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22 décembre 2014

Une nouvelle année à la recherche de nos ancêtres

Je salue les lecteurs de ce blog et plus particulièrement ceux qui y ont participé ou qui m’ont écrit pour me faire part de leurs découvertes et de leurs remarques.
Je présente à tous mes vœux pour cette nouvelle année, à ceux résidant en France, mais aussi à ceux expatriés dont les ancêtres ou eux-mêmes émigrèrent un jour, constituant la diaspora des Pauzat.

À ce jour, ce blog a eu 13760 visites, dont 7420 provenant de France, 2015 des États-Unis, 1200 d’Espagne, 513 d’Allemagne, puis Russie, Belgique, Canada, Royaume-Uni, Lettonie, Ukraine, etc.
L’article le plus lu, publié le 29/09/2011, est celui consacré à :
la « survivance du surnom ou coutume ancestrale en voie de disparition ? »
Parmi ces visiteurs, combien de PAUZAT y sont venus découvrir la mémoire de leurs ancêtres ?

Souhaitons que durant l’année 2015, nous puissions continuer ce projet, celui d’établir la généalogie des « Pausat », mais aussi celui de mettre au jour les témoignages qu’ils ont laissés, ces empreintes fragiles du passé dont l’importance ne se mesure qu’à l’éclairage qu’elles portent sur nos racines.

5 novembre 2014

La carrière militaire de Jean-François PAUZAT (1/2)

Première partie : Jean-François s’engage dans l’armée

En cette fin d’année 1791, accoudé au bastingage du vaisseau qui venait de quitter le port de Lorient pour l’emporter vers l’île de St-Domingue, le capitaine Jean-François PAUZAT du 2ème bataillon du 73ème régiment d’infanterie jeta son regard vers les côtes françaises qui s’estompaient lentement à l’horizon.
Se remémorant ses souvenirs d’adolescent, quand il quitta ses parents à 19 ans pour s’engager dans l’armée, il repensa à toutes ses années écoulées.

Avant d’évoquer ce qu’il advint au bout de son voyage, rappelons, dans la première partie de cet article, quel fut son parcours depuis sa naissance et ce jour du 8 décembre 1791.
Jean-François PAUZAT est né le 15 mai 1736 à Castelnaudary, 3ème enfant d’une famille de 7 enfants.
Son père, Germain PAUZAT, avait du mal à faire vivre celle-ci en proposant chaque jour ses services aux artisans locaux. Il était ce que l’on appelait un brassier[1]. Sa mère, Jeanne PECH, s’occupait du ménage, et de ses enfants, lui, ses 5 frères et sa sœur. Nous savons que son parrain, Jean-François PAUZAT, était aussi brassier.

acte de baptême de Jean-François PAUZAT (n°1432)
Les ascendants de Jean-François sont établis dans cette ville depuis, au moins, les années 1670, années où l’on trouve, pour la première fois dans les actes paroissiaux, l’existence d’un PAUZAT, à savoir son aïeul Antoine PAUZAT[2] et sa femme Françoise VIALANE. 

Comme la plupart des brassiers ou porte-faix qui vivaient de petits travaux, citons ce qui est dit au sujet de ces familles qui constituaient la couche sociale la plus indigente, après celle des mendiants : « ils étaient entassés dans les faubourgs ou les quartiers les plus pauvres, ou relégués dans les galetas des étages supérieurs des maisons ».

Aussi nous imaginons que pour échapper à cette condition[3], voyager et connaître l’aventure, il s’engagea dans l’armée en 1755, comme soldat dans le Royal Comtois. C’est ainsi que l’année suivante, début avril, il embarque à Toulon sur l’un des 176 bâtiments de transports de troupes, parmi les 12.000 hommes qui participèrent à l’expédition de Minorque[4]

soldats de l'Infanterie vers 1755 et uniformes des filtres et tambour du Royal Comtois

Il fait ainsi partie de l'attaque pour s’emparer de Mahon (voir la carte ci-dessous). Après la reddition de l’île le 29 juin, il rentre en France[5] avec son régiment qui sera rattaché en 1757 à l’armée du Hanovre.

départ de la flotte française pour l'expédition de Port-Mahon dans l'île de Minorque le 10 avril 1756

En 1758, il revient sur le Rhin et assiste à la bataille de Krefeld[6]. Puis, il rentre de nouveau en France et fait les autres campagnes de la guerre de Sept Ans (1756-1763) sur les côtes de Flandre[7]

La suite de son parcours ne nous est pas encore connue, cependant nous savons aujourd’hui que :
- En 1785, toujours militaire, il est nommé Sous-Lieutenant à l’âge de 30 ans.
- En 1789, il a 53 ans, il reçoit le titre de chevalier de Saint-Louis[8], sans doute pour le récompenser de son comportement exemplaire durant cette période agitée.
Croix de Chevalier de St-Louis et soldat de l'Infanterie de ligne en 1789
- l'année 1791 sera pour lui une année cruciale, car sa carrière s’accélère au même rythme que les événements nationaux. En effet, une coalition se formant contre la France alors en pleine Révolution, l'émigration se renforce de plus en plus. Le roi et sa cour se disposent à fuir. Les frontières de la France sont menacées. C’est dans ce contexte qu’il est nommé Lieutenant, il a 55 ans. Ceci n’aurait pas pu être possible auparavant, car un édit Royal de 1781 réservait jusqu’alors, les grades militaires à la seule noblesse.


Remarque : Les volontaires devaient former des bataillons de 500 à 800 hommes commandés chacun par 1 colonel et 2 lieutenants colonels. Tous les officiers devaient être élus par les volontaires.
Chaque garde national recevait une solde de 15 sous[9] par jour. Le caporal et le tambour, une solde et demie; le fourrier et le sergent, 2 soldes; le sous-lieutenant 3 soldes; le lieutenant 4 soldes; le capitaine 5 soldes; le lieutenant-colonel 6 soldes et le colonel 7 soldes.


- Le 1er octobre 1791, il est détaché Lieutenant-colonel en second du 1er bataillon de Loir-et-Cher (voir ci-dessus), régiment formé le 30 septembre, mais il ne restera pas longtemps dans ce corps, car :

- Le 30 novembre 1791, il est nommé Capitaine au 73ème régiment, soit une semaine avant son départ, le 8 décembre, du port de Lorient pour St-Domingue, afin de participer avec son bataillon de 450 hommes à la répression de la « révolte des nègres » qui a commencé la même année, en août.


La 2ème partie de cet article concernera la « révolte des nègres » à St-Domingue et le sort de J-F P.

