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5 novembre 2015

La tombe de St-Jean-de-Luz

En ce début du mois de novembre, alors que de nombreuses familles se recueillent sur les tombes de leurs défunts, penchons-nous sur celle de Gabriel PAUZAT, située à St-Jean-de-Luz au cimetière de St-Joseph.

Sur sa stèle est gravée une épitaphe dédiée à son fils[1], tel que le précise la plaque funéraire déposée à ses pieds.
"Né sur terre comme un ange, 
la guerre et l'exode, peine immense, 
nous laissa que ses cendres" 
Ce texte laisse deviner que la perte de cet enfant est un drame familial qui s’est déroulé dans un contexte houleux de notre histoire, une guerre et un exode, circonstances dramatiques entourant son décès.


Sous l’épitaphe précitée se trouve le nom de l’enfant, les dates et lieux de naissance et de décès.
Claude PAUZAT 
2-12-39 Paris 
2-7-40 Bordeaux 
Qui est cet enfant dont nous découvrons le visage dans un médaillon placé sur la stèle ? Qui sont ses parents dont les inscriptions sur cette tombe sont la seule source d’informations que nous ayons à ce jour ?
Celles-ci citées sur cette sépulture révèlent qu’il s’agit d’un couple :
- Gabriel PAUZAT né en 1899 et décédé en 1995, sans précision de lieux, marié à
- Maria de la Concepción PEREZ, sans doute de nationalité ou d’origine espagnole, née en 1907 et décédée en 2003, elle aussi sans précision de lieux.
En 1939, soit déjà résidant en France et fuyant les troupes allemandes, soit fuyant peut-être la dictature franquiste, cette dernière, à l’âge de 32 ans, accouche le 2 décembre à Paris d’un fils dénommé Claude. Quelques mois plus tard, ayant quitté la capitale française pour le sud-ouest, son fils est déclaré décédé à Bordeaux le 2 juillet 1940.

Rappelons le contexte de cette période troublée de notre histoire :
- La guerre civile en Espagne se termine le 1er avril 1939, par la victoire du général Franco. L'exode des populations en provenance de Catalogne devient massif après la chute de Barcelone le 26 janvier1939, dernier bastion des républicains. 
- À la même époque, la France se prépare à la guerre avec l’Allemagne qui est promulguée le 3 septembre 1939. 
- Début 1940, suite à l’avancée des troupes hitlériennes dans le pays, c’est la débâcle et l’exode des civils fuyant l’envahisseur. Le 22 juin, Pétain signe l’armistice et le gouvernement français se réfugie provisoirement à Bordeaux[2] avant de se rendre à Vichy. 

Dans l’éventualité d’un PAUZAT résidant en Espagne et fuyant le franquisme, nous avons, pour cette période, plusieurs PAUZAT susceptibles d’être proches de lui. 
Parmi ceux cités dans l’article du 29/12/2011 « les PAUZAT en Espagne », relevons en 1912 un Señor Bernardo PAUZAT « Inspector de Exploitation » résidant à Madrid, avec qui mon grand-père Jean Sylvain PAUZAT, né à Hendaye, a eu certainement des contacts. 

Existait-il alors une branche du berceau Béarn des PAUZAT issue de ceux ayant vécu à Cadix vers 1785 et qui faisaient commerce avec les Amériques ? Dans ce cas, Gabriel PAUZAT, comme ce Bernardo, en serait les descendants ? Cette hypothèse est très séduisante, mais nous n’en avons aucune preuve. Notons aussi que mon grand-père était à Paris (Brétigny /Orge) en 1939, par conséquent au même moment où Gabriel PAUZAT et sa femme y séjournèrent. 

Dans l’hypothèse où Gabriel PAUZAT n’aurait pas vécu en Espagne, on peut envisager un autre scénario : 
- Dans un premier temps, étant militaire et ayant séjourné dans l’une de nos colonies, s’y serait marié avec une émigrée d’origine espagnole, hypothèse étayée par la découverte d’un document paru au JO en 1928 et citant un Gabriel PAUZAT, sergent-chef au 16e régiment colonial. 


- L’indice qui vient confirmer, au moins partiellement, cette hypothèse est l’inscription reposant sur la dalle de sa tombe, témoignage indiquant « Les médaillés militaires à leur camarade ». 
- Plus tard, vivant en France, par exemple à Paris, il fuit la capitale comme beaucoup de ses compatriotes. 
- S’il a de la famille ou une possibilité de travail en Pays basque, il descend se réfugier à St-Jean-de-Luz, où il décède à l’âge de 96 ans. 

En conclusion, nous connaissons quelques PAUZAT du berceau béarnais ayant des liens avec l’Espagne et dont la descendance pourrait être parente du couple, objet de cet article. Remarquons cependant que le prénom Gabriel est peu usité chez les PAUZAT du Béarn, par contre, il l’est de manière significative en Auvergne et un peu au Limousin. 
Aujourd’hui, cette tombe est la seule source d’information le concernant. Quelles sont ses racines, les circonstances du décès de son fils ? Nous l’ignorons. 
Seul, le témoignage d’un proche s’il existe, ou les archives[3] des médaillés militaires pourront permettre d’en connaître un peu plus sur lui, en particulier l’identité de ses parents et son lieu de naissance.

