et enfin l'Adour.


transport du bois par voie fluviale
La vallée de Barétous doit participer à cet effort. Fin 1669, une convention est signée avec Arette qui doit fournir et transporter 110 pièces de sapin pour en faire des mâts. Il est indiqué que cette tâche ne se fait pas sans difficulté due à « l’indiscipline des bouviers et ouvriers, ainsi que sur la perte et la disparition de roues, charettes, cordages et ferrements ». Suite à ces incidents, ce sera le jurat[2] d’Arette qui devra répondre de ces infractions sur ses biens propres.
En 1722, une commission d’inspection déclare que la forêt d’Arette est détruite !

L’épizootie de 1774-1776
Durant ces années, le Béarn est atteint par une épidémie qui fera disparaître 80% de cheptel ovin.
Pour lutter contre ce fléau, les habitants de la vallée de Barétous se mobilisent.
- Ils procèdent à la désinfection à la chaux des étables
- Ils font hacher les cadavres des animaux avec leur cuir et les font enterrer, puis recouvrir de cailloux, d’épines et de terre sur une hauteur de 3 pans (environ 75cm)[3], afin de dissuader les chiens errants.
- Ils font surveiller chaque semaine le bétail par deux hommes experts qui préviendront les jurats en cas de bête malade qui sera alors « assommée ».
- La circulation des animaux entre les villages est interdite.
À Issor, les chefs de famille se mobilisent, ils établissent un tour de rôle pour la garde et la surveillance des troupeaux, dépister les bêtes « étrangères » (celles des communes voisines). Ceci permettra d’intercepter les conducteurs et leurs bêtes venant d’Arette et d’Asasp.
Le résultat de cette campagne préventive fera son effet, puisqu’en 1775, si Issor recense 642 bovins, il n’y aura aucune perte.
En conséquence, ces animaux qui ont résisté au mal terrifiant se voient attribuer des qualités particulières. La vache « Barétone » ou « Barétoune » sera recherchée pour reconstituer le cheptel des régions voisines, d’où ce nom que la vache blonde béarnaise gardera longtemps.

Traditions :
L’alimentation :
Les maigres ressources agricoles limitaient l'art culinaire. L'animal roi était le cochon qui fournissait nombre de produits : salés, séchés, confits ou sous forme de saucissons, boudins et pâtés. Et la céréale reine était le maïs qui détrôna au 18e siècle, le sarrasin ou blé noir. Les poulets et leurs oeufs, les truites, le gibier et les légumes du jardin venaient compléter les régimes alimentaires.Le lait venait surtout des chèvres et des brebis.
La poule au pot est un plat appartenant à la tradition gastronomique française dont il existe une recette à la béarnaise. La légende prétend qu’elle fut évoquée par le roi de France Henri IV, soucieux du bien-être de ses moindres sujets,et qu’il aurait maintes fois répété : « Si Dieu me donne encore de la vie, je ferai qu’il n’y aura point de laboureur en mon Royaume qui n’ait moyen d’avoir une poule dans son pot. ».



En restant dans le domaine culinaire, nous pouvons aussi évoquer la garbure, soupe au chou contenant des morceaux de légumes et de viandes, traditionnelle de la cuisine gasconne et d'origine béarnaise.
De nos jours, il y a un petit café-restaurant à Arette, situé près de l’église, où j’en ai mangé d’excellentes, dans une ambiance accueillante et bonne enfant.

La chasse et la pêche :
Les habitants de la vallée de Barétous sont des cultivateurs et des pasteurs qui considèrent la chasse, si elle est trop fréquente, comme un passe-temps pour oisifs dépensiers, malgré qu’ils en ont officiellement le droit, selon l’article 19 de la Déclaration des droits coutumiers.
Cependant, ne disposant pas d’armes à feu, ils utilisent quelques armes de poing, fronde, arbalète et javeline, ainsi que des pièges métalliques ou des filets pour se débarrasser des « bêtes féroces et de rapine » comme les ours, loups, sangliers, blaireaux, renards.
Certaines chasses font exception, celle à la palombe, Barétous étant un lieu de passage favori et celles des ours pour lesquels des battues étaient organisées et des loups dont la présentation du trophée donnait droit à une prime.
La pêche permettait d’ajouter quelques anguilles, truites et goujons au menu. Elle se faisait à la main pour les plus sportifs. Elle ne pouvait se faire dans les eaux dépendant d’un moulin, dont le droit était alors réservé au meunier.