[1] Ouvrier n'ayant que ses bras pour gagner sa vie.
[2] Antoine PAUZAT mourut à Castelnaudary le 7 septembre 1677
[3] Sans doute pour les mêmes raisons, Henri PAUZAT (n°1361), l’un de ses cousins, né la même année que lui à Castelnaudary, s’expatria à Marseille vers 1770 où il devint pêcheur puis patron de ponton. Le fils d’un autre cousin, Barthélémy PAUZAT (n°1448), partit lui aussi Outre-mer, sans doute militaire comme lui et « fut tué par les nègres en Martinique » vers 1790/1791, à l’âge de 20 ans.
[4] La bataille de Minorque ou de Port Mahon est un affrontement naval et terrestre qui a lieu en mai et juin 1756 au début de la guerre de Sept Ans. Cette bataille oppose la France et l'Angleterre pour le contrôle de l'île de Minorque en Méditerranée occidentale.
[5] À moins qu’il est fait partie du contingent resté sur l’île jusqu’en janvier 1763, date du traité de Paris où la France la restitua à la Grande-Bretagne, ce qui semble peu probable.
[6] La bataille de Krefeld eut lieu le 23 juin 1758, pendant la guerre de Sept Ans, entre les troupes hanovriennes et les troupes françaises.
[7] Cependant, on ignore aussi s’il est resté en Allemagne, comme un certain nombre de volontaires du régiment.
[8] L’ordre royal et militaire de Saint-Louis est un ordre honorifique français créé par un édit de Louis XIV du 5 avril 1693 pour récompenser les officiers les plus valeureux. Le bénéficiaire devait être catholique et avoir servi plus de dix ans comme officier, mais pas obligatoirement noble.
[9] Vingt sous faisaient une livre (ou franc), vingt-quatre livres faisaient un louis d’or. En tant que Capitaine, J-F P devait toucher environ 4,7 louis d’or par mois.

15 septembre 2014

L’actualité de notre patronyme sur le Web

Il y a quelques années, le Web n’ouvrait qu’une seule page à l’appel de notre patronyme, le mot «pauzat » était quasiment inconnu du réseau. 
Aujourd’hui, il est une mine inépuisable d’informations où les internautes ont progressivement déposé leurs données, maintenant 22 pages peuvent être consultées à l’appel de notre simple patronyme.
Faisons-y donc un petit tour pour satisfaire notre curiosité et citons dans le désordre quelques résultats de cette recherche :

- Raoul PAUZAT est décédé en 1970. Cette année, il aurait eu 100 ans étant né en 1914 à Paris. Il a vécu essentiellement à Lancieux (Côtes-d'Armor), où il a exercé le métier de photographe de 1936 jusqu'à sa mort. Ses photographies sont actuellement exposées sur les murs de la salle du conseil municipal de la mairie. 


L'exposition a été pensée pour rendre hommage à l'homme et au photographe de talent qu'il était et qui a vécu les débuts de la photographie sur plaque de verre. Sa sœur Janine âgée de 85 ans et ses deux filles Geneviève et Françoise PAUZAT ont assisté au vernissage.
- Quentin PAUZAT, contemporain, lui aussi passionné de photographie, a ouvert un blog pour parler de sa passion axée sur le sport et la nature.
- Roger PAUZAT est le nouveau maire d’Augy dans l’Yonne et Yves PAUZAT est l’un des nouveaux conseillers municipaux de la commune de Saint-Paul en Haute-Vienne.



- 5% des PAUZAT contemporains vivent dans l’Yonne, 325 sont nés en France entre 1890 et 1990, dans 39 départements (9 dans le Lot-et-Garonne, 8 en Gironde, 8 en Dordogne, 7 en Haute-Vienne, etc.).
- Marie-Line PAUZAT a participé récemment à la coupe Harroka de scrabble à Biarritz
- L'Assiette de l'impôt direct à la fin du XIVe siècle : comment apparait notre patronyme dans l’inventaire des biens soumis à l’impôt pour exprimer le sens « situé »
Ex : une autre maison située dans la rue de Muret qui appartenait à Laldina, estimée à 270 livres


- Le PAUZAT des chèvres continue de faire son fromage bio dans la vallée du Lot (voir notre article d’octobre 2013).
- Christophe PAUZAT sportif pratiquant la course et le Trail à l’île de La Réunion depuis 2006 est arrivé cette année 185e au Trail du Volcan en 03h.02’.54’’. Notons qu’il fait partie de l'équipe chargée de la conservation de la flore et des habitats au CBN-CPIE de Mascarin[1], dont le Coco de mer, palmier endémique préservé, symbole des Seychelles, qui est menacé de disparition.
- PAUZAT Christophe de TAMPON à l’île de La Réunion, sans doute le même, a gagné en 2011, 1 lg de chocolat au jeu CHOCO !
- Hélène MONJO-PAUZAT figure sur la photo de sa classe de 5e en 1961-62 au Cours complémentaire Victor Hugo de l’Établissement d’enseignement secondaire de Philippeville en Algérie.


- Bertrand PAUZAT de Dun-sur-Auron (Cher) pratique lui aussi la course à pied.
- Attention, les pratiquants du bodybuilding ou certains sportifs se surentraînant risquent, à double titre pour ceux portant notre patronyme, de subir une « fracture de fatigue », qui n’en est pas réellement une. En fait, il s’agit d’une modification osseuse qui porte le nom de … maladie de PAUZAT. Donc rien à voir avec celle de la mâchoire que certains écoliers risquent de subir en bâillant lorsqu’ils écoutent leurs professeurs !
- Toujours dans le même domaine, apprenez que le ligament antérieur du genou possède un tendon rotulien dont le plan capsulaire contient un ligament de PAUZAT. Prenons donc bien soin de nos genoux !
- L’élevage de chiens du Val d’Ambronne (race Beagles-Harriers) a débuté par une première portée, née de Sabine des Grépins et du mâle CH. Portos de Pauzat.


- Les aquarelles du peintre marseillais Marius PAUZAT (berceau Languedoc) figurent toujours régulièrement sur le Net.

Voici donc un extrait de la présence de notre patronyme sur le Web, sans lequel le résultat de nos recherches ne pourrait pas aboutir et s’échanger aussi largement.


[1] Conservatoire Botanique National et Centre Permanent d'Initiatives pour l'Environnement de Mascarin

24 juillet 2014

Nos ancêtres béarnais de la vallée de Barétous (2/2b)

2e partie : la vie de nos ancêtres béarnais (suite et fin)
Après un premier regard sur la vie de nos ancêtres béarnais[1], terminons notre parcours sur l’histoire de leur vallée natale et sur certaines spécificités propres à leur époque.

Les cagots :
Sous le nom de cagots, ainsi nommés dès le 11e siècle, on désignait des sortes de parias, auxquels les préjugés et les coutumes imposaient un régime de vie spécial et d’existence isolée. Ils peuvent être comparés aux intouchables indiens.
Leur origine reste mystérieuse, plusieurs thèses sont évoquées, allant de celle des Wisigoths battus par Clovis à Poitiers, aux Sarazins, juifs, cathares, lépreux…ou encore à celle des descendants d'un peuple vaincu par les armes.
bénitier de Cagots     cortège de Cagots    la patte d'oie, signe distinctif
Ils habitaient des maisons séparées, à quelques distances des villages ; ils devaient porter sur leurs vêtements un signe distinctif : une patte d’oie en drap rouge, afin qu’on puisse aisément éviter leur approche. Les cagots étaient sous la juridiction immédiate de l’Église, à la fois maternelle et rigoureuse, et non de la commune (jurat) ou des vicomtes.
Ils représentaient, au plus, 2% de la population. Leur nombre augmente sensiblement au XVIe siècle, puis décline, sans doute par assimilation. Ils étaient si marginalisés qu’ils ne furent pas pris en compte dans le dénombrement de Gaston Febus en 1385.


