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5 novembre 2014

La carrière militaire de Jean-François PAUZAT (1/2)

Première partie : Jean-François s’engage dans l’armée

En cette fin d’année 1791, accoudé au bastingage du vaisseau qui venait de quitter le port de Lorient pour l’emporter vers l’île de St-Domingue, le capitaine Jean-François PAUZAT du 2ème bataillon du 73ème régiment d’infanterie jeta son regard vers les côtes françaises qui s’estompaient lentement à l’horizon.
Se remémorant ses souvenirs d’adolescent, quand il quitta ses parents à 19 ans pour s’engager dans l’armée, il repensa à toutes ses années écoulées.

Avant d’évoquer ce qu’il advint au bout de son voyage, rappelons, dans la première partie de cet article, quel fut son parcours depuis sa naissance et ce jour du 8 décembre 1791.
Jean-François PAUZAT est né le 15 mai 1736 à Castelnaudary, 3ème enfant d’une famille de 7 enfants.
Son père, Germain PAUZAT, avait du mal à faire vivre celle-ci en proposant chaque jour ses services aux artisans locaux. Il était ce que l’on appelait un brassier[1]. Sa mère, Jeanne PECH, s’occupait du ménage, et de ses enfants, lui, ses 5 frères et sa sœur. Nous savons que son parrain, Jean-François PAUZAT, était aussi brassier.

acte de baptême de Jean-François PAUZAT (n°1432)
Les ascendants de Jean-François sont établis dans cette ville depuis, au moins, les années 1670, années où l’on trouve, pour la première fois dans les actes paroissiaux, l’existence d’un PAUZAT, à savoir son aïeul Antoine PAUZAT[2] et sa femme Françoise VIALANE. 

Comme la plupart des brassiers ou porte-faix qui vivaient de petits travaux, citons ce qui est dit au sujet de ces familles qui constituaient la couche sociale la plus indigente, après celle des mendiants : « ils étaient entassés dans les faubourgs ou les quartiers les plus pauvres, ou relégués dans les galetas des étages supérieurs des maisons ».

Aussi nous imaginons que pour échapper à cette condition[3], voyager et connaître l’aventure, il s’engagea dans l’armée en 1755, comme soldat dans le Royal Comtois. C’est ainsi que l’année suivante, début avril, il embarque à Toulon sur l’un des 176 bâtiments de transports de troupes, parmi les 12.000 hommes qui participèrent à l’expédition de Minorque[4]

soldats de l'Infanterie vers 1755 et uniformes des filtres et tambour du Royal Comtois

Il fait ainsi partie de l'attaque pour s’emparer de Mahon (voir la carte ci-dessous). Après la reddition de l’île le 29 juin, il rentre en France[5] avec son régiment qui sera rattaché en 1757 à l’armée du Hanovre.

départ de la flotte française pour l'expédition de Port-Mahon dans l'île de Minorque le 10 avril 1756

En 1758, il revient sur le Rhin et assiste à la bataille de Krefeld[6]. Puis, il rentre de nouveau en France et fait les autres campagnes de la guerre de Sept Ans (1756-1763) sur les côtes de Flandre[7]

La suite de son parcours ne nous est pas encore connue, cependant nous savons aujourd’hui que :
- En 1785, toujours militaire, il est nommé Sous-Lieutenant à l’âge de 30 ans.
- En 1789, il a 53 ans, il reçoit le titre de chevalier de Saint-Louis[8], sans doute pour le récompenser de son comportement exemplaire durant cette période agitée.
Croix de Chevalier de St-Louis et soldat de l'Infanterie de ligne en 1789
- l'année 1791 sera pour lui une année cruciale, car sa carrière s’accélère au même rythme que les événements nationaux. En effet, une coalition se formant contre la France alors en pleine Révolution, l'émigration se renforce de plus en plus. Le roi et sa cour se disposent à fuir. Les frontières de la France sont menacées. C’est dans ce contexte qu’il est nommé Lieutenant, il a 55 ans. Ceci n’aurait pas pu être possible auparavant, car un édit Royal de 1781 réservait jusqu’alors, les grades militaires à la seule noblesse.


Remarque : Les volontaires devaient former des bataillons de 500 à 800 hommes commandés chacun par 1 colonel et 2 lieutenants colonels. Tous les officiers devaient être élus par les volontaires.
Chaque garde national recevait une solde de 15 sous[9] par jour. Le caporal et le tambour, une solde et demie; le fourrier et le sergent, 2 soldes; le sous-lieutenant 3 soldes; le lieutenant 4 soldes; le capitaine 5 soldes; le lieutenant-colonel 6 soldes et le colonel 7 soldes.


- Le 1er octobre 1791, il est détaché Lieutenant-colonel en second du 1er bataillon de Loir-et-Cher (voir ci-dessus), régiment formé le 30 septembre, mais il ne restera pas longtemps dans ce corps, car :

- Le 30 novembre 1791, il est nommé Capitaine au 73ème régiment, soit une semaine avant son départ, le 8 décembre, du port de Lorient pour St-Domingue, afin de participer avec son bataillon de 450 hommes à la répression de la « révolte des nègres » qui a commencé la même année, en août.


La 2ème partie de cet article concernera la « révolte des nègres » à St-Domingue et le sort de J-F P.

[1] Ouvrier n'ayant que ses bras pour gagner sa vie.
[2] Antoine PAUZAT mourut à Castelnaudary le 7 septembre 1677
[3] Sans doute pour les mêmes raisons, Henri PAUZAT (n°1361), l’un de ses cousins, né la même année que lui à Castelnaudary, s’expatria à Marseille vers 1770 où il devint pêcheur puis patron de ponton. Le fils d’un autre cousin, Barthélémy PAUZAT (n°1448), partit lui aussi Outre-mer, sans doute militaire comme lui et « fut tué par les nègres en Martinique » vers 1790/1791, à l’âge de 20 ans.
[4] La bataille de Minorque ou de Port Mahon est un affrontement naval et terrestre qui a lieu en mai et juin 1756 au début de la guerre de Sept Ans. Cette bataille oppose la France et l'Angleterre pour le contrôle de l'île de Minorque en Méditerranée occidentale.
[5] À moins qu’il est fait partie du contingent resté sur l’île jusqu’en janvier 1763, date du traité de Paris où la France la restitua à la Grande-Bretagne, ce qui semble peu probable.
[6] La bataille de Krefeld eut lieu le 23 juin 1758, pendant la guerre de Sept Ans, entre les troupes hanovriennes et les troupes françaises.
[7] Cependant, on ignore aussi s’il est resté en Allemagne, comme un certain nombre de volontaires du régiment.
[8] L’ordre royal et militaire de Saint-Louis est un ordre honorifique français créé par un édit de Louis XIV du 5 avril 1693 pour récompenser les officiers les plus valeureux. Le bénéficiaire devait être catholique et avoir servi plus de dix ans comme officier, mais pas obligatoirement noble.
[9] Vingt sous faisaient une livre (ou franc), vingt-quatre livres faisaient un louis d’or. En tant que Capitaine, J-F P devait toucher environ 4,7 louis d’or par mois.