[1] Qui reposerait, a priori, lui aussi dans le caveau
[2] Les allemands sont présents à Bordeaux dès le 24 juin
[3] Pour les informations datant de plus de 75 ans 

17 août 2015

Un gascon, contemporain de St-Louis, dénommé Élie Pausat.

Le hasard des recherches de nos ancêtres me fit découvrir récemment un individu ayant vécu en Gascogne sous le règne de Louis IX, dit St-Louis, au XIIIe siècle. Or à cette époque la Gascogne était sous domination anglaise et c’est grâce à celle-ci qu’Élie Pausat est parvenu jusqu’à nous.

En effet, son nom apparait dans un manuscrit anglais faisant partie des Rôles gascons que l’administration royale anglaise établissait, en répertoriant un grand nombre d’affaires et mentionnant beaucoup de personnes et de lieux.


Ces documents, autre fois déposés à la Tour de Londres, sont des membranes de parchemin, cousues bout à bout et enroulées sur plusieurs mètres de long. Ils constituaient, au Moyen Âge, un système d’archivage de copies des actes du roi d’Angleterre concernant son duché de Gascogne.
Les Rôles gascons constituent, donc, une source précieuse d’informations puisqu’ils consignent les copies de tous les  mandements pris par la chancellerie anglaise. On y trouve, parmi les ordonnances officielles, des ordres de mobilisation de l’armée, de levées d’impôts, et différents mandements adressés aux sénéchaux, officiers, seigneurs locaux, communautés.
Signalons que tout ceci n’aurait jamais existé sans Aliénor d’Aquitaine, devenue l’héritière du duché du même nom à la mort de son frère Guillaume Aigret, en 1130. Ceci lui permettra de devenir d’abord reine de France, s’étant mariée à Louis VII. Puis son mariage ayant été annulé par l’église[1], elle épousera en seconde noce Henri II Plantagenet[2] qui deviendra quelque temps après roi d’Angleterre. C’est ainsi que la Gascogne fut rattachée à ce pays, faisant partie de la « corbeille de mariage »[3].



Elye Pausat est cité en 1255 dans un Rôle, rédigé en latin, qui déclare que : 
« Petro Artaudi, burgensi de Sancto Emilyano, salutem. Mandamus tibi quatinus sine dilaciones solvas Elye Pausat. Xiij. Libras et .v. solidos burdegalensium, in quibus ei tenemur pro tribus doliis vini ad expensas …. Et Amalvino Iterii .x. libras burdegalensium pro duobus doliis vini, et Petro Vitalis .xiij. libras pro duobus vini », 
et dont le contenu signifie approximativement[4] ceci : 
« Pierre Artaud, bourgeois de Saint-Émilion vous salue. Nous vous mandatons, pour que dans les plus brefs délais, soient réclamés à Élie PAUSAT douze livres et cinq shillings qu’il est tenus de payer pour les frais correspondant à trois tonneaux de vin de Bordeaux ..... 


L’Aquitaine devenue anglaise, le commerce fluvial sur la Dordogne jusqu’à Bordeaux, puis maritime au départ du port de Bordeaux favorise le développement de la culture de la vigne pour produire le « claret », vin rouge clair dont les Anglais sont friands. La ville de Libourne[5], dès sa fondation en 1270, est un moyen, pour les Anglais, de percevoir des droits ou coutumes sur les vins qui descendent la Dordogne et surtout ceux de Saint-Émilion.

On ne peut alors que s’interroger sur le lien d’Élie Pausat[6], trois siècles et demi plus tard, avec les Pausat habitant les villages proches de Libourne de Vayres et Arvayres et dont les professions étaient justement celles de batelier, marin, constructeur de bateau, assurant le transport, entre autres, du vin de cette région. 

Si ce lien de parenté est avéré, on peut supposer que ces Pausat font partie de sa descendance et donc, que ce berceau est plus ancien que ce qui avait été évoqué dans plusieurs articles[7] de ce blog. Si la migration de quelques Pausat du Limousin vers la Gironde a vraiment eu lieu, celle-ci est survenue avant le XIIIe siècle (avant la présence d’Élie Pausat en 1255) et, a priori, après la création des surnoms vers le XIIe siècle (la probabilité de l’émergence simultanée de notre patronyme aux deux extrémités de la voie navigable de la Dordogne, sans aucun lien entre eux, étant faible).

Mais tout ceci reste malheureusement une hypothèse invérifiable. Comme il est regrettable que la tenue des registres d’état civil[8] n’ait pas été obligatoire depuis la survenue des surnoms !


