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14 juin 2014

Histoire romancée de Jean PAUSAT d’Issor

Avant d’aborder prochainement la seconde partie de l’histoire de nos ancêtres béarnais[1] et pour s’immerger dans le contexte de l’époque, je ferai au préalable le récit fictif d’un moment de vie de l’un de ces derniers, à savoir Jean PAUZAT, né en octobre 1749, à moins d’une demi-lieue[2] d’Issor, au lieu-dit PAUZAT. Imaginons ….



… le jeune Jean[3], fils de Jean PAUSAT d’Issor et de Marie SAFFORÉS MEYVILLE de Ste-Marie près d’Oloron, vient de fêter ses 14 ans. Ayant été baptisé à la paroisse d’Issor, il porte, comme de nombreux natifs de ce village, le prénom du saint patron de celle-ci, Jean l’Évangéliste.

Mais comme tous les habitants de ce lieu, il est pour les autres habitants de la vallée, un « mousquilhous », sobriquet signifiant « moucherons ».[4]

Dans l’air vif et frais de cette matinée d’automne, il marche sur l’étroit chemin qui le ramène à la « maysou » de ses parents, celui qui longe le Gave de Lourdios. Ce matin, tout fier de la mission que son père lui avait confiée, il est parti avec l’âne dans la brume matinale, livrer quelques victuailles au tisserand du bourg, la paroisse voisine, en échange d’un lot de toile de lin dont sa mère confectionnera des vêtements neufs pour lui, ses frères et sœurs. Il faut dire qu’ils sont 7 enfants encore vivants sur les treize que sa mère a mis au monde.

L’année passée, sa sœur ainée Marie s’est mariée à Pierre de la « case » PIQUET, laboureur, lui aussi habitant la même paroisse. Au cours du repas de noces, il avait écouté avec intérêt les histoires de ceux qui étaient allés en Aragon et même plus loin au sud de la Castille pour y faire commerce ou y trouver du travail.

En chemin, il croise deux chrestias[5] occupés à préparer, à la lisière de la forêt, un tronc d’arbre destiné à être transporté par voie de terre jusqu’à Noumour[6]. Il se souvient qu’un jour, il avait entendu dire qu’il avait été commandé quelques-uns de ceux-ci pour confectionner le gréement et les mâts des navires de la flotte royale. Ces individus, il les reconnait pour les avoir croisé plusieurs fois, mais il ne sait pas leur donner un nom, ni à quelle communauté ils appartiennent sur les trois présentes dans la vallée. Il se souvient qu’à la mort de son jeune frère Pierre en 1753, c’est à l’un d’eux qu’on avait commandé le cercueil en bois pour pouvoir l’enterrer au petit cimetière jouxtant l’église d’Issor.

En contrebas, l’eau limpide du ruisseau brille sous les rayons du soleil et laisse apparaître par moment son fond pierreux où il reconnaît les bons endroits où il est venu pêcher des anguilles cet été. Mais ce matin, il fait trop froid et il est fier de porter, comme les adultes, son bounet et une camisole[7] propre que sa mère lui a laissé mettre pour l’occasion. Il n’est pas question qu’il la salisse ou qu’il la mouille.




Déjà, il entrevoit au loin la fumée s’élevant de la cheminée de la « maysou » paternelle. Le feu y est toujours allumé, chauffant en permanence une grande marmite d’eau où sa mère fait mijoter toute la matinée les légumes et parfois un peu de viande. Il imagine le repas préparé pour son père et ses quatre frères ainés travaillant aux champs. Comme d’habitude, ses deux sœurs encore à la maison, Catherine l’ainée, âgée de 16 ans et Marie sa cadette âgée de 9 ans, iront le leur porter, l’ainée espérant croiser en chemin le jeune CAMGROS de la ferme voisine. Quant à lui, il attend avec impatience le prochain dimanche, car il sait qu’après la messe, il pourra s’esquiver sur le chemin du retour vers le Gave où il retrouvera la jeune Marie SALANAVE, elle n’a que 11 ans, mais peut-être pourra-t-il lui voler un baiser, même s’il doit plus tard s’en confesser au curé.

Mais la marche lui a donné faim et il presse le pas, ses pieds bien au chaud dans ses sabots où ce matin, il a remplacé le foin par une nouvelle poignée toute propre. S’il avait fait beau les jours précédents, il aurait mis ses espadrilles de toile, mais le sol encore mouillé et boueux l’en avait dissuadé.

Tout à l’heure, en mangeant gloutonnement, sa part de galette de millet, il racontera à sa mère les dernières nouvelles glanées au bourg : il parait que bientôt, passera au village un commissaire chargé de recenser les feux, afin qu’au royaume de France, ils puissent connaître par paroisse, le nombre de familles et leurs patrimoines.

Ainsi, peut s’imaginer un instant de vie de l’un de nos ancêtres et si ceci reste une fiction, le contexte sociohistorique reste authentique et fera l’objet du prochain article.
Nota : Jean PAUSAT se mariera en novembre 1779, à l’âge de 33 ans, à Arette avec Marie SALANAVE. Il aura 9 enfants dont 3 moururent avant l’âge adulte. N’ayant pas pu hériter de la maison paternelle, n’étant pas l’ainé, il « s’expatriera » à Arette dans celle de ses beaux-parents, la maison SALANOBE. J’ignore s’il en fut le chef où s’il vécut sous la direction de l’éventuel frère ainé de sa femme. Ceci peut se savoir en consultant les actes paroissiaux et en reconstituant l’arbre généalogique de celle-ci pour la période correspondante.

Nous voyons ici, qu’avant la fin de l’Ancien Régime, l’une des raisons du départ d’un de nos ancêtres de son village natal vers celui de son épouse, était du fait de son rang de cadet. C’est ainsi que des PAUSAT quittèrent Issor pour aller habiter d’autres villages de la vallée, en particulier Féas et Lanne-en-Barétous. D’autres partirent à l’étranger (Espagne, Cuba, Mexique, Angleterre) et même firent fortune comme son neveu Jean-Baptiste PAUZAT de ZUÑIGA[8].




[1] article du 14-05-2014 : « histoire de nos ancêtres béarnais, part 1/2 ».
[2] Le lieue est une unité de distance terrestre équivalant à 4 km, c’était la distance que peut parcourir un homme à pied en une heure.
[3] Il s’agit de l’un de mes ancêtres, comme celui de nombreux contemporains ayant le patronyme PAUZAT et dont les aïeux sont d’origine béarnaise.
[4] Les habitants d’Arette ont le sobriquet « cabecs » : masculin de cabèque, signifiant « la chouette »
[5] ou Cagots : Sous ce nom, on désignait une sorte de parias qui peut être comparée aux intouchables indiens. Ce terme sera explicité en détail dans la seconde partie, diffusion à venir.
[6] Situé près d’Oloron, C’est de là, au « port du Vert » que les troncs étaient lancés sur le gave d’Oloron à destination de Bayonne
[7] Le « bounet » est le nom béarnais de béret et « camisole » ou « chamarre » celui de blouse.
[8] Voir tous les articles qui lui sont dédiés dans ce blog.