Les cagots sont présents dans le sud-ouest de la Gascogne, dans le Béarn, en Bigorre et dans les vallées pyrénéennes, mais aussi dans le nord de l'Espagne (Aragon, Navarre sud et nord, Pays basque et Asturies) où ils sont désignés par le terme Agots.
Un nombre considérable d’interdictions dictées par la superstition pesaient sur eux : certaines orales, mais d’autres sont transcrites dans les « fors » (lois) de Navarre et du Béarn des XIIIe et XIVe siècles. Aucune humiliation ne leur était épargnée.
Ils ne se rendaient au village que pour leurs besoins les plus pressants et pour aller à l'église. Dans de nombreux cas, ils n'entraient que par une porte de taille, un bénitier spécial leur était réservé et ils étaient relégués au fond, avec des sièges séparés du reste des fidèles.


Ils n’avaient pas de nom de famille ; seul un prénom suivi de la mention « crestians » ou « cagot » figurait sur leurs actes de baptême, et les cérémonies religieuses qui les concernaient se déroulaient généralement à la nuit tombée. À leur mort, ils étaient enterrés à l’écart dans un endroit du cimetière ou dans un cimetière à part. Ils n’étaient autorisés à se marier qu’entre eux.
Certains métiers leur étaient interdits, généralement ceux considérés comme susceptibles de transmettre la lèpre, comme ceux liés à la terre, au feu et à l’eau. Ils étaient en revanche autorisés à toucher le bois ; aussi étaient-ils souvent charpentiers ou maçons, bûcherons ou tonneliers. Dans les cas où les instruments de torture étaient en bois, ce qui était fréquent dans les bourgs et villages, il arrivait qu'ils fussent bourreaux, constructeurs de cercueils et fossoyeurs, fonctions n’améliorant pas leur image auprès des populations locales ni, de ce fait, leur sort. Les autres professions qu'ils exercèrent le plus souvent furent celles de menuisier, vannier, de cordier et de tisserand. Payés en nature, ils ne percevaient pas de salaire et constituaient donc une main-d’œuvre bon marché.
Réputés dégager une odeur désagréable, les cagots sont décrits par certains documents comme tantôt petits et bruns au teint olivâtre, tantôt grands aux yeux bleus. Aucune origine ethnique homogène ou particulière n'apparaît clairement, et rien ne les distingue vraiment du reste de la population.
Des médecins nommés par le Parlement de Toulouse, après expertise de 22 d’entre eux le 13 juin 1600, ne purent que conclure qu’ils étaient exempts de toute pathologie.
Ceci n’empêcha pas une commission scientifique en 1892 (bulletin de la Société d’anthropologie de Paris, rédigé par M. Magitot) de gloser sur les particularités anatomiques ou ethniques d’individus vivant en Béarn et supposés être les descendants des Cagots.
L’auteur déclare : « je fus frappé de rencontrer un certain nombre d’individus présentant des dispositions toutes particulières des mains, des pieds et du système pileux », il en fit d’ailleurs un moulage ! Ces particularités étaient les suivantes :
- les ongles des mains et des pieds sont déformés, citons : « les gens du pays donnent à cette disposition un nom pittoresque et exact : ce sont, disent-ils en patois, des ouncles de carcoils ou ongles en colimaçon »
- un système pileux peu important, citons : « une femme d’une quarantaine d’années présentait les cheveux d’un enfant nouveau-né ».
Il conclut sur l’origine des Cagots, en argumentant la thèse que ces derniers seraient les descendants de lépreux ayant survécu à leur maladie. Il est exact que de nombreuses épidémies ont frappé le pays au Moyen-âge, surtout lors du retour des croisades.
Notons que ne pouvant se marier qu’entre eux, les problèmes de consanguinité ont certainement joué progressivement un rôle déterminant.

Exploitation du bois
En 1666, Colbert cherche à trouver dans le royaume de France les ressources en bois qui éviteraient de s’approvisionner à l’étranger pour le gréement et les mats des navires de la flotte qu’il compte renforcer.
Pour convoyer ce bois, les voies les plus rapides étaient les grands Gaves au printemps. Les troncs étaient transportés au port d'Athas par des attelages de boeufs, puis les radeaux étaient assemblés pour naviguer jusqu'à Bayonne par le Gave d'Aspe, celui d'Oloron et enfin l'Adour.


transport du bois par voie fluviale
La vallée de Barétous doit participer à cet effort. Fin 1669, une convention est signée avec Arette qui doit fournir et transporter 110 pièces de sapin pour en faire des mâts. Il est indiqué que cette tâche ne se fait pas sans difficulté due à « l’indiscipline des bouviers et ouvriers, ainsi que sur la perte et la disparition de roues, charettes, cordages et ferrements ». Suite à ces incidents, ce sera le jurat[2] d’Arette qui devra répondre de ces infractions sur ses biens propres.
En 1722, une commission d’inspection déclare que la forêt d’Arette est détruite !

L’épizootie de 1774-1776
Durant ces années, le Béarn est atteint par une épidémie qui fera disparaître 80% de cheptel ovin.
Pour lutter contre ce fléau, les habitants de la vallée de Barétous se mobilisent.
- Ils procèdent à la désinfection à la chaux des étables
- Ils font hacher les cadavres des animaux avec leur cuir et les font enterrer, puis recouvrir de cailloux, d’épines et de terre sur une hauteur de 3 pans (environ 75cm)[3], afin de dissuader les chiens errants.
- Ils font surveiller chaque semaine le bétail par deux hommes experts qui préviendront les jurats en cas de bête malade qui sera alors « assommée ».
- La circulation des animaux entre les villages est interdite.
À Issor, les chefs de famille se mobilisent, ils établissent un tour de rôle pour la garde et la surveillance des troupeaux, dépister les bêtes « étrangères » (celles des communes voisines). Ceci permettra d’intercepter les conducteurs et leurs bêtes venant d’Arette et d’Asasp.
Le résultat de cette campagne préventive fera son effet, puisqu’en 1775, si Issor recense 642 bovins, il n’y aura aucune perte.
En conséquence, ces animaux qui ont résisté au mal terrifiant se voient attribuer des qualités particulières. La vache « Barétone » ou « Barétoune » sera recherchée pour reconstituer le cheptel des régions voisines, d’où ce nom que la vache blonde béarnaise gardera longtemps.

