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23 février 2018

Les PAUZAT portefaix à Marseille



Il est des professions, comme beaucoup d’autres, qui disparurent suite aux conséquences de ce que l’on nomme communément aujourd’hui le progrès. Hier, ce fut le cas des conducteurs de calèches, remplacés aujourd’hui par ceux des cars et des camions, demain par les véhicules autonomes. 
C’est ainsi qu’opportunément, la recherche généalogique de nos ancêtres nous permet de découvrir certains de ces métiers oubliés. Parmi ceux-ci, nous aborderons dans cet article celui de portefaix, métier exercé par plusieurs générations de PAUZAT habitant Marseille au cours de 19e siècle. 


Définition du métier de portefaix

Le dictionnaire nous indique qu’un portefaix est celui qui fait métier de porter des faix (lourd fardeau, charge pesante). Ce métier a existé dans tous les pays et les époques, mais celui de portefaix a une spécificité du fait de l’appartenance à une sorte de confrérie, une société construite en une structure corporative qui fixait l’organisation du travail, donnait droit à la garantie de l’emploi et à un salaire convenable, à des titres comme maître-portefaix, mais surtout qui imposait à ses membres le respect des valeurs morales, attitude opposée radicalement au comportement des autres manutentionnaires de l’époque, surnommés les crocheteurs[1]. Ajoutons que le droit d’exercer ce métier était limité en nombre et la transmission de la charge se faisait par proposition du portefaix lui-même, donc en général du père vers le fils. 
À titre de curiosité, citons aussi deux citations concernant les portefaix : 
« Les coups de poing que les portefaix se donnent pour se flatter seraient capables d’estropier des personnes délicates. (Malebr.) et la seconde d’Alfred de Musset : « Je comprends qu’une femme aime les portefaix, c’est un goût comme un autre, il est dans la nature. » 

Histoire de ce métier
On trouve des portefaix dans toute la France depuis le 13e siècle, regroupés sous le nom de « confrérie de Saint-Pierre ». Ils exercent leur métier dans les lieux où la quantité et la nature des produits à manipuler nécessitent une main-d’œuvre disponible et qualifiée.





À l’intérieur du pays, il y a des portefaix dans les marchés des villes, par exemple à Arras où : 
« la quantité de grains apportée chaque semaine représentait 5000 à 7000 hectolitres. Les portefaix avaient le monopole du transport des grains, de la charrette des vendeurs jusqu’aux entrepôts. » 
Citons aussi : 

« Le portefaix était un personnage essentiel du marché aux grains. Il devait pour exercer sa charge, obtenir l’approbation du Maire et des Échevins. Il joignait à sa demande un certificat de bonne vie et mœurs et la somme de 90 livres (en 1786). Il devait également être agréé bourgeois d’Arras, sa requête en réception lui en coûtant 12 livres. 
Vêtu d’une ample vareuse, libérant les mouvements, le portefaix était coiffé d’un chapeau caractéristique, très emboîtant, couvrant bien la nuque, appelé « coltin ». Un sac de jute placé sur le cou et les épaules achevait sa protection lorsqu’il transportait ses lourdes charges (les sacs de grains pesant de 80 à 100 kilos) » 



Sur le littoral maritime, on trouve des portefaix dans les grands ports, pour charger et décharger les marchandises venant par la mer. C’est ainsi que l’on trouve à Marseille, au Vieux Port, une corporation importante de portefaix exerçant ce travail. 
La profession de portefaix et surtout celle de maître-portefaix étaient autrefois très lucratives. Sous la Restauration et sous Louis Philippe, bon nombre de maîtres-portefaix réalisèrent des fortunes assez considérables. 
On en comprend vite la raison, quand on réalise que le portefaix était un intermédiaire incontournable. Outre le fait qu’il avait la parfaite connaissance de la qualité du produit manipulé, il assurait à son commanditaire le chargement ou le déchargement des marchandises des cales des navires vers l’entrepôt de ce dernier. En effet, les marchandises venaient en général de très loin, elles représentaient un investissement financier important, elles étaient souvent fragiles comme les tissus délicats, les épices, et une fois arrivées à bon port, il fallait surmonter les dernières difficultés : éviter les dégradations lors du déchargement, les pertes, les vols, surveiller les pesées, les taxes à payer, les formalités de douane, et finalement le convoyage vers les entrepôts. 
Citons ce qui se disait à cette époque sur les maîtres-portefaix marseillais :


En janvier 1880, un rapport de police signale l’existence de quatre maîtres et autant de portefaix parmi les notables de la ville.


Les Pauzat portefaix à Marseille

C’est donc à Marseille et seulement dans cette ville que l’on trouve des portefaix portant notre patronyme. Il s’agit de la descendance de Henri PAUZAT (n°1361) qui quitta sa terre natale du Languedoc pour s’établir à Marseille vers 1769, comme marin pêcheur puis patron de ponton. 
C’est lui qui partira à Paris pour participer, avec l’un de ses cinq fils François Barthélemy (1384), à la prise du château des Tuileries le 10/08/1792. Malheureusement, il rentrera seul, ce dernier s’étant fait tuer[2]. Trois autres de ses enfants disparurent au cours de conflits en Martinique ou aux frontières, seul le dernier Antoine Henri PAUZAT, (n°1352), né en 1781, deviendra le premier portefaix de la famille. 


C’est lui qui transmettra sa charge à sept de ses enfants et qui est à l’origine de cette lignée de portefaix. Cependant, un seul d’entre eux aura une descendance qui perpétuera ce métier (en fait deux fils, si l’on prend en compte Marius Antoine qui restera à la postérité comme peintre paysagiste : voir la m.a.j. du 19-03-2018, en fin d’article). Finalement, il n’y aura eu chez les PAUZAT que trois générations de portefaix, entre les années 1800 et 1870 environ. 
En août 1870, un PAUZAT maître-portefaix est candidat aux élections municipales de Marseille. Il semblerait, malgré l’imprécision du prénom cité qu’il s’agirait de Joseph Henri PAUZAT (n°1455) né en 1806 (voir son portrait ci-dessous à gauche). Le second portrait, à sa droite, est celui de son fils Antoine Marius Henri (n°1457) né en 1831, lui aussi portefaix à Marseille, avec le titre de peseur juré.
Il existe aussi un François Louis PAUZAT (n°1917), né en 1855,  qui est cité comme portefaix, habitant 11 quai du Canal (voir ci-dessus à droite), qui doit vendre une parcelle de terrain situé dans la commune de Carry-le-Rouet en 1913, dans le cadre d’une expropriation pour la création d’une ligne de chemin de fer entre Miramas et Estaque, dans les Bouches-du-Rhône. Recensé comme employé et commerçant, est-il vraiment portefaix ou a-t-il hérité de son père cette parcelle de terre de la commune de Carry-le-Rouet ? 


La seconde moitié du 19e siècle verra le début de la disparition de la marine à voile mais aussi le déclin de la société des portefaix marseillais, ces derniers n’ayant pas su s’adapter aux évolutions générées par la révolution industrielle ni à l’émergence d’un autre corporatisme, celui des dockers. 
Citons : 


Mise-à-jour du 19-03-2018
Marius Antoine Jean PAUZAT (n°70), futur peintre reconnu, a été portefaix dans sa jeunesse, tel qu’il est mentionné sur l’acte de naissance de sa fille Honorine Marthe (n°1464) en 1861, il a alors 29 ans.




[1] Manutentionnaires qui portaient des fardeaux en s'aidant d'un crochet
[2] Voir l’article du 01/08/2011 : « Le 10 août 1792 à Paris, deux PAUZAT à l’assaut des Tuileries »