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3 juillet 2014

Nos ancêtres béarnais de la vallée de Barétous (2/2a)

2e partie : la vie de nos ancêtres béarnais

Après l’évocation romancée d’un moment de vie de l’un de nos ancêtres béarnais[1], poursuivons notre parcours sur l’histoire de leur vallée natale et sur certaines spécificités propres à leur époque.
 Paysages de la vallée de Barétous (photo de droite de Ronan Lambert)
La vallée de Barétous[2]
La vallée de Barétous était divisée en 6 paroisses (Ance, Aramits, Arette, Féas, Issor et Lanne-en-Barétous) où en 1763, on y dénombrait 148 « feux »[3].
Rappelons que les PAUSAT du berceau béarnais sont, à l’origine, essentiellement des habitants d’Issor et d’Arette.
Leurs prénoms, en majorité, dépendent directement du saint de la paroisse où ils sont nés :
Pierre pour Arette et Jean l’évangéliste pour Issor.
Par contre, les habitants de ces villages avaient en commun un surnom, sans doute octroyé par les villages voisins :
Les cabecs (masculin de cabèque,signifiant la chouette) pour les habitants d’Arette
Les mousquilhous (moucherons) pour les habitants d’Issor

situation géographique de la vallée de Barétous
Arette comptait lors du dénombrement de 1385, dit de Gaston Fébus, 58 feux (87, selon une autre source) pour un total de 150 feux pour toute la vallée et dépendait du bailliage d'Oloron.
Curieusement, Issor (localité érigée alors en seigneurie) n’y est pas mentionnée, « bien qu’elle soit partie prenante dans le For de Barétous antérieur de plus de 150 ans », alors que le seigneur d’Issor, lui, y est cité avec son titre.
Ainsi, pour une raison inconnue, ce recensement ne nous précise pas les noms et lieux d’habitation (l’ostau) de nos ancêtres qui, à cette époque et les décennies suivantes, sont tous originaires d’Issor ! Ceci est fort regrettable, car sinon, nous connaîtrions aujourd’hui le nombre de familles PAUSAT qui y habitaient et l’endroit exact où ils vivaient.
Cependant, la liste des « feux de roi » dits fiscaux, qui servit d’assiette pour fixer les impôts et qui exploita pour cela les résultats de ce dénombrement, prend en compte, cette fois-ci, la paroisse d’Issor qui est reconnue pour 4 unités sur les 172 de la vallée, alors qu’Arette en comptera 61.
Cette évaluation nous indique la hiérarchie entre les deux paroisses, Arette est, à cette époque, nettement plus importante et riche que sa voisine.

L’abbé Expilly précise le principe du comptage des feux : « il fallait pour un feu entier, que le contribuable eût une maison habitable et habitée : lo les cubert (ce qui est couvert). Une maisonnette ou une grange n’étaient considérées que comme une partie du feu ; en outre, il devait posséder trois labourées de terre : tres loborades. Dans le cas où le censitaire[4] ne travaillait qu’une portion déterminée de cette unité, il n’était compté que pour une fraction de feu. ».
Sachant qu’un feu correspondait arbitrairement à environ 4/5 personnes[5] d’après l’auteur de ce dictionnaire, ceci représenterait une population d’environ 700 individus pour toute la vallée. Cependant, d’autres recensements effectués par ailleurs considéraient qu’un « feu » pouvait héberger jusqu’à dix, voire plus, individus. Ce qui donnerait alors une population de 1500 à 2000 individus environ. 



Évolution du nombre de familles regroupées autour d’un feu 
et répartition des charges dans la vallée de Barétous

En 1683, Arette compte 56 « feux du roi », soit une diminution fiscale de 3 unités seulement en 5 siècles, ce qui indique une relative stabilité. Quant à Issor, la paroisse reste au même chiffre de 4.
La comptabilité des « feux allumants », c’est-à-dire celle du nombre de ménages, à la même date, est de 145 pour Arette sur un total de 372, soit environ presque 40% de la population de la vallée et Issor pour 44 « feux allumants » , soit 12% de cette population.
Notons que le dénombrement tient aussi compte du nombre des employés communaux (Arette : 14, Issor : non mentionné, total pour la vallée : 45) et de celui des soldats à fournir (Arette : 23, Issor : 10, total pour la vallée : 60)

En 1763, 80 ans plus tard, le dictionnaire de l’abbé Expilly indique un renversement radical de situation :
- Tout d’abord, la population globale de la vallée décroit considérablement par rapport à son niveau de 1683, pour revenir pratiquement à celui de 1385.
- Arette suit cette tendance, ne comptant plus que 25 feux, soit 6 fois moins qu’en 1683 (dont 3 familles de PAUSAT), par contre Issor est comptabilisé pour 90 habitations (dont 5 familles de PAUSAT[6]). Si l’on considère comme équivalentes les notions d’habitation et de feux allumants, Issor a vu, au minimum, sa population doubler pendant que celle d’Arette s’effondre.

Toujours sur la base des informations actuellement collectées dans la généalogie des PAUSAT, ceux nés dans la vallée de Barétous entre 1700 et 1760, sont seulement au nombre de 8 pour Arette et de 60 pour Issor. Il n’y a toujours aucun PAUSAT dans les autres paroisses.
Ces résultats signifient qu’avant la fin de l’Ancien Régime, les remous de l’histoire du pays se font sentir même dans la vallée. 

