Bienvenu sur ce blog

N'hésitez pas à faire des commentaires qui permettront d'améliorer ce blog - les critiques sont les bienvenues - les compliments ne sont pas interdits !

24 juin 2013

Jean-Baptiste Pauzat Zuñiga à Cadix chez son oncle !

Il y a moins d’un an, j’ai cherché à avoir accès, par l’intermédiaire des AN de Paris, à la demande officielle de Jean-Baptiste[1] Pauzat d’ajouter à son nom, celui de Zuñiga. Par la lecture du contenu de ce document j’espérais y trouver le récit de son parcours, entre le moment où il quitta ses parents, laboureurs à Issor, et celui où il devint un personnage connu à Bordeaux, comme négociant et armateur commerçant avec le Mexique, ceci vers 1825.
Dans un premier temps, j’ai effectué des recherches à Zuñiga[2], petit village de Navarre en Espagne. Mais ces recherches se sont avérées vaines. Il restait une autre commune située près de Murcie portant le même nom. Cet endroit semblait curieux, car très éloigné de son Béarn natal, mais pourquoi pas, car la présence de français dans le sud de l’Espagne était encore très importante à cette époque.
Finalement, la réponse des AN de Paris lève le voile sur cette partie de la vie de notre personnage. Il est bien parti de