[1] Le 21 mars 1152, l'annulation du mariage fut prononcée lors du Second concile de Beaugency
[2] Le 18 mai 1152, huit semaines après l'annulation de son premier mariage, elle épouse à Poitiers le futur roi d'Angleterre, d'une dizaine d'années son cadet et qui a le même degré de parenté avec elle que Louis VII. 
[3] Après le traité de Paris de 1259, le duché d'Aquitaine a pris le nom de duché de Guyenne, terme désignant alors l'ensemble des possessions françaises du roi d'Angleterre.
[4] Si un érudit en latin du Moyen-Age lit ces lignes, je serai très heureux de bénéficier de son aide pour corriger d’éventuelles erreurs, merci d’avance. 
[5] À l'époque de sa fondation, la vocation de Libourne était celle d'un port maritime pour le commerce du vin et fluvial pour le commerce du bois, ultime destination des gabares descendant la Dordogne chargées, entre autres, de bois de noisetier destiné aux vignobles.
[6] Il se trouve que dans tous les Pauzat répertoriés à ce jour, il y en a très peu portant ce prénom, dont la plupart sont originaires de Guyenne et du Limousin.
[7] Les premiers signes d’existence de Pausat vivant à Vayres et Arvayres datent de 1650 environ, voir les articles : « Les bateliers de La Dordogne » de 2010 et « Chronique des Pausat de l'Entre-deux-Mers » de 2012 qui leur sont dédiés. D’ailleurs un individu recensé à Vayres en 1746 se nomme Élie Pausat !
[8] En 1539, François Ier promulgue l'ordonnance de Villers-Cotterêts. Celle-ci rend obligatoire la tenue de registres d'état civil. Cette tâche est confiée aux curés, le Clergé constituant la seule « administration » présente dans tout le royaume.


28 juin 2015

Les prénoms et leur répartition géographique

Après plusieurs années d’enrichissement de la base de données, il est désormais possible d’en extraire des informations plus fiables qu’il y a cinq ans. Pour cette raison, cet article remplace et annule celui du 14 septembre 2010.

Du 17e au 18e siècle, on constate, du moins pour les individus portant le patronyme PAUZAT et ses variantes, que chaque région a une prédilection pour certains prénoms qui y deviennent majoritaires. Ainsi, par ordre décroissant du nombre de ces derniers, nous trouvons :
- En Auvergne :
o Antoine, Jean, Gilbert, Pierre et François pour les hommes
o Marie, Gilberte, Françoise, Anne, Jeanne, Catherine et Claudine pour les femmes
- en Béarn :
o Jean, Pierre, Bernard pour les hommes
o Marie, Jeanne, Catherine, Anne pour les femmes
- Le Centre :
o Jacques, Jean, et Étienne, Michel, Pierre, Thomas
o Marie, Jeanne, Magdeleine, Catherine, Suzanne, Anne pour les femmes
- en Guyenne :
o Jean, Guillaume, Pierre, François, Philippe, Michel pour les hommes
o Marie, Anne, Marguerite, Catherine pour les femmes
- En Languedoc :
o Antoine, Jacques, Jean, Pierre, François, Paul pour les hommes
o Marie, Jeanne, Catherine, Germaine, Françoise pour les femmes
- en Limousin :
o Jean, Pierre, Léonard, Bernard, François pour les hommes
o Marie, Jeanne, Marguerite, Anne, Catherine, Léonarde, Françoise pour les femmes
- En Périgord :
o Jean, Pierre, François, Léonard pour les hommes
o Marguerite, Jeanne, Marie, Sicarie (voir remarque ci-dessous), Catherine pour les femmes

Remarques :


1- Cette prédominance peut s’expliquer, et c’est une hypothèse, par le fait que le prénom donné à un nouveau-né durant l’Ancien Régime est toujours celui d’amis proches ou de membres de la famille habitant le même territoire, c’est-à-dire le village ou ses environs. Ainsi, un prénom déjà usité dans cet espace franchit les générations, par exemple du grand-père à son petit-fils, d’où les premiers prénoms choisis (souvent celui du Saint de la paroisse du village) perdurent au fil du temps.


2- Hormis les prénoms majoritaires placés en tête du « hit-parade » (Jean, Pierre pour les hommes, Marie pour les femmes), nous trouvons des spécificités telles que :
a. pour les hommes : Antoine en Auvergne et en Languedoc, Gilbert en Auvergne, Léonard en Limousin et en Périgord, Jacques pour le Centre.
b. pour les femmes : Jeanne en Béarn, Limousin et Périgord, Marguerite en Guyenne, Périgord et Limousin, Gilberte en Auvergne, Anne en Guyenne.


3- En Périgord, nous trouvons le prénom Sicarie. Son usage a eu son apogée dans cette région dès le 17e siècle et a décliné jusqu’à la fin du règne de Louis XIV. Ensuite, il connut une seconde vie pour disparaître au cours du 19e siècle. Son origine est religieuse et vient de St-Sicaire (un esclave d'Hérode qui se serait converti au christianisme après avoir participé sous les ordres de son maitre aux massacres des Innocents[1] ) dont les reliques auraient été déposées à l'abbaye Bénédicte de Brantome (diocèse de Périgueux) fondée par Charlemagne en 769.

Abbaye Bénédicte de Brantome et présence du prénom en France
Le pèlerinage de la fontaine Saint-Sicaire était très réputé. La fontaine soignait de l'infertilité et protégeait les enfants.




[1] Cette appellation vient du latin Sicarius signifiant tueur, assassin, porteur de dagues

17 mai 2015

L'inconnu de Dieppe

Une fois n’est pas coutume, j’ai fait la découverte étonnante d’un PAUSAT ayant vécu au cours de la seconde moitié du 17e siècle à Dieppe, en haute Normandie. 
Qui est-il et qu’est-il allé faire si loin de ses racines occitanes ?