Traditions :
L’alimentation :
Les maigres ressources agricoles limitaient l'art culinaire. L'animal roi était le cochon qui fournissait nombre de produits : salés, séchés, confits ou sous forme de saucissons, boudins et pâtés. Et la céréale reine était le maïs qui détrôna au 18e siècle, le sarrasin ou blé noir. Les poulets et leurs oeufs, les truites, le gibier et les légumes du jardin venaient compléter les régimes alimentaires.Le lait venait surtout des chèvres et des brebis.
La poule au pot est un plat appartenant à la tradition gastronomique française dont il existe une recette à la béarnaise. La légende prétend qu’elle fut évoquée par le roi de France Henri IV, soucieux du bien-être de ses moindres sujets,et qu’il aurait maintes fois répété : « Si Dieu me donne encore de la vie, je ferai qu’il n’y aura point de laboureur en mon Royaume qui n’ait moyen d’avoir une poule dans son pot. ».



En restant dans le domaine culinaire, nous pouvons aussi évoquer la garbure, soupe au chou contenant des morceaux de légumes et de viandes, traditionnelle de la cuisine gasconne et d'origine béarnaise.
De nos jours, il y a un petit café-restaurant à Arette, situé près de l’église, où j’en ai mangé d’excellentes, dans une ambiance accueillante et bonne enfant.

La chasse et la pêche :
Les habitants de la vallée de Barétous sont des cultivateurs et des pasteurs qui considèrent la chasse, si elle est trop fréquente, comme un passe-temps pour oisifs dépensiers, malgré qu’ils en ont officiellement le droit, selon l’article 19 de la Déclaration des droits coutumiers.
Cependant, ne disposant pas d’armes à feu, ils utilisent quelques armes de poing, fronde, arbalète et javeline, ainsi que des pièges métalliques ou des filets pour se débarrasser des « bêtes féroces et de rapine » comme les ours, loups, sangliers, blaireaux, renards.
Certaines chasses font exception, celle à la palombe, Barétous étant un lieu de passage favori et celles des ours pour lesquels des battues étaient organisées et des loups dont la présentation du trophée donnait droit à une prime.
La pêche permettait d’ajouter quelques anguilles, truites et goujons au menu. Elle se faisait à la main pour les plus sportifs. Elle ne pouvait se faire dans les eaux dépendant d’un moulin, dont le droit était alors réservé au meunier.

Conclusion :Ainsi fut la vie de nos ancêtres[4] béarnais pendant tous ces siècles. Ils eurent des vies souvent difficiles et cruelles, mais c’étaient le lot de tous et sans doute qu’ils savaient apprécier les petits moments de bonheur que nous n’avons plus le privilège de vivre : une eau limpide, pas de pollution ; une culture traditionnelle sans pesticide, une nourriture saine qui avait du goût, pas de conservant, colorants ni d’OGM ; la convivialité des soirées au coin du feu, où les anciens racontaient leurs souvenirs, pas de TV et de programmes abrutissants, etc.

Mais pour les nostalgiques et les rêveurs, rappelons-leur qu’il n’y avait pas d’eau courante, de douche, ni d’eau chaude ; pas d’électricité ni d’appareils et outils actuels, tout se faisait à la main; les journées de travail faisaient qu’à la fin de la semaine, les 35h étaient largement dépassées; les femmes, en plus de s’occuper des travaux à la ferme, passaient leurs journées à préparer les repas pour toute la famille et les aides, soit une tablée de 10 personnes en moyenne ; elles faisaient la lessive à la main, à l’eau froide et à l’extérieur, elles accouchaient à la maison avec un risque de mortalité important ; il n’y avait pas de médicaments ; les trajets se faisaient à pied sur plusieurs km, avec souvent, un fardeau très lourd à porter. Pour les cadets, pas d’héritage, il fallait quitter la ferme ; les plus chanceux se mariaient avec l’ainée d’une autre famille, mais s’intégraient dans celle-ci dont ils portaient désormais le nom (d’où les problèmes rencontrés en généalogie pour déchiffrer les actes) ; il fallait respecter les traditions et les préceptes de l’Église, pas de liberté de conscience ; payer des impôts et des taxes pour voir les nobles s’en dispenser et garder leurs privilèges … le cahier des doléances n’est pas loin, ni la révolution.

Finalement, nous serions nombreux à renoncer à la vie de nos ancêtres et souhaiter rester à notre époque. Le paradis, comme aujourd’hui, n’était pas sur terre durant l’Ancien Régime, même pas en Béarn ni en vallée de Barétous, il n’était promis que pour l’au-delà et encore pour les plus méritants.

[1] Voir l’article précédent du 03-07-2014
[2] Le jurat était souvent issu des borgues (bourgeois) , il était le représentant de la communauté locale. C'était le véritable gestionnaire de la vie publique. Il cumulait les pouvoirs judiciaires et de police. Il était avec les gardes, le répartiteur et percepteur des impôts de l’État. Il était aussi chargé de la police, de la sécurité publique, de la répression, du vagabondage, de l’hygiène publique et de la voirie...Il convoquait également pour l’armée.
[3] Unité de longueur ancienne : 1 palme ou pan = 1/8 de canne, cette dernière étant de 1,90m à 2,013m selon les villes.
[4] Pour les curieux, je conseille le livre de Jean-Louis BEAUCARNOT « Comment vivaient nos ancêtres »

3 juillet 2014

Nos ancêtres béarnais de la vallée de Barétous (2/2a)

2e partie : la vie de nos ancêtres béarnais

Après l’évocation romancée d’un moment de vie de l’un de nos ancêtres béarnais[1], poursuivons notre parcours sur l’histoire de leur vallée natale et sur certaines spécificités propres à leur époque.
 Paysages de la vallée de Barétous (photo de droite de Ronan Lambert)
La vallée de Barétous[2]
La vallée de Barétous était divisée en 6 paroisses (Ance, Aramits, Arette, Féas, Issor et Lanne-en-Barétous) où en 1763, on y dénombrait 148 « feux »[3].
Rappelons que les PAUSAT du berceau béarnais sont, à l’origine, essentiellement des habitants d’Issor et d’Arette.
Leurs prénoms, en majorité, dépendent directement du saint de la paroisse où ils sont nés :
Pierre pour Arette et Jean l’évangéliste pour Issor.
Par contre, les habitants de ces villages avaient en commun un surnom, sans doute octroyé par les villages voisins :
Les cabecs (masculin de cabèque,signifiant la chouette) pour les habitants d’Arette
Les mousquilhous (moucherons) pour les habitants d’Issor

situation géographique de la vallée de Barétous
Arette comptait lors du dénombrement de 1385, dit de Gaston Fébus, 58 feux (87, selon une autre source) pour un total de 150 feux pour toute la vallée et dépendait du bailliage d'Oloron.
Curieusement, Issor (localité érigée alors en seigneurie) n’y est pas mentionnée, « bien qu’elle soit partie prenante dans le For de Barétous antérieur de plus de 150 ans », alors que le seigneur d’Issor, lui, y est cité avec son titre.
Ainsi, pour une raison inconnue, ce recensement ne nous précise pas les noms et lieux d’habitation (l’ostau) de nos ancêtres qui, à cette époque et les décennies suivantes, sont tous originaires d’Issor ! Ceci est fort regrettable, car sinon, nous connaîtrions aujourd’hui le nombre de familles PAUSAT qui y habitaient et l’endroit exact où ils vivaient.
Cependant, la liste des « feux de roi » dits fiscaux, qui servit d’assiette pour fixer les impôts et qui exploita pour cela les résultats de ce dénombrement, prend en compte, cette fois-ci, la paroisse d’Issor qui est reconnue pour 4 unités sur les 172 de la vallée, alors qu’Arette en comptera 61.
Cette évaluation nous indique la hiérarchie entre les deux paroisses, Arette est, à cette époque, nettement plus importante et riche que sa voisine.