Conclusion :Ainsi fut la vie de nos ancêtres[4] béarnais pendant tous ces siècles. Ils eurent des vies souvent difficiles et cruelles, mais c’étaient le lot de tous et sans doute qu’ils savaient apprécier les petits moments de bonheur que nous n’avons plus le privilège de vivre : une eau limpide, pas de pollution ; une culture traditionnelle sans pesticide, une nourriture saine qui avait du goût, pas de conservant, colorants ni d’OGM ; la convivialité des soirées au coin du feu, où les anciens racontaient leurs souvenirs, pas de TV et de programmes abrutissants, etc.

Mais pour les nostalgiques et les rêveurs, rappelons-leur qu’il n’y avait pas d’eau courante, de douche, ni d’eau chaude ; pas d’électricité ni d’appareils et outils actuels, tout se faisait à la main; les journées de travail faisaient qu’à la fin de la semaine, les 35h étaient largement dépassées; les femmes, en plus de s’occuper des travaux à la ferme, passaient leurs journées à préparer les repas pour toute la famille et les aides, soit une tablée de 10 personnes en moyenne ; elles faisaient la lessive à la main, à l’eau froide et à l’extérieur, elles accouchaient à la maison avec un risque de mortalité important ; il n’y avait pas de médicaments ; les trajets se faisaient à pied sur plusieurs km, avec souvent, un fardeau très lourd à porter. Pour les cadets, pas d’héritage, il fallait quitter la ferme ; les plus chanceux se mariaient avec l’ainée d’une autre famille, mais s’intégraient dans celle-ci dont ils portaient désormais le nom (d’où les problèmes rencontrés en généalogie pour déchiffrer les actes) ; il fallait respecter les traditions et les préceptes de l’Église, pas de liberté de conscience ; payer des impôts et des taxes pour voir les nobles s’en dispenser et garder leurs privilèges … le cahier des doléances n’est pas loin, ni la révolution.

Finalement, nous serions nombreux à renoncer à la vie de nos ancêtres et souhaiter rester à notre époque. Le paradis, comme aujourd’hui, n’était pas sur terre durant l’Ancien Régime, même pas en Béarn ni en vallée de Barétous, il n’était promis que pour l’au-delà et encore pour les plus méritants.

[1] Voir l’article précédent du 03-07-2014
[2] Le jurat était souvent issu des borgues (bourgeois) , il était le représentant de la communauté locale. C'était le véritable gestionnaire de la vie publique. Il cumulait les pouvoirs judiciaires et de police. Il était avec les gardes, le répartiteur et percepteur des impôts de l’État. Il était aussi chargé de la police, de la sécurité publique, de la répression, du vagabondage, de l’hygiène publique et de la voirie...Il convoquait également pour l’armée.
[3] Unité de longueur ancienne : 1 palme ou pan = 1/8 de canne, cette dernière étant de 1,90m à 2,013m selon les villes.
[4] Pour les curieux, je conseille le livre de Jean-Louis BEAUCARNOT « Comment vivaient nos ancêtres »

3 juillet 2014

Nos ancêtres béarnais de la vallée de Barétous (2/2a)

2e partie : la vie de nos ancêtres béarnais

Après l’évocation romancée d’un moment de vie de l’un de nos ancêtres béarnais[1], poursuivons notre parcours sur l’histoire de leur vallée natale et sur certaines spécificités propres à leur époque.
 Paysages de la vallée de Barétous (photo de droite de Ronan Lambert)
La vallée de Barétous[2]
La vallée de Barétous était divisée en 6 paroisses (Ance, Aramits, Arette, Féas, Issor et Lanne-en-Barétous) où en 1763, on y dénombrait 148 « feux »[3].
Rappelons que les PAUSAT du berceau béarnais sont, à l’origine, essentiellement des habitants d’Issor et d’Arette.
Leurs prénoms, en majorité, dépendent directement du saint de la paroisse où ils sont nés :
Pierre pour Arette et Jean l’évangéliste pour Issor.
Par contre, les habitants de ces villages avaient en commun un surnom, sans doute octroyé par les villages voisins :
Les cabecs (masculin de cabèque,signifiant la chouette) pour les habitants d’Arette
Les mousquilhous (moucherons) pour les habitants d’Issor

