Bienvenu sur ce blog

N'hésitez pas à faire des commentaires qui permettront d'améliorer ce blog - les critiques sont les bienvenues - les compliments ne sont pas interdits !

27 août 2017

Quand nos ancêtres se mariaient très jeunes.

Durant l’Ancien Régime, alors que l’âge du mariage se situait majoritairement après 25 ans, certains de nos ancêtres se mariaient beaucoup plus jeunes. Leurs actes de mariage indiquent qu’ils se mariaient parfois à des âges qui choqueraient aujourd’hui notre société.
Ainsi, si l’Histoire nous a appris que nos monarques se mariaient parfois très jeunes pour des raisons politiques, nous trouvons aussi pour nos ancêtres des cas similaires, mais pour quelles raisons ?

Les juridictions en vigueur
Durant l’Ancien Régime jusqu’à la Révolution, l’Église, selon le Droit canonique, fixe l’âge nubile, c’est-à-dire l’état d’une personne ayant atteint la puberté et donc l’âge de procréer, à 12 ans pour les filles et 14 ans pour les garçons.
Notons qu’en Normandie existait la coutume fixant à 20 ans le même âge pour les filles et les garçons.
Remarque : Ne pas confondre l’âge nubile avec la majorité matrimoniale qui désigne l'âge où un individu peut se marier sans l'accord de ses parents ou tuteurs légaux. Cet âge est fixé à 25 ans pour les deux sexes par la Législation royale, l’Ordonnance de Blois de 1579.

La pratique dominante
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, nos ancêtres se mariaient majoritairement assez tard, après l’âge de 20 ans :
L’extrait de l’article « La population française sous l'Ancien Régime »[1] , nous explique les raisons qui poussaient nos ancêtres à agir ainsi :
« En France, on se marie tard : 27 ou 28 ans en moyenne pour les garçons, 25 ou 26 pour les filles. On distingue deux causes principales à cette pratique :
- d'une part, le souci d'éviter une descendance trop nombreuse afin de ne pas diviser l'héritage
- et d'autre part, l'attente fréquente de la mort des parents, libérant des biens et des terres.

Le mariage précoce, une exception ?
Des recherches récentes montrent, par contre, que le mariage précoce existait en France, sous l’Ancien Régime. Citons :
« Le mariage de très jeunes filles n’avait pas totalement disparu en France sous l’Ancien Régime : à Bourg-en-Bresse, on compte beaucoup d’adolescentes parmi les mariées du xvie siècle, tout comme en Lorraine ou en Bretagne au xviie siècle …
À Bordeaux, quelques familles des élites recourent aussi au mariage de très jeunes filles âgées de moins de 15 ans ».
Le fait de marier de très jeunes filles, notamment celles âgées de moins de 15 ans, reste donc une pratique, quoique marginale.

Un exemple de mariage précoce chez les PAUZAT
L’exemple ci-dessous concerne le cas de Anne PAUZAT (n°951) vivant à Bussière-Galant en Limousin : elle est née le 27/11/1748 et se marie le 22/02/1762, donc à l’âge de 13 ans et 3 mois.


On trouve d’autres cas semblables dans la généalogie des PAUZAT, avec une particularité, ils sont tous regroupés dans le Limousin.


Existe-t-il une raison justifiant les mariages précoces ?
Première hypothèse : en se plaçant dans le contexte de l’époque, on peut considérer que se marier jeune est une décision prenant en compte l’espérance de vie qui était très faible, de l’ordre de 40 ans en moyenne[2], pour permettre en théorie d’avoir une descendance plus nombreuse.
Toutefois, ces cas restent marginaux, car seulement 4 % des femmes se mariaient avant leurs 17 ans. De ce fait, on ne peut pas considérer qu’il y a un lien de cause à effet, entre une durée limitée de procréation s’appliquant à l’ensemble de la population, et une conséquence se limitant qu’à une minorité.

Deuxième hypothèse : L’incitation à un mariage précoce est-il lié à la survenue d’une naissance « hors mariage », celle d’un enfant dit « naturel ».
En général, si la jeune fille accouchait avant le mariage, les conséquences sociales étaient si graves qu’elles aboutissaient souvent à l’abandon du nouveau-né[3].
« Mais, rares sont les mariages de ce type qui se font sous la pression des événements, très peu de ces adolescentes étant déjà enceintes au moment de leurs noces. Toutefois, même si certaines ont pu consommer leur union avant l’administration du sacrement, beaucoup ne sont pas encore nubiles, ce qui leur évite les risques d’une grossesse prénuptiale qui serait du plus mauvais effet pour la réputation de la famille[4] ».
Notons qu’Anne PAUZAT précitée n’a pas eu d’enfants dans les mois qui suivirent, donc son mariage n’aurait pas été motivé par ce motif.

Troisième hypothèse : le contexte familial
Certaines études tendent à montrer le rôle des parents, choisissant délibérément de profiter de leur emprise sur leur jeune enfant, cherchant à sauvegarder un patrimoine et/ou une situation sociale prédominante.
Dans ce cas, ceci concerne surtout « les couples qui ont eu très peu d’enfants, ou seulement des filles. Il s’agit alors d’éviter la disparition complète du lignage, ou à tout le moins d’établir rapidement la fille destinée à recevoir l’essentiel du patrimoine familial pour qu’elle ait à son tour des descendants ».
Notons que les parents d’Anne PAUZAT, n’avaient que deux filles : Anne et sa sœur Jeanne (âgée de 7 ans en 1762), situation qui semble conforme à ce cas.

En conclusion, la pratique du mariage précoce durant l’Ancien Régime n’est que conjoncturelle et demeure limitée en nombre.
Si celle-ci attire notre attention de nos jours, ceci est dû au fait qu’elle existe encore dans certains pays et qu’elle est dénoncée par les Nations unies en tant qu’une atteinte aux droits de l'homme.
Rappelons qu’en France, comme dans la plupart des États membres de l’Union européenne, l’âge minimum légal du mariage[5] est de 18 ans pour les deux sexes, ceci permettant de lutter contre les mariages forcés des filles[6].


[1] Auteur : Thibault, site PHILISTO
[2] Au début du XIXe siècle, l'espérance de vie des Français n’est encore que de 36 ans !
[3] Il a été estimé « qu’environs 3 millions d’enfants illégitimes furent abandonnés en France entre la seconde moitié du 18e à la fin du 19e
[4] Il n’était pas rare que la (future) mariée soit déjà enceinte, parfois depuis de nombreux mois, au moment du mariage. Il était par contre essentiel que l’enfant naisse lorsque les époux étaient mariés. Au niveau national, les différents sondages tant au 17e qu’au 18e siècle donnent un peu plus de 10% de femmes enceintes au moment du mariage, plus de 30% dans certaines paroisses.
[5] En France, avant 2005, la précédente version de l'article 144 du Code civil napoléonien, en vigueur depuis 1804, fixait l'âge minimum du mariage à 18 ans révolus pour les hommes et à 15 ans révolus pour les femmes.
[6] L’Espagne a passé de 14 à 16 ans le minimum légal pour se marier, avec le consentement d’un juge.