L’abbé Expilly précise le principe du comptage des feux : « il fallait pour un feu entier, que le contribuable eût une maison habitable et habitée : lo les cubert (ce qui est couvert). Une maisonnette ou une grange n’étaient considérées que comme une partie du feu ; en outre, il devait posséder trois labourées de terre : tres loborades. Dans le cas où le censitaire[4] ne travaillait qu’une portion déterminée de cette unité, il n’était compté que pour une fraction de feu. ».
Sachant qu’un feu correspondait arbitrairement à environ 4/5 personnes[5] d’après l’auteur de ce dictionnaire, ceci représenterait une population d’environ 700 individus pour toute la vallée. Cependant, d’autres recensements effectués par ailleurs considéraient qu’un « feu » pouvait héberger jusqu’à dix, voire plus, individus. Ce qui donnerait alors une population de 1500 à 2000 individus environ. 



Évolution du nombre de familles regroupées autour d’un feu 
et répartition des charges dans la vallée de Barétous

En 1683, Arette compte 56 « feux du roi », soit une diminution fiscale de 3 unités seulement en 5 siècles, ce qui indique une relative stabilité. Quant à Issor, la paroisse reste au même chiffre de 4.
La comptabilité des « feux allumants », c’est-à-dire celle du nombre de ménages, à la même date, est de 145 pour Arette sur un total de 372, soit environ presque 40% de la population de la vallée et Issor pour 44 « feux allumants » , soit 12% de cette population.
Notons que le dénombrement tient aussi compte du nombre des employés communaux (Arette : 14, Issor : non mentionné, total pour la vallée : 45) et de celui des soldats à fournir (Arette : 23, Issor : 10, total pour la vallée : 60)

En 1763, 80 ans plus tard, le dictionnaire de l’abbé Expilly indique un renversement radical de situation :
- Tout d’abord, la population globale de la vallée décroit considérablement par rapport à son niveau de 1683, pour revenir pratiquement à celui de 1385.
- Arette suit cette tendance, ne comptant plus que 25 feux, soit 6 fois moins qu’en 1683 (dont 3 familles de PAUSAT), par contre Issor est comptabilisé pour 90 habitations (dont 5 familles de PAUSAT[6]). Si l’on considère comme équivalentes les notions d’habitation et de feux allumants, Issor a vu, au minimum, sa population doubler pendant que celle d’Arette s’effondre.

Toujours sur la base des informations actuellement collectées dans la généalogie des PAUSAT, ceux nés dans la vallée de Barétous entre 1700 et 1760, sont seulement au nombre de 8 pour Arette et de 60 pour Issor. Il n’y a toujours aucun PAUSAT dans les autres paroisses.
Ces résultats signifient qu’avant la fin de l’Ancien Régime, les remous de l’histoire du pays se font sentir même dans la vallée. 

Cependant, malgré les évolutions et migrations internes de la population, le berceau des PAUZAT se situe toujours uniquement autour de ces deux communes. C’est seulement après la Révolution française et les évènements qui s’en suivirent, puis lors de la révolution industrielle du 19e siècle, que certains PAUZAT partirent, pour les plus proches, vers les communes d’Ance, Aramits, Féas et Lanne.

Que s’est-il passé pendant la période séparant les deux recensements pour expliquer ce retournement de situation entre Arette et Issor et cette diminution importante de la population de la vallée ?
La réponse est sans doute liée à la révocation de l’Édit de Nantes en 1685, à la persécution des protestants qui s’en suivit et des dragonnades infligées à la population protestante (voir ci-dessous).

Les guerres de religion en vallée de Barétous[7]
Rappelons que Jeanne d’Albret, mère d’Henri IV, reine de Navarre et vicomtesse de Béarn, autorise par l’ordonnance du 19 juillet 1561, le calvinisme dans son royaume, puis interdit l’exercice du culte catholique dès 1564. Au début des guerres de religion, elle se sépara de son époux qui avait rejoint le camp catholique et implanta durablement la Réforme calviniste sur ses terres.
Dans ce contexte, Arette reste fidèle au catholicisme alors que Lanne et Aramits passent à la réforme, de même que le seigneur d’Issor, Gaston, qui laisse la nouvelle religion s’y implanter. Les ecclésiastiques qui ne se convertissent pas s’exilent.
« En 1665, on recensera 28 familles protestantes à Issor, soient 123 religionnaires[8] pour 470 catholiques. Après l’abjuration d’Henri IV en 1693, le mouvement s’inverse. En 1603, Féas figurera sur une liste de huit communes béarnaises qui obtiennent le retour au culte catholique. Malgré la vivacité de la lutte, on ne comptera que peu de victimes : à Lanne , le nommé NOUGUEZ, âgé de 40 ans, fut tué d’un coup de pistolet pour ne pas n’avoir voulu aller à la messe. À Issor, le pasteur GODIN fut condamné aux galères où il mourut en 1688, et on note deux exilés volontaires protestants de ce village à Londres en 1686 et 1688. » : y aurait-il un PAUSAT parmi eux ? J’ai en effet vu, au début de mes recherches, ce patronyme cité dans des registres du Royaume-Uni, mais sans pouvoir poursuivre celles-ci.

Scène des dragonnades et conversion forcée des protestants
Évoquons aussi les dragonnades en Béarn organisées par l’Intendant Foucault. (comme en Poitou et en Languedoc) qui consistaient à imposer aux communautés protestantes l’hébergement systématique de soldats chez eux et les abus qui en découlent :
Au début de l’année 1685, Louis XIV avait envoyé dans le Béarn une armée pour menacer l’Espagne. Pendant le séjour de ces troupes dans cette province, l’intendant Foucault déclara que le roi ne voulait plus qu’une religion dans ses États. Aussitôt, il déchaîna les troupes contre les calvinistes, forcés de se convertir par les brutalités auxquelles ils furent soumis, et l’on annonça au roi que la grâce divine avait opéré ce miracle.
Citons, à ce propos, la citation faite de la manière où les évènements sont rapportés au roi Louis XIV « la relation mise sous les yeux du roi ne parle ni de violences ni de dragonnades. On n'entrevoit pas qu'il y ait un seul soldat en Béarn. La conversion générale paraît produite par la grâce divine, il ne s'agit que d'annoncer la volonté du roi... Tous courent aux églises catholiques. »

Plusieurs dizaines de milliers de protestants (peut-être 200.000, d’après certains historiens) choisirent alors la voie de l’exil (certains furent accueillis sur les terres du prince électeur du Brandebourg. Les émigrants, en quittant le royaume de France, emportèrent de considérables sommes d’argent. En outre, le pays se trouvait désormais privé de milliers d’artistes, d’artisans, de matelots et de soldats.