Même si nos ancêtres se déplaçaient plus souvent que nous avons tendance à l’imaginer, ce fait est assez rare, et le manque d’information le concernant rend difficile la compréhension de son éloignement.
Pour le moment, dans l’attente incertaine d’avoir plus tard quelques indices supplémentaires, nous allons tenter d’explorer les raisons probables qui pourraient expliquer cette immigration.

Le point de départ de cette histoire est un acte de baptême du 22 août 1689 rédigé à la paroisse Saint Rémy de Dieppe où notre inconnu est le parrain d’un dénommé Simon FLEURY[1], fils de Nicolas (1664-1727 &1684) et de Catherine MARE (ca 1660-/1697). La marraine s’appelle Marie Anne BOULE.
Acte de baptême citant Simon PAUSAT
Avant d’essayer de comprendre ses motivations, rappelons le contexte historique de l’époque.


Contexte historique

1- Dans le royaume de France, le 17e siècle est marqué par des famines à répétition alors que la peste y est installée à l’état endémique, accompagnée d’épidémies de choléra, de variole et de typhus[2]. De nombreux paysans vendent leurs terres à très bas prix pour survivre et des troubles importants agitent les campagnes et les villes.

2- En 1689, Dieppe situé au nord de la côte normande, face à l’Angleterre est l’un des ports les plus importants du royaume de France, citons :
« À partir du règne de Louis XI et pendant plus d'un siècle, la prospérité de Dieppe ne cessa de se développer; la ville et le port s'agrandirent; de nombreux vaisseaux furent armés dont les expéditions, et les découvertes accrurent le commerce et l'industrie de la ville. Le protestantisme y fit depuis le milieu du XVIe siècle des progrès rapides; les luttes et les persécutions religieuses la désolèrent bientôt et en 1685, la révocation de l'édit de Nantes provoqua l'émigration d'un grand nombre de ses habitants déjà décimés par les épidémies de peste de 1668 et de 1670. Une attaque de la flotte anglo-hollandaise acheva la ruine de la malheureuse cité. En juillet 1694, l'amiral anglais Barklay la bombarda à l'improviste et la détruisit de fond en comble[3] ».
Gravure du bombardement de Dieppe en 1694 et carte de la France protestante lors de l’édit de Nantes
Étudions maintenant les raisons possibles de sa présence à Dieppe

Pourquoi Simon PAUSAT réside-t-il à Dieppe ?

À la lecture de ce bref rappel historique, on comprend que Simon PAUSAT n’est pas venu à Dieppe pour le plaisir d’y bénéficier de son climat marin, mais sans doute pour d’autres raisons plus sérieuses comme fuir sa région d’origine devenue inhospitalière et/ou pour y trouver un travail.

1- Hypothèse religieuse

Quoiqu’il faut rester très prudent sur cette hypothèse, notons que l’origine hébraïque du prénom Simon[4] pourrait laisser entendre que notre Simon PAUSAT aurait été de religion protestante[5] et que donc, son parcours vers le nord aurait eu pour motivation de fuir les persécutions contre les protestants.
Rappelons que les conséquences de la révocation de l’Édit de Nantes ont chassé du territoire français des centaines de milliers d’individus : « 200.000 quittèrent clandestinement le pays ou en firent déplacer aussi un grand nombre fuyant les persécutions et les dragonnades qui commencèrent dès 1680 en Poitou, en Béarn et en Languedoc[6] ».
Cette première hypothèse, a priori sérieuse, est donc de considérer que lui ou sa famille fuirent ces persécutions pour se réfugier vers un autre pays plus accueillant comme l’Angleterre ou la Hollande. Dans ce cas, l’arrêt de cette tentative à Dieppe peut s’expliquer par le conflit qui oppose le royaume de France avec ces pays et qui le bloque au nord de la France. Rappelons que Dieppe est l’une des plus importantes des 43 Églises réformées de Normandie.

2- Hypothèse de la recherche d’un travail

Contrairement à l’hypothèse précédente, on peut envisager qu’il soit remonté dans le nord de la France pour se substituer aux protestants qui avaient fui « les persécutions consécutives à la révocation ou annulation de l’Édit de Nantes (Édit de Fontainebleau de 1685) « qui prévoit que les pasteurs doivent se convertir ou quitter le royaume sous 15 jours. Les fidèles, tolérés en principe, seront le plus souvent persécutés jusqu’à leur abjuration. La Révocation suscite un vaste mouvement d’émigration ».

   a. Construction navale : C’est le cas où lui ou sa famille allèrent rejoindre Dieppe à une époque où ce port avait besoin d’un nombre important de mains d’œuvre, en particulier dans la construction navale, car Colbert faisait alors construire une grande marine de guerre.

   b. Commerce par voie maritime : le négoce par voie maritime, relations maritimes et commerciales entre Dieppe et les ports de la mer Baltique (en concurrence avec les Anglais et les Hollandais) permettait d’exporter les sels (usage du poisson salé) et les vins français, puis en retour de ramener des céréales, principalement le blé quand il en manquait en France, bois, chanvre pour les cordages, lin pour confectionner les voiles, goudron … produits employés pour la construction des navires autant commerciaux que militaires. Pendant de nombreuses années Dieppe est le port normand le plus actif dans ce commerce et a donc un besoin important en gens de la mer.

