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15 janvier 2015

La carrière militaire de Jean-François PAUZAT (2/2)

Deuxième partie : la campagne de St-Domingue


Dans l’article précédent, nous avions quitté J-F PAUZAT, en partance le 8 décembre 1791 pour l’île de St-Domingue, afin de réprimer la « révolte des nègres ».




Avant la Révolution, l'île de Saint-Domingue est séparée en deux. À l'Est, la partie espagnole est peu peuplée et essentiellement tournée vers l'élevage. La partie la plus riche, à l'Ouest, appartient à la couronne de France et fait l'essentiel de toute sa richesse coloniale. Son coton, son sucre et son café représentent alors environ la moitié de la production mondiale de chacun de ces trois produits. La société coloniale est très hiérarchisée, avec en haut de l'échelle sociale les grands propriétaires terriens et négociants et tout en bas les esclaves. Entre les deux, tout un monde de petits planteurs, de noirs affranchis et de métis, commerçants et artisans divers.

Cette situation est principalement due au fait que ces plantations attirent les plus ambitieux officiers de la noblesse française, à une époque où l'enrichissement rapide est encore rare, faute d'industrie. Forts de leur soutien à Washington, lors de la Guerre d'indépendance américaine, ils disposent de capitaux, de réseaux commerciaux et d'un esprit d'entreprise conquérant. Les correspondances des émigrés de la Révolution française montrent l'importance de leurs réseaux.

Tous les blancs ont donc, pour des raisons diverses, un intérêt commun : obtenir plus de libertés de la Métropole. Les uns pour augmenter leurs profits, bridés par des monopoles imposés par Paris, mais bien sûr en maintenant le "système de castes". Les autres veulent améliorer le système social archaïque, sans cependant aller jusqu'à abolir l'esclavage sur lequel toute l'économie de l'île est basée. Les métis et les noirs libres veulent accéder aux mêmes droits que les Blancs et les esclaves désirent, à juste titre, la Liberté tout court.

La situation est très instable, accentuée par le déséquilibre démographique : environ 40.000 Blancs, 30.000 métis et 400.000 esclaves. Toutes ces aspirations vont tenter de se réaliser en même temps, profitant du choc de la Révolution en France, amenant bientôt le chaos… d'autant plus que face à la situation, la Métropole va réagir souvent à contre temps.

Entre 1789 et 1791, s'appuyant sur les événements en France, les Blancs se déchirent entre autonomistes réactionnaires et partisans de la Révolution, tandis que les métis accèdent par la violence à l'égalité des droits et que des révoltes d'esclaves éclatent un peu partout, avec leur lot de massacres. C’est ainsi que les 28/29 octobre 1790 débute une révolte des esclaves noirs, férocement réprimée, puis une seconde le 20 août 1791.

Scène de la révolte des nègres et carte de St-Domingue (République Dominicaine actuelle)

En novembre 1791 arrivent des troupes pour tenter de rétablir l'ordre. Parmi elles, le détachement du 2e Bataillon du 73e d'Infanterie où le Capitaine Jean-François PAUZAT, ayant sous ses ordres le soldat Nicolas Ourblain[1], découvre les colonies…

En pleine anarchie politique locale, entre l'Assemblée coloniale et les commissaires métropolitains, les troupes débarquées sont envoyées au Cap Français dans des camps malsains, où elles sont immédiatement décimées par les fièvres comme le paludisme, la dysenterie, mais aussi la plus terrible d'entre elles : la fièvre jaune[2]. Il est impossible que Jean-François PAUZAT ne l'ai pas attrapée, et on peut espérer que s'il en avait guéri spontanément, il était donc immunisé. Il reste cependant un doute, n’ayant aucune information sur lui, après son arrivée dans l’île.

Par contre, nous savons que Nicolas Ourblain, devenu caporal entre temps, est toujours vivant, dans « ce qui subsiste de son bataillon ». Ce dernier reviendra le 17 juin 1794 en France, pour ce qui en restera. Le 2ème bataillon du 73ème régiment d’infanterie « ne sera pas amalgamé, faute d’effectif suffisant ! »

Le bilan de l'expédition de Saint-Domingue est donc particulièrement lourd en vies humaines. À la veille de la révolution, la population de l'île comptait environ 550 000 habitants. En 1804, elle ne sera plus que de 300 000. Entre-temps, environ 20.000 réfugiés français fuiront vers l’Amérique, essentiellement dans le Sud, relativement peu peuplé à cette époque, mais aussi vers d’autres îles de La Caraïbe. La première vague d’émigration fuyant St-Domingue aura lieu lors de l’été 1793 vers les États-Unis, en Louisiane qu’elle vient de racheter à la France et vers la côte Est, où 290 navires transporteront environ 6 500 personnes, dont 4 000 esclaves.

Mais quand est-il de Jean-François PAUZAT ? Est-il décédé de maladie ? Est-il mort au combat ou a-t-il était fait prisonnier ? ou encore, a-t-il fui vers l’île de Ste-Lucie, île[3] des Caraïbes, où il serait devenu planteur ?

À ce jour, j’ignore ce qu’il en est, car une demande de renseignements aux archives militaires du Ministère de la Défense ne nous a pas permis de le savoir, faute de l’existence d’un dossier qui lui soit personnellement consacré et qui aurait pu récapituler son parcours militaire.

Notons qu’en 1795, un Jean PAUZAT, prisonnier des Antilles en Angleterre figure sur une liste de planteurs de Ste-Lucie (disputée à cette époque par les Anglais qui en obtienne le contrôle complet en 1814, par le traité de Paris).


  Liste des prisonniers français rapatriés en Angleterre en 1795, dont des planteurs de Ste-Lucie
L’énigme non élucidée du sort de Jean-François Pauzat nous conduit donc vers une seconde énigme, celle d’un autre Pauzat, prénommé Jean, dont nous ignorons les origines et le sort que les Anglais lui ont réservé lors de son rapatriement supposé en Angleterre. Est-ce la même personne ?

[1] Nicolas Ourblain reviendra vivant de St-Domingue après un séjour dans l’île de 17 ans, où il sera nommé en 1808, Capitaine adjudant major à la Légion du Cap. Voir le site « Soldats de la Grande Armée » où un article, d’où proviennent les informations ci-dessus, lui est dédié (source : Didier DAVIN) : frederic.berjaud.free.fr/.../un_soldat_colonial_a_saint_domingue_1791
[2] De petites épidémies réapparaissaient tous les ans avec la saison des pluies. Ceux qui en réchappaient étaient immunisés par la suite. Les Noirs d'origine africaine étaient naturellement plus résistants à cette affection, ce qui n’était pas le cas des troupes envoyées de la Métropole.
[3] Ile située aux Caraïbes, au sud de la Martinique, environ 800 km à l’est de St-Domingue