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Tenant compte de la longueur de cet article, celui-ci a été partagé en deux parties : la seconde moitié sera diffusée prochainement, elle concernera :
- les cagots, les "parias" de l'Occitanie du Moyen-âge.
- l'exploitation du bois en Barétous
- L'épizootie de 1774-1776 qui fit disparaître 80% du cheptel béarnais
- les traditions : alimentation, chasse et pêche

[1] Voir l’article précédent du 01-06-2014
[2] La vallée de Barétous communique avec la Haute-Navarre par le col de la Pierre Saint-Martin et finit au nord à Oloron-Sainte-Marie, elle s'ouvre à l’ouest sur la province basque de la Soule.
[3] Le terme feu (du latin focus, le foyer) désigne, particulièrement au Moyen Âge, le foyer, d'abord au sens strict (endroit où brûle le feu) puis figuré : le logement familial (cf. l'expression « sans feu ni lieu »), puis la famille elle-même. Très rapidement, il est utilisé comme unité de base pour l'assiette, le calcul et la perception de l'impôt, on parle alors de feu fiscal.
[4] celui qui payait le cens au Moyen Âge
[5] le facteur de conversion du feu à l’habitant fait encore l'objet de discussions entre historiens
[6] Selon mes propres sources généalogiques
[7] Ce sujet a fait aussi l’objet dans ce blog, de l’article du 25 /01/2012.
[8] Soit environ 20% des habitants d’Issor

14 juin 2014

Histoire romancée de Jean PAUSAT d’Issor

Avant d’aborder prochainement la seconde partie de l’histoire de nos ancêtres béarnais[1] et pour s’immerger dans le contexte de l’époque, je ferai au préalable le récit fictif d’un moment de vie de l’un de ces derniers, à savoir Jean PAUZAT, né en octobre 1749, à moins d’une demi-lieue[2] d’Issor, au lieu-dit PAUZAT. Imaginons ….



… le jeune Jean[3], fils de Jean PAUSAT d’Issor et de Marie SAFFORÉS MEYVILLE de Ste-Marie près d’Oloron, vient de fêter ses 14 ans. Ayant été baptisé à la paroisse d’Issor, il porte, comme de nombreux natifs de ce village, le prénom du saint patron de celle-ci, Jean l’Évangéliste.

Mais comme tous les habitants de ce lieu, il est pour les autres habitants de la vallée, un « mousquilhous », sobriquet signifiant « moucherons ».[4]

Dans l’air vif et frais de cette matinée d’automne, il marche sur l’étroit chemin qui le ramène à la « maysou » de ses parents, celui qui longe le Gave de Lourdios. Ce matin, tout fier de la mission que son père lui avait confiée, il est parti avec l’âne dans la brume matinale, livrer quelques victuailles au tisserand du bourg, la paroisse voisine, en échange d’un lot de toile de lin dont sa mère confectionnera des vêtements neufs pour lui, ses frères et sœurs. Il faut dire qu’ils sont 7 enfants encore vivants sur les treize que sa mère a mis au monde.

L’année passée, sa sœur ainée Marie s’est mariée à Pierre de la « case » PIQUET, laboureur, lui aussi habitant la même paroisse. Au cours du repas de noces, il avait écouté avec intérêt les histoires de ceux qui étaient allés en Aragon et même plus loin au sud de la Castille pour y faire commerce ou y trouver du travail.

En chemin, il croise deux chrestias[5] occupés à préparer, à la lisière de la forêt, un tronc d’arbre destiné à être transporté par voie de terre jusqu’à Noumour[6]. Il se souvient qu’un jour, il avait entendu dire qu’il avait été commandé quelques-uns de ceux-ci pour confectionner le gréement et les mâts des navires de la flotte royale. Ces individus, il les reconnait pour les avoir croisé plusieurs fois, mais il ne sait pas leur donner un nom, ni à quelle communauté ils appartiennent sur les trois présentes dans la vallée. Il se souvient qu’à la mort de son jeune frère Pierre en 1753, c’est à l’un d’eux qu’on avait commandé le cercueil en bois pour pouvoir l’enterrer au petit cimetière jouxtant l’église d’Issor.

En contrebas, l’eau limpide du ruisseau brille sous les rayons du soleil et laisse apparaître par moment son fond pierreux où il reconnaît les bons endroits où il est venu pêcher des anguilles cet été. Mais ce matin, il fait trop froid et il est fier de porter, comme les adultes, son bounet et une camisole[7] propre que sa mère lui a laissé mettre pour l’occasion. Il n’est pas question qu’il la salisse ou qu’il la mouille.




Déjà, il entrevoit au loin la fumée s’élevant de la cheminée de la « maysou » paternelle. Le feu y est toujours allumé, chauffant en permanence une grande marmite d’eau où sa mère fait mijoter toute la matinée les légumes et parfois un peu de viande. Il imagine le repas préparé pour son père et ses quatre frères ainés travaillant aux champs. Comme d’habitude, ses deux sœurs encore à la maison, Catherine l’ainée, âgée de 16 ans et Marie sa cadette âgée de 9 ans, iront le leur porter, l’ainée espérant croiser en chemin le jeune CAMGROS de la ferme voisine. Quant à lui, il attend avec impatience le prochain dimanche, car il sait qu’après la messe, il pourra s’esquiver sur le chemin du retour vers le Gave où il retrouvera la jeune Marie SALANAVE, elle n’a que 11 ans, mais peut-être pourra-t-il lui voler un baiser, même s’il doit plus tard s’en confesser au curé.

Mais la marche lui a donné faim et il presse le pas, ses pieds bien au chaud dans ses sabots où ce matin, il a remplacé le foin par une nouvelle poignée toute propre. S’il avait fait beau les jours précédents, il aurait mis ses espadrilles de toile, mais le sol encore mouillé et boueux l’en avait dissuadé.

Tout à l’heure, en mangeant gloutonnement, sa part de galette de millet, il racontera à sa mère les dernières nouvelles glanées au bourg : il parait que bientôt, passera au village un commissaire chargé de recenser les feux, afin qu’au royaume de France, ils puissent connaître par paroisse, le nombre de familles et leurs patrimoines.

Ainsi, peut s’imaginer un instant de vie de l’un de nos ancêtres et si ceci reste une fiction, le contexte sociohistorique reste authentique et fera l’objet du prochain article.
Nota : Jean PAUSAT se mariera en novembre 1779, à l’âge de 33 ans, à Arette avec Marie SALANAVE. Il aura 9 enfants dont 3 moururent avant l’âge adulte. N’ayant pas pu hériter de la maison paternelle, n’étant pas l’ainé, il « s’expatriera » à Arette dans celle de ses beaux-parents, la maison SALANOBE. J’ignore s’il en fut le chef où s’il vécut sous la direction de l’éventuel frère ainé de sa femme. Ceci peut se savoir en consultant les actes paroissiaux et en reconstituant l’arbre généalogique de celle-ci pour la période correspondante.