situation géographique de la vallée de Barétous
Arette comptait lors du dénombrement de 1385, dit de Gaston Fébus, 58 feux (87, selon une autre source) pour un total de 150 feux pour toute la vallée et dépendait du bailliage d'Oloron.
Curieusement, Issor (localité érigée alors en seigneurie) n’y est pas mentionnée, « bien qu’elle soit partie prenante dans le For de Barétous antérieur de plus de 150 ans », alors que le seigneur d’Issor, lui, y est cité avec son titre.
Ainsi, pour une raison inconnue, ce recensement ne nous précise pas les noms et lieux d’habitation (l’ostau) de nos ancêtres qui, à cette époque et les décennies suivantes, sont tous originaires d’Issor ! Ceci est fort regrettable, car sinon, nous connaîtrions aujourd’hui le nombre de familles PAUSAT qui y habitaient et l’endroit exact où ils vivaient.
Cependant, la liste des « feux de roi » dits fiscaux, qui servit d’assiette pour fixer les impôts et qui exploita pour cela les résultats de ce dénombrement, prend en compte, cette fois-ci, la paroisse d’Issor qui est reconnue pour 4 unités sur les 172 de la vallée, alors qu’Arette en comptera 61.
Cette évaluation nous indique la hiérarchie entre les deux paroisses, Arette est, à cette époque, nettement plus importante et riche que sa voisine.

L’abbé Expilly précise le principe du comptage des feux : « il fallait pour un feu entier, que le contribuable eût une maison habitable et habitée : lo les cubert (ce qui est couvert). Une maisonnette ou une grange n’étaient considérées que comme une partie du feu ; en outre, il devait posséder trois labourées de terre : tres loborades. Dans le cas où le censitaire[4] ne travaillait qu’une portion déterminée de cette unité, il n’était compté que pour une fraction de feu. ».
Sachant qu’un feu correspondait arbitrairement à environ 4/5 personnes[5] d’après l’auteur de ce dictionnaire, ceci représenterait une population d’environ 700 individus pour toute la vallée. Cependant, d’autres recensements effectués par ailleurs considéraient qu’un « feu » pouvait héberger jusqu’à dix, voire plus, individus. Ce qui donnerait alors une population de 1500 à 2000 individus environ. 



Évolution du nombre de familles regroupées autour d’un feu 
et répartition des charges dans la vallée de Barétous

En 1683, Arette compte 56 « feux du roi », soit une diminution fiscale de 3 unités seulement en 5 siècles, ce qui indique une relative stabilité. Quant à Issor, la paroisse reste au même chiffre de 4.
La comptabilité des « feux allumants », c’est-à-dire celle du nombre de ménages, à la même date, est de 145 pour Arette sur un total de 372, soit environ presque 40% de la population de la vallée et Issor pour 44 « feux allumants » , soit 12% de cette population.
Notons que le dénombrement tient aussi compte du nombre des employés communaux (Arette : 14, Issor : non mentionné, total pour la vallée : 45) et de celui des soldats à fournir (Arette : 23, Issor : 10, total pour la vallée : 60)

En 1763, 80 ans plus tard, le dictionnaire de l’abbé Expilly indique un renversement radical de situation :
- Tout d’abord, la population globale de la vallée décroit considérablement par rapport à son niveau de 1683, pour revenir pratiquement à celui de 1385.
- Arette suit cette tendance, ne comptant plus que 25 feux, soit 6 fois moins qu’en 1683 (dont 3 familles de PAUSAT), par contre Issor est comptabilisé pour 90 habitations (dont 5 familles de PAUSAT[6]). Si l’on considère comme équivalentes les notions d’habitation et de feux allumants, Issor a vu, au minimum, sa population doubler pendant que celle d’Arette s’effondre.

Toujours sur la base des informations actuellement collectées dans la généalogie des PAUSAT, ceux nés dans la vallée de Barétous entre 1700 et 1760, sont seulement au nombre de 8 pour Arette et de 60 pour Issor. Il n’y a toujours aucun PAUSAT dans les autres paroisses.
Ces résultats signifient qu’avant la fin de l’Ancien Régime, les remous de l’histoire du pays se font sentir même dans la vallée. 

Cependant, malgré les évolutions et migrations internes de la population, le berceau des PAUZAT se situe toujours uniquement autour de ces deux communes. C’est seulement après la Révolution française et les évènements qui s’en suivirent, puis lors de la révolution industrielle du 19e siècle, que certains PAUZAT partirent, pour les plus proches, vers les communes d’Ance, Aramits, Féas et Lanne.

Que s’est-il passé pendant la période séparant les deux recensements pour expliquer ce retournement de situation entre Arette et Issor et cette diminution importante de la population de la vallée ?
La réponse est sans doute liée à la révocation de l’Édit de Nantes en 1685, à la persécution des protestants qui s’en suivit et des dragonnades infligées à la population protestante (voir ci-dessous).