3- Hypothèse intégrant les deux précédentes
On peut aussi envisager que Simon PAUSAT et sa famille exerçant le métier de batelier ou de construction de charpente de bateau, pour les mêmes raisons que dans la première hypothèse, fuirent les persécutions en se dirigeant vers le nord de la France :

   a. par exemple à partir du Loiret
Nous savons qu’à partir de l’Auvergne et du Limousin, nous avons eu quelques PAUSAT qui émigrèrent au nord vers l’Yonne[7] et ensuite un peu plus à l’ouest dans le Loiret. Pour ces derniers, nous ignorons si le métier d’origine est le même que celui de leurs voisins de l’Yonne, mais on peut envisager qu’une partie de ceux-ci participèrent à l’approvisionnement de la ville d’Orléans, en pratiquant le même métier via la Loire.

   b. Par exemple à partir de Bordeaux
Pour les mêmes raisons, certains PAUSAT exerçant leur métier de matelot ou de charpentier de navires et résidant à Vayres ou Arvayres[8] ont pu saisir l’occasion de s’expatrier vers Dieppe pour bénéficier de salaires plus rémunérateurs.

Étudions maintenant d’où venait-il :

Région d’origine de Simon PAUSAT

Rappelons qu’il est entendu que notre patronyme est incontestablement d’origine occitane et donc que les PAUSAT résident initialement dans la moitié sud de la France.

Quant aux prénoms, ceux usités au sein d’une même famille étant souvent reconduits de génération en génération, on donne à l’enfant le même prénom que le parent du même sexe ou celui d’un proche qui est choisi pour être le parrain. Il existe donc pour chaque famille une continuité dans le temps des prénoms qui perdura jusqu’à la fin de l’Ancien régime et même encore quelquefois jusqu’à nos jours.

Le cas du prénom Simon est intéressant, car sa rareté chez les individus recensés dans la base des PAUSAT devient un avantage pour trouver sa région d’origine, quand, comme c’est le cas, sa localisation est circonscrite à une zone unique du territoire.



Parmi les PAUSAT ayant vécu avant la fin du 17e siècle et portant le prénom Simon, nous trouvons en effet :
- Simon PAUSAT (n°1589) né en 1589 à Pannes dans le Loiret
- Simon POUZAT (n°1987) marié en 1677 à Lyon avec Isabeau MAISTRE
- Simon PAUSAT (n°1170) marié en 1679 à Montel-de-Gelat (Auvergne) avec Marguerite DESPATIN
- Simon PAUSAT (n°2119) marié en 1679 à Dontreix (Limousin) avec « inconnue »
Nous pouvons donc imaginer qu’il est probable que le Simon qui nous intéresse soit issu probablement de l’une de ces familles, toutes plus ou moins situées au centre de la France.

En conclusion, espérons que l’examen des archives de Dieppe ou tout autre document fortuit livreront une partie des informations qui nous manquent pour connaître la vérité sur cet individu, émigré isolé, ayant quitté sa région natale et ses racines occitanes. Dans le cas contraire, sa brève histoire nous aura permis de connaître un peu mieux le contexte de son époque située au cœur du règne de Louis XIV.

[1] Ce patronyme étant répandu à cette époque qu’au nord-est de la France, on peut considérer que cette famille est originaire de cette région.
[2] On compte 1 million de morts entre 1651 et 1663, avec un taux record de mortalité dans la région parisienne et en Bourgogne.
[3] L’Angleterre était en guerre depuis 1688 avec la France (guerre de la ligue d’Augsbourg).
[4] On trouve deux étymologies au nom Simon : le nom grec Simôn, nom ancien dérivé du terme grec simos, signifiant « qui a le nez camus » et un nom masculin provenant de l'hébreu shimeone ou Sim’ôn et qui signifie littéralement « Dieu a entendu ma souffrance » ou « Yahvé a entendu » selon Genèse 29,33.
[5] Quoique les prénoms bibliques ne soient pas majoritaires chez les protestants (cf. « les prénoms des protestants au XVIIe siècle » de Jacques Houdaille
[6] En 1685, à la révocation de l'édit de Nantes par le roi Louis XIV, Dieppe perd plus de 3 000 de ses habitants qui émigrent à l'étranger.
[7] Voir l’article de ce blog du 02/05/2013
[8] Voir les articles de ce blog du 18/10/2010 et 15/10/2012 à 21/12/2012

10 mars 2015

Nos ancêtres émigrèrent-ils en Catalogne?

Les mouvements de population durant le Moyen-âge font l’objet de recherches qui nous permettent aujourd’hui de lever le voile sur le fait, a priori sous-estimé, que nos ancêtres se déplaçaient fréquemment et parfois fort loin.
Ceci peut sembler surprenant si l’on compare leur peu de moyens de locomotion par rapport aux nôtres, mais pour eux marcher n’était pas une recommandation de leur médecin pour éviter de prendre du poids et rester en forme physique, mais était simplement leur mode de vie.
Ainsi, la lieue terrestre était l’unité de longueur correspondant à la distance parcourue par une personne pendant une heure. Selon les régions, celle-ci était de l’ordre de 3 à 4 km… et s’ils n’avaient pas de bottes de sept lieues, il était normal qu’ils fassent des trajets de 30 à 40 km par jour, les plus riches faisant porter leurs bagages sur un âne ou un mulet, ou encore se déplaçant à cheval.