Cependant, malgré les évolutions et migrations internes de la population, le berceau des PAUZAT se situe toujours uniquement autour de ces deux communes. C’est seulement après la Révolution française et les évènements qui s’en suivirent, puis lors de la révolution industrielle du 19e siècle, que certains PAUZAT partirent, pour les plus proches, vers les communes d’Ance, Aramits, Féas et Lanne.

Que s’est-il passé pendant la période séparant les deux recensements pour expliquer ce retournement de situation entre Arette et Issor et cette diminution importante de la population de la vallée ?
La réponse est sans doute liée à la révocation de l’Édit de Nantes en 1685, à la persécution des protestants qui s’en suivit et des dragonnades infligées à la population protestante (voir ci-dessous).

Les guerres de religion en vallée de Barétous[7]
Rappelons que Jeanne d’Albret, mère d’Henri IV, reine de Navarre et vicomtesse de Béarn, autorise par l’ordonnance du 19 juillet 1561, le calvinisme dans son royaume, puis interdit l’exercice du culte catholique dès 1564. Au début des guerres de religion, elle se sépara de son époux qui avait rejoint le camp catholique et implanta durablement la Réforme calviniste sur ses terres.
Dans ce contexte, Arette reste fidèle au catholicisme alors que Lanne et Aramits passent à la réforme, de même que le seigneur d’Issor, Gaston, qui laisse la nouvelle religion s’y implanter. Les ecclésiastiques qui ne se convertissent pas s’exilent.
« En 1665, on recensera 28 familles protestantes à Issor, soient 123 religionnaires[8] pour 470 catholiques. Après l’abjuration d’Henri IV en 1693, le mouvement s’inverse. En 1603, Féas figurera sur une liste de huit communes béarnaises qui obtiennent le retour au culte catholique. Malgré la vivacité de la lutte, on ne comptera que peu de victimes : à Lanne , le nommé NOUGUEZ, âgé de 40 ans, fut tué d’un coup de pistolet pour ne pas n’avoir voulu aller à la messe. À Issor, le pasteur GODIN fut condamné aux galères où il mourut en 1688, et on note deux exilés volontaires protestants de ce village à Londres en 1686 et 1688. » : y aurait-il un PAUSAT parmi eux ? J’ai en effet vu, au début de mes recherches, ce patronyme cité dans des registres du Royaume-Uni, mais sans pouvoir poursuivre celles-ci.

Scène des dragonnades et conversion forcée des protestants
Évoquons aussi les dragonnades en Béarn organisées par l’Intendant Foucault. (comme en Poitou et en Languedoc) qui consistaient à imposer aux communautés protestantes l’hébergement systématique de soldats chez eux et les abus qui en découlent :
Au début de l’année 1685, Louis XIV avait envoyé dans le Béarn une armée pour menacer l’Espagne. Pendant le séjour de ces troupes dans cette province, l’intendant Foucault déclara que le roi ne voulait plus qu’une religion dans ses États. Aussitôt, il déchaîna les troupes contre les calvinistes, forcés de se convertir par les brutalités auxquelles ils furent soumis, et l’on annonça au roi que la grâce divine avait opéré ce miracle.
Citons, à ce propos, la citation faite de la manière où les évènements sont rapportés au roi Louis XIV « la relation mise sous les yeux du roi ne parle ni de violences ni de dragonnades. On n'entrevoit pas qu'il y ait un seul soldat en Béarn. La conversion générale paraît produite par la grâce divine, il ne s'agit que d'annoncer la volonté du roi... Tous courent aux églises catholiques. »

Plusieurs dizaines de milliers de protestants (peut-être 200.000, d’après certains historiens) choisirent alors la voie de l’exil (certains furent accueillis sur les terres du prince électeur du Brandebourg. Les émigrants, en quittant le royaume de France, emportèrent de considérables sommes d’argent. En outre, le pays se trouvait désormais privé de milliers d’artistes, d’artisans, de matelots et de soldats.

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Tenant compte de la longueur de cet article, celui-ci a été partagé en deux parties : la seconde moitié sera diffusée prochainement, elle concernera :
- les cagots, les "parias" de l'Occitanie du Moyen-âge.
- l'exploitation du bois en Barétous
- L'épizootie de 1774-1776 qui fit disparaître 80% du cheptel béarnais
- les traditions : alimentation, chasse et pêche

[1] Voir l’article précédent du 01-06-2014
[2] La vallée de Barétous communique avec la Haute-Navarre par le col de la Pierre Saint-Martin et finit au nord à Oloron-Sainte-Marie, elle s'ouvre à l’ouest sur la province basque de la Soule.
[3] Le terme feu (du latin focus, le foyer) désigne, particulièrement au Moyen Âge, le foyer, d'abord au sens strict (endroit où brûle le feu) puis figuré : le logement familial (cf. l'expression « sans feu ni lieu »), puis la famille elle-même. Très rapidement, il est utilisé comme unité de base pour l'assiette, le calcul et la perception de l'impôt, on parle alors de feu fiscal.
[4] celui qui payait le cens au Moyen Âge
[5] le facteur de conversion du feu à l’habitant fait encore l'objet de discussions entre historiens
[6] Selon mes propres sources généalogiques
[7] Ce sujet a fait aussi l’objet dans ce blog, de l’article du 25 /01/2012.
[8] Soit environ 20% des habitants d’Issor

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