Nous voyons ici, qu’avant la fin de l’Ancien Régime, l’une des raisons du départ d’un de nos ancêtres de son village natal vers celui de son épouse, était du fait de son rang de cadet. C’est ainsi que des PAUSAT quittèrent Issor pour aller habiter d’autres villages de la vallée, en particulier Féas et Lanne-en-Barétous. D’autres partirent à l’étranger (Espagne, Cuba, Mexique, Angleterre) et même firent fortune comme son neveu Jean-Baptiste PAUZAT de ZUÑIGA[8].




[1] article du 14-05-2014 : « histoire de nos ancêtres béarnais, part 1/2 ».
[2] Le lieue est une unité de distance terrestre équivalant à 4 km, c’était la distance que peut parcourir un homme à pied en une heure.
[3] Il s’agit de l’un de mes ancêtres, comme celui de nombreux contemporains ayant le patronyme PAUZAT et dont les aïeux sont d’origine béarnaise.
[4] Les habitants d’Arette ont le sobriquet « cabecs » : masculin de cabèque, signifiant « la chouette »
[5] ou Cagots : Sous ce nom, on désignait une sorte de parias qui peut être comparée aux intouchables indiens. Ce terme sera explicité en détail dans la seconde partie, diffusion à venir.
[6] Situé près d’Oloron, C’est de là, au « port du Vert » que les troncs étaient lancés sur le gave d’Oloron à destination de Bayonne
[7] Le « bounet » est le nom béarnais de béret et « camisole » ou « chamarre » celui de blouse.
[8] Voir tous les articles qui lui sont dédiés dans ce blog.

14 mai 2014

Nos ancêtres béarnais de la vallée de Barétous (1/2)

1re partie : origines historiques de nos ancêtres béarnais

Intéressons-nous à nos ancêtres béarnais de la vallée de Barétous et évoquons, dans leur contexte historique, les faits les concernant.
Le premier ouvrage que nous allons utiliser à cette fin et qui cite le Béarn est un dictionnaire[1] diffusé en 1763 par l’Abbé Expilly[2] regroupant la synthèse des informations historiques, géographiques et politiques de chaque partie du territoire du royaume de France.



Le second ouvrage où nous allons puiser ces informations, publié en 1991, est consacré exclusivement à la vallée de Barétous, livre dans lequel J.J.CAZAURANG, ancien maire d’Issor (1971-1977), a rédigé la partie historique.

Les symboles béarnais
Le blason : L'origine de la présence des bovidés sur le blason remonte à nos ancêtres, les Vaccéens (Vascons). Et, comme leur nom l'indiquait, les Vaccéens vouaient une attention toute particulière…aux vaches.
Ce culte devint un tel symbole dans la région que Louis le Pieux, roi d'Aquitaine de 781 à 814, le perpétua au moment de transformer le Béarn en vicomté héréditaire. L'image de deux vaches fut conservée sur le blason et sera utilisée sur la monnaie béarnaise au 16e siècle.

blason             vache béarnaise                         béret béarnais
Si le béret, coiffure circulaire en laine de mouton, demeure un emblème béarnais (ainsi que gascon et basque), il date au moins du Xllle siècle. Il était porté par tous, des plus jeunes aux plus anciens. Entre huit et douze ans, un garçon recevait un béret pour aller à l' école ; c'était comme une tradition initiatique, une manière de lui dire qu' il était entré dans le monde des adultes.

Les origines historiques de nos ancêtres:
Citons ce que l’on sait des origines[3] du Béarn :
« Certains historiens pensent qu'une tribu des Ibères, venant probablement de la vallée de l'Ebre et d'Aragon en Espagne, s'installe aux pieds des Pyrénées. Leur nom : les Benarnis, les Vernanis ou encore les Béharnenses. Leur capitale est Beneharnum, l'actuelle Lescar.
En pleine conquête des Gaules, l'armée romaine parvient à soumettre les Benarnis, après une résistance de presque 30 ans.
La région fait alors partie d'un ensemble appelé la Novempopulanie (territoire des neuf peuples).


peuples occupant l'Europe au 3ème siècle av.J-C - Novempopulanie - carte incursions vikings
Sous l’occupation romaine, l'économie de la région évolue et ne se limite plus seulement à l'élevage. Peu à peu, se mettent en place les cultures céréalières (millet, seigle et orge) et celle de la vigne.
Les Romains construisent des ponts, et des routes, parmi celles-ci, la plus importante d'entre elles est l’axe commercial reliant Aquae Tarbelicae (actuelle Dax) et Saragosse, en passant par la capitale de l'époque, Beneharnum.
Parmi les peuples de la région, inventoriés par Pline l'Ancien, on compte nos ancêtres, les Iluronenses, habitant Iluro, l'actuelle Oloron[4].

La région du Béarn, étant un passage obligé vers l'Espagne, est stratégique et connaît donc de multiples invasions, dont celle des Wisigoths qui ont conquis le Béarn depuis le Vème siècle.
Au début du 6e siècle, Clovis, roi des Francs, part dans le sud pour vaincre ces derniers. Il libère la population des barbares par la bataille de Vouillé, mais en conséquence, le Béarn passe sous le joug franc.
À la fin du 6e siècle, probablement en 561, ce sont les Vascons (basques et gascons), originaires de la Navarre espagnole, qui envahissent le Béarn. Très vite, la Novempopulanie devient le territoire de Vasconie (Vasconia).
En 602, les Francs soumettent la Vasconie qui devient un duché. En 668, Lupus devient duc d’Aquitaine et fédère les Vascons et les Aquitains.
Au VIIIe siècle, c'est au tour des Maures (ou Sarrasins) d'envahir la Gaule, mais leur incursion en Vasconie fut brève, ayant été vaincus à Poitiers en l’an 732 ».

Après cette défaite, ils repassèrent par le Béarn et se firent massacrer en vallée d'Ossun par des béarnais et des bigordans. On suppose que seule une partie des troupes se fit tuer dans cette bataille. Certains historiens pensent que les Sarrasins faits prisonniers à ce moment-là sont à l'origine de la population des cagots (voir le paragraphe qui leur est dédié ci-dessous).

En 843 les Vikings parvinrent à détruire certaines villes de Vasconie. N’étant pas des conquérants, mais cherchant seulement à rapporter des richesses dans leur pays, ils remontent les fleuves (par exemple le gave de Pau) à bord de leur knörr (drakkars en français) et pillent les villes dont Beneharnum, Iluro, Aire, Bayonne, Dax, Condom, Agen, etc.