Donc, les distances n’étant pas un obstacle rédhibitoire, les mouvements de population obéissent seulement à des considérations économiques, tels que la marchandisation de certains produits (tissus, épices, etc.), à la recherche d’un travail (forestier, pasteur, etc.) ou à un besoin sécuritaire, pour se soustraire à la famine, la guerre ou aux persécutions.
La période de l’Ancien régime réunissant, au cours de son histoire, l’ensemble de ces facteurs, il n’est donc pas étonnant d’y trouver les causes de nombreuses émigrations. Parmi celles-ci, certaines se firent vers le sud, en particulier vers l’Espagne.

Nous avons déjà évoqué dans ce blog, des PAUSAT allant à Cadix pour y exercer le métier de courtier et de négociant, dont le béarnais Jean-Baptiste PAUSAT et son oncle Bernard. Mais, tous ne s’illustrèrent pas avec autant de succès, certains restèrent anonymes et la seule empreinte qu’ils auraient pu laisser dans l’histoire est celle de leur patronyme transmis à leurs descendants.

Serait-ce le cas des PAUSA vivant en Catalogne, au sud de la Cerdagne ?

L’émigration française en Espagne durant l’Ancien régime : quelques repères

1- Le travail universitaire d’un étudiant de Valence sur l’émigration gasconne nous indique que : « dans un document de 1617, écrit par un voyageur français, il est dit que plus de 15.000 Français vivent dans la ville de Valence. Étant donné que la population de la ville et de ses alentours était de 56.000 habitants; les "Français" composaient, plus de 25% de la population totale ».

2- En consultant un ouvrage récent d’un universitaire catalan[1], nous apprenons (à partir des contrats de mariage des archives notariales) qu’à Castelló d’Empuries (situé à 50 km au sud de Perpignan, anciennement le fief du comté du même nom), entre :
- 1555 et 1558, il y avait 102 Français (10,8 % de la population),
- 1585-1588, ce chiffre descend à 22 (3,5% de la population), sans doute, suite aux « représailles générales contre les Français », ces derniers étant accusés souvent à tort des méfaits commis dans la région, c’étaient les boucs émissaires de l’époque.

Il faut noter que la majorité étant protestante, ils avaient fui la France pour se soustraire aux dictats qui leur imposaient d’abjurer leur foi, mais se retrouvaient dans un pays sous la domination absolue de l’Église catholique. Ainsi, ils furent de nouveau pourchassés, cette fois-ci par la Sainte Inquisition.

Pour la Catalogne, entre 1560 et 1700, le Tribunal de Barcelone va arrêter 3.047 personnes, dont la moitié fut accusée de pratiques hérétiques, surtout de luthéranisme et de calvinisme.
Ces Français venant de la moitié sud de la France, donc de l’Occitanie étaient originaires :
- 21,2 % des Pyrénées et pré-Pyrénées (Pamiers, Tarbes, …)
- 32,9 % du Languedoc et de la vallée de la Garonne (Agen, Albi, Montauban, Toulouse, ..)
- 43,5 % des « Terres hautes » et des « Massifs » (Rodez, Saint-Flour, ..)
- 2,3 % de Bourgogne
Leurs métiers étaient très divers : chapelier, bourrelier, chirurgien, maréchal-ferrant, menuisier, paysan, berger, muletier, maraîcher, tailleur, valet de juments, tisserand, potier, journalier, sabotier, chaudronnier, etc.

Ces émigrants français étaient appelés GAVATX, ce mot apparait la première fois en 1603, date qui coïncide avec le pic de l’émigration. Dans la Principauté de Catalogne, ce mot désignait les personnes venues de la France Occitane.

3- Une autre étude[2] consacrée au Baix Llobregat[3] donne des chiffres voisins pour la période 1565-1699 :
Pour 6253 mariages, 725 l’étaient avec un conjoint français, soit une moyenne de 10,7% (avec un pic entre 1564 et 1569 : 23,1%, 25% à Barcelone).

L’émigration des PAUSAT en Catalogne : a-t-elle existé ?
Dans l’arrière-pays de la Costa Brava, ignoré des touristes, se situe entre la mer et les contreforts des Pyrénées un sommet nommé Mare de Deu del Mont culminant à plus de 1123 m et qui domine toute la plaine s’étendant jusqu’à la mer.
À ses pieds, quelques villages, hors du temps, se répartissent ce territoire et parmi eux, Llers, Banyoles et Sant Martí de Sesserres.

Pour les deux premiers villages, une recherche sur le site des mormons donne, depuis l’an 1600 à nos jours, le chiffre de 1882 résultats pour le nom PAUSA.

acte de mariage de Marianna Pausa à Banyoles en 1696

Pour le dernier, celui de Sant Martí de Sesserres, c’est le mariage d’un catalan ayant émigré en France en Cerdagne qui nous apprend qu’il est né dans ce village en 1850 et que sa mère s’appelle PAUSA.
Les recherches à la mairie de la commune dont ce village dépend et aux archives ecclésiastiques de Girona n’ont malheureusement rien donné, la majorité des documents de Sant Martí de Sesserres ayant été détruits durant la guerre civile.