Les guerres de religion en vallée de Barétous[7]
Rappelons que Jeanne d’Albret, mère d’Henri IV, reine de Navarre et vicomtesse de Béarn, autorise par l’ordonnance du 19 juillet 1561, le calvinisme dans son royaume, puis interdit l’exercice du culte catholique dès 1564. Au début des guerres de religion, elle se sépara de son époux qui avait rejoint le camp catholique et implanta durablement la Réforme calviniste sur ses terres.
Dans ce contexte, Arette reste fidèle au catholicisme alors que Lanne et Aramits passent à la réforme, de même que le seigneur d’Issor, Gaston, qui laisse la nouvelle religion s’y implanter. Les ecclésiastiques qui ne se convertissent pas s’exilent.
« En 1665, on recensera 28 familles protestantes à Issor, soient 123 religionnaires[8] pour 470 catholiques. Après l’abjuration d’Henri IV en 1693, le mouvement s’inverse. En 1603, Féas figurera sur une liste de huit communes béarnaises qui obtiennent le retour au culte catholique. Malgré la vivacité de la lutte, on ne comptera que peu de victimes : à Lanne , le nommé NOUGUEZ, âgé de 40 ans, fut tué d’un coup de pistolet pour ne pas n’avoir voulu aller à la messe. À Issor, le pasteur GODIN fut condamné aux galères où il mourut en 1688, et on note deux exilés volontaires protestants de ce village à Londres en 1686 et 1688. » : y aurait-il un PAUSAT parmi eux ? J’ai en effet vu, au début de mes recherches, ce patronyme cité dans des registres du Royaume-Uni, mais sans pouvoir poursuivre celles-ci.

Scène des dragonnades et conversion forcée des protestants
Évoquons aussi les dragonnades en Béarn organisées par l’Intendant Foucault. (comme en Poitou et en Languedoc) qui consistaient à imposer aux communautés protestantes l’hébergement systématique de soldats chez eux et les abus qui en découlent :
Au début de l’année 1685, Louis XIV avait envoyé dans le Béarn une armée pour menacer l’Espagne. Pendant le séjour de ces troupes dans cette province, l’intendant Foucault déclara que le roi ne voulait plus qu’une religion dans ses États. Aussitôt, il déchaîna les troupes contre les calvinistes, forcés de se convertir par les brutalités auxquelles ils furent soumis, et l’on annonça au roi que la grâce divine avait opéré ce miracle.
Citons, à ce propos, la citation faite de la manière où les évènements sont rapportés au roi Louis XIV « la relation mise sous les yeux du roi ne parle ni de violences ni de dragonnades. On n'entrevoit pas qu'il y ait un seul soldat en Béarn. La conversion générale paraît produite par la grâce divine, il ne s'agit que d'annoncer la volonté du roi... Tous courent aux églises catholiques. »

Plusieurs dizaines de milliers de protestants (peut-être 200.000, d’après certains historiens) choisirent alors la voie de l’exil (certains furent accueillis sur les terres du prince électeur du Brandebourg. Les émigrants, en quittant le royaume de France, emportèrent de considérables sommes d’argent. En outre, le pays se trouvait désormais privé de milliers d’artistes, d’artisans, de matelots et de soldats.

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Tenant compte de la longueur de cet article, celui-ci a été partagé en deux parties : la seconde moitié sera diffusée prochainement, elle concernera :
- les cagots, les "parias" de l'Occitanie du Moyen-âge.
- l'exploitation du bois en Barétous
- L'épizootie de 1774-1776 qui fit disparaître 80% du cheptel béarnais
- les traditions : alimentation, chasse et pêche

[1] Voir l’article précédent du 01-06-2014
[2] La vallée de Barétous communique avec la Haute-Navarre par le col de la Pierre Saint-Martin et finit au nord à Oloron-Sainte-Marie, elle s'ouvre à l’ouest sur la province basque de la Soule.
[3] Le terme feu (du latin focus, le foyer) désigne, particulièrement au Moyen Âge, le foyer, d'abord au sens strict (endroit où brûle le feu) puis figuré : le logement familial (cf. l'expression « sans feu ni lieu »), puis la famille elle-même. Très rapidement, il est utilisé comme unité de base pour l'assiette, le calcul et la perception de l'impôt, on parle alors de feu fiscal.
[4] celui qui payait le cens au Moyen Âge
[5] le facteur de conversion du feu à l’habitant fait encore l'objet de discussions entre historiens
[6] Selon mes propres sources généalogiques
[7] Ce sujet a fait aussi l’objet dans ce blog, de l’article du 25 /01/2012.
[8] Soit environ 20% des habitants d’Issor