Citons un extrait de l’histoire de la Soule[5], évoquant ce sujet :
« À la fin de l’Empire carolingien, ils essuient les raids sanguinaires des Vikings. Bien que plus en retrait dans les montagnes et l’intérieur des terres, la Soule et le Béarn sont mis à sac et saignés à blanc par les Norvégiens. Oloron brûle plusieurs fois… »
Étant donné que nos ancêtres résidaient près d’Oloron (Iluro), nous pouvons nous poser la question si cette incursion nordique est à l’origine, pour la majorité des individus d’une branche des PAUZAT[6], du fait que ces derniers possèdent encore de nos jours, une chevelure blonde, des yeux bleus ou une fossette. Dans un avenir proche et si l’étude en est faite, peut-être que des tests ADN pourront répondre à cette question. La probabilité en est faible, et il peut y avoir aussi de nombreuses autres hypothèses, Gaston Febus n’était-il pas lui aussi blond …

Entre 1343 et 1391, ce dernier va régner sur le Béarn et le pays de Foix. Le Béarn sera indépendant à partir de 1347 et neutre pendant la guerre de 100 ans. Au 14e siècle, cet état sera l’un des seuls d’Europe à ne pas connaître la guerre, la famine ou la peste.
C’est à cette époque qu’a lieu en 1385, le premier recensement, appelé dénombrement, organisé à l’instigation de Gaston Fébus. Il a pour objectif d’établir des impôts sur la base des biens possédés par la population.[7]

Béarn sous Gaston FEBUS              Arette : dénombrement de 1385
En 1517, Henri II d’Albret, fils de Catherine, devient roi de Béarn-Navarre. Le Béarn compte alors 50 000 habitants et connaît la prospérité. La vigne se développe et le commerce se fait avec l’Espagne, Bayonne et le Languedoc, mais aussi avec les Antilles.

Les fors[8] manquant d’unité, Henri II va les moderniser et créer un Conseil souverain (pour la justice et les sanctions). Un impôt permanent sera établi, la Cour des comptes surveillera les finances, la monnaie béarnaise (lou vaqueta[9]) sera fabriquée dans la Tour de la Monnaie au château de Pau.

monnaies béarnaises
En 1560 Jeanne d’Albret (fille d’Henri II et Marguerite de Navarre) fait du Béarn un État protestant. Après son décès en 1572, son fils Henri III devient roi de Béarn-Navarre. Ce dernier échappe de peu au massacre des protestants (Saint-Barthélémy) en 1572 à Paris. Une fois convertit au catholicisme, il devient Henri IV roi de France, mais le royaume de Béarn-Navarre resta distinct du royaume de France.
Plus tard, en 1620, Louis XIII (fils d’Henri IV) proclame l’Union du Béarn à la France. Le Béarn se transforme peu à peu en province française, malgré la révolte des Béarnais[10]. Durant cette période, la population béarnaise se compose surtout de paysans et de bergers, d’artisans et marchands, le nombre d’ouvriers augmente, le commerce se développe surtout avec l’Espagne.
Ainsi, le Béarn, berceau de nos ancêtres, était donc une « province » peuplée en 1698 d’environ 200.000 habitants. Elle était divisée en cinq Sénéchaussées[11] et trois vallées, celles d’Aspe, Barétous et Osseau ».

En 1763, dans son dictionnaire, l’abbé Expilly définit ainsi le Béarn :
« .. cette province est un pays sec et montueux. Les hauteurs sont couvertes de landes constituées de fougères dont les habitants se servent utilement pour fumer leurs terres. Les plaines sont beaucoup plus fertiles : on y sème peu de seigle et encore moins de froment, mais on y recueille quantité de millet ou maïs. Le peuple fait sa principale nourriture de cette sorte de grain. Les coteaux sont garnis de vignes qui produisent d’excellents vins et en très grande quantité.
Outre les vins, les lins sont encore l’une des meilleures productions : on convertit ces lins en toiles qui se débitent en Espagne, aussi bien qu’une partie du bétail qu’on engraisse dans cette province. Les chevaux sont fort estimés : ils sont petits, mais nerveux et fort vites.
Il y a dans ce pays des eaux minérales … aussi des mines de plomb, de cuivre, de fer, etc.
Les montagnes sont riches non seulement en pâturages excellents, mais encore en belles forêts, d’où l’on tire des mâts de navire et des bois de charpente et de construction ».

Et voici, comment en quels termes il parle des béarnais :
« Les béarnais sont forts laborieux, très adroits, industrieux, bons soldats, fidèles, sobres, économes et propres, mais on leur reproche d’avoir trop d’attachement à leurs intérêts, et d’être dissimulés. En général, ils sont bien faits et robustes. Leur langue est particulière au pays et très difficile à apprendre : mais parmi eux, toutes les personnes qui ont reçu de l’éducation, entendent et parlent fort bien la langue françoise ».

À la lecture de ce qui précède, les descendants de nos ancêtres béarnais se reconnaîtront aisèment dans les qualités citées par l’abbé Expilly , quant aux défauts… ils ont dû disparaître avec le temps !

La suite de cet article: « nos ancêtres, habitants de la vallée de Barétous » sera publiée prochainement sur ce blog. 

[1] 
Le dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de la France, publié en 1763 « sponsorisé » par les familles royales (dont les rois du Danemark, d’Espagne), la noblesse et les dignitaires de l’époque
[2] Jean-Joseph Expilly, né le 17 décembre 1719 à Saint-Rémy (Bouches-du-Rhône), mort en 1793 en Italie, est un ecclésiastique français, auteurs de plusieurs ouvrages historiques et géographiques.
[3] Extrait du site « les béarnais de Paris »
[4] Le toponyme dont est issu Oloron apparaît pour la première fois sous la forme Iluro (sur une borne militaire). Iluro vient du basque ili (ville) et ur (eau) et serait donc la « ville des eaux » car Oloron se trouve à la confluence de deux rivières
[5] Voir le site du Gite Millerou, retraçant avec brio l’histoire du Béarn et celle de la Soule (jouxtant la vallée de Barétous) : http://gitemillerou.free.fr/src/soule.php
[6] ces caractères physiques sont signalés dans la descendance de la branche « MEYVILLE » qui semble être la source amont de ces gênes. Par contre, son origine et son antériorité sont totalement inconnues.
[7] Ce sont ces résultats, pour ce qui concerne la vallée de Barétous, qui seront explicités dans la seconde partie de cet article
[8] On appelle « fors de Béarn » l'ensemble complexe de textes légaux (privilèges, règlements, décisions de justice, tarifs, formulaires) accumulés dans le vicomté de Béarn entre le XIe et le XIIe siècle. Le premier for concernant la vallée de barétous date de1220 environ.
[9] « vaqueta » (Occitan gascon = vachette) pour ses deux vaches endémiques du Béarn à corne lyre et à clarine, fierté de leurs propriétaires.
[10] Louis XIII se déplace à Pau avec 500 soldats pour forcer les États de Béarn à accepter la souveraineté du Royaume de France. Le Conseil Souverain est remplacé par le Parlement de Navarre, la langue française devient la langue officielle, les États du Béarn perdent quasiment tous leurs droits…mais le roi promet de maintenir et de respecter les fors.
[11] Circonscription administrative, financière et judiciaire créée par Philippe-Auguste. La sénéchaussée juge en première instance les affaires criminelles et en appel les causes des juridictions inférieures.