Pour quelle raison ce dernier ayant quitté le mas de ses parents, chercha du travail en Catalogne nord à Prats de Mollo, en Roussillon[4] ? Pour le moment je l’ignore, mais son acte de mariage du 26 janvier 1875 nous indique qu’il a 25 ans, qu’il est domestique et qu’il se marie à une Française nommée Marie Anne Thérèse NOU, journalière, âgée de 39 ans et née dans cette commune.

Acte de mariage du fils de Marie PAUZA

On peut cependant se demander si, à l’origine, celui-ci n’est pas originaire d’un berceau situé en Occitanie, suite à la migration d’un français surnommé PAUSAT, cherchant en Catalogne des cieux plus propices..

A contrario, on peut aussi envisager qu’il s’agit d’un berceau sans lien avec les autres, car si la Catalogne n’a jamais fait partie de l’Occitanie, elle partage avec elle la même langue ou presque[5], puisque le catalan est dérivé de l’occitan provençal (exemple : le mot mas signifiant une ferme isolée en Provence a le même sens en Catalogne).
De ce fait, en reprenant les mêmes hypothèses développées dans ce blog pour les PAUSAT d’Occitanie, on peut supposer que certains Catalans se virent affublés de ce surnom. Il y aurait donc dans cette partie du nord-est de la péninsule ibérique un autre berceau PAUSAT « cousin » de ceux situés en Occitanie.


Remarque : Notons, cependant, une particularité qui le différencie des surnoms occitans, c’est que celui-ci n’est pas au participe passé, c’est-à-dire se terminant par le suffixe AT, mais comme un nom commun s’écrivant PAUSA (plus tard, PAUZA).
En dehors du fait qu’il peut s’agir d’une erreur d’écriture lors de la rédaction des actes, cette particularité poserait la question du sens exact que l’on a bien voulu donner à ce surnom et si celui-ci a une origine qui diffère de celui qui a prévalu en Occitanie. Notons aussi que le mot PAUSA (d’origine latine) existe aussi en castillan, mais qu’à ce jour il n’a généré aucun surnom dans ce qui fut autrefois la Castille.

[1] réf. : immigració francesa i repressió a la catalunya del segle xvi: alguns exemples del comtat d’Empúries de Josep Colls i Comas
[2] la immigració occitana a catalunya: el cas del baix llobregat (segles xvi i xvii) de f. Xabier Gual i Remírez, Valentí Gual i Vilà, Carles Millàs i Castellví
[3] région englobant Barcelone
[4] Avant que la Catalogne perde son indépendance, il y a 300 ans, lors de la guerre de la succession des Bourbons, celle-ci s’étendait jusqu’au nord de la Cerdagne. Mais au 19ème siècle, la langue catalane est le lien de communication naturel entre cette partie de la France et son territoire d’origine.
[5] Jusqu'au Moyen Âge, le catalan et l'occitan (en France) ne faisaient qu'une seule et même langue: ce sont des destins politiques différents et deux rattachement à des blocs dominants opposés qui les ont fait évoluer chacun de leur côté. Après de longs débats, les intellectuels catalans ont fini par proclamer solennellement en 1934 que le catalan était distinct de l'occitan, le premier faisant partie du groupe ibéro-roman; le second, du groupe gallo-roman.

15 janvier 2015

La carrière militaire de Jean-François PAUZAT (2/2)

Deuxième partie : la campagne de St-Domingue


Dans l’article précédent, nous avions quitté J-F PAUZAT, en partance le 8 décembre 1791 pour l’île de St-Domingue, afin de réprimer la « révolte des nègres ».




Avant la Révolution, l'île de Saint-Domingue est séparée en deux. À l'Est, la partie espagnole est peu peuplée et essentiellement tournée vers l'élevage. La partie la plus riche, à l'Ouest, appartient à la couronne de France et fait l'essentiel de toute sa richesse coloniale. Son coton, son sucre et son café représentent alors environ la moitié de la production mondiale de chacun de ces trois produits. La société coloniale est très hiérarchisée, avec en haut de l'échelle sociale les grands propriétaires terriens et négociants et tout en bas les esclaves. Entre les deux, tout un monde de petits planteurs, de noirs affranchis et de métis, commerçants et artisans divers.

Cette situation est principalement due au fait que ces plantations attirent les plus ambitieux officiers de la noblesse française, à une époque où l'enrichissement rapide est encore rare, faute d'industrie. Forts de leur soutien à Washington, lors de la Guerre d'indépendance américaine, ils disposent de capitaux, de réseaux commerciaux et d'un esprit d'entreprise conquérant. Les correspondances des émigrés de la Révolution française montrent l'importance de leurs réseaux.

Tous les blancs ont donc, pour des raisons diverses, un intérêt commun : obtenir plus de libertés de la Métropole. Les uns pour augmenter leurs profits, bridés par des monopoles imposés par Paris, mais bien sûr en maintenant le "système de castes". Les autres veulent améliorer le système social archaïque, sans cependant aller jusqu'à abolir l'esclavage sur lequel toute l'économie de l'île est basée. Les métis et les noirs libres veulent accéder aux mêmes droits que les Blancs et les esclaves désirent, à juste titre, la Liberté tout court.

La situation est très instable, accentuée par le déséquilibre démographique : environ 40.000 Blancs, 30.000 métis et 400.000 esclaves. Toutes ces aspirations vont tenter de se réaliser en même temps, profitant du choc de la Révolution en France, amenant bientôt le chaos… d'autant plus que face à la situation, la Métropole va réagir souvent à contre temps.

Entre 1789 et 1791, s'appuyant sur les événements en France, les Blancs se déchirent entre autonomistes réactionnaires et partisans de la Révolution, tandis que les métis accèdent par la violence à l'égalité des droits et que des révoltes d'esclaves éclatent un peu partout, avec leur lot de massacres. C’est ainsi que les 28/29 octobre 1790 débute une révolte des esclaves noirs, férocement réprimée, puis une seconde le 20 août 1791.

Scène de la révolte des nègres et carte de St-Domingue (République Dominicaine actuelle)

En novembre 1791 arrivent des troupes pour tenter de rétablir l'ordre. Parmi elles, le détachement du 2e Bataillon du 73e d'Infanterie où le Capitaine Jean-François PAUZAT, ayant sous ses ordres le soldat Nicolas Ourblain[1], découvre les colonies…

En pleine anarchie politique locale, entre l'Assemblée coloniale et les commissaires métropolitains, les troupes débarquées sont envoyées au Cap Français dans des camps malsains, où elles sont immédiatement décimées par les fièvres comme le paludisme, la dysenterie, mais aussi la plus terrible d'entre elles : la fièvre jaune[2]. Il est impossible que Jean-François PAUZAT ne l'ai pas attrapée, et on peut espérer que s'il en avait guéri spontanément, il était donc immunisé. Il reste cependant un doute, n’ayant aucune information sur lui, après son arrivée dans l’île.

Par contre, nous savons que Nicolas Ourblain, devenu caporal entre temps, est toujours vivant, dans « ce qui subsiste de son bataillon ». Ce dernier reviendra le 17 juin 1794 en France, pour ce qui en restera. Le 2ème bataillon du 73ème régiment d’infanterie « ne sera pas amalgamé, faute d’effectif suffisant ! »

Le bilan de l'expédition de Saint-Domingue est donc particulièrement lourd en vies humaines. À la veille de la révolution, la population de l'île comptait environ 550 000 habitants. En 1804, elle ne sera plus que de 300 000. Entre-temps, environ 20.000 réfugiés français fuiront vers l’Amérique, essentiellement dans le Sud, relativement peu peuplé à cette époque, mais aussi vers d’autres îles de La Caraïbe. La première vague d’émigration fuyant St-Domingue aura lieu lors de l’été 1793 vers les États-Unis, en Louisiane qu’elle vient de racheter à la France et vers la côte Est, où 290 navires transporteront environ 6 500 personnes, dont 4 000 esclaves.

Mais quand est-il de Jean-François PAUZAT ? Est-il décédé de maladie ? Est-il mort au combat ou a-t-il était fait prisonnier ? ou encore, a-t-il fui vers l’île de Ste-Lucie, île[3] des Caraïbes, où il serait devenu planteur ?

À ce jour, j’ignore ce qu’il en est, car une demande de renseignements aux archives militaires du Ministère de la Défense ne nous a pas permis de le savoir, faute de l’existence d’un dossier qui lui soit personnellement consacré et qui aurait pu récapituler son parcours militaire.

Notons qu’en 1795, un Jean PAUZAT, prisonnier des Antilles en Angleterre figure sur une liste de planteurs de Ste-Lucie (disputée à cette époque par les Anglais qui en obtienne le contrôle complet en 1814, par le traité de Paris).


  Liste des prisonniers français rapatriés en Angleterre en 1795, dont des planteurs de Ste-Lucie
L’énigme non élucidée du sort de Jean-François Pauzat nous conduit donc vers une seconde énigme, celle d’un autre Pauzat, prénommé Jean, dont nous ignorons les origines et le sort que les Anglais lui ont réservé lors de son rapatriement supposé en Angleterre. Est-ce la même personne ?

[1] Nicolas Ourblain reviendra vivant de St-Domingue après un séjour dans l’île de 17 ans, où il sera nommé en 1808, Capitaine adjudant major à la Légion du Cap. Voir le site « Soldats de la Grande Armée » où un article, d’où proviennent les informations ci-dessus, lui est dédié (source : Didier DAVIN) : frederic.berjaud.free.fr/.../un_soldat_colonial_a_saint_domingue_1791
[2] De petites épidémies réapparaissaient tous les ans avec la saison des pluies. Ceux qui en réchappaient étaient immunisés par la suite. Les Noirs d'origine africaine étaient naturellement plus résistants à cette affection, ce qui n’était pas le cas des troupes envoyées de la Métropole.
[3] Ile située aux Caraïbes, au sud de la Martinique, environ 800 km à l’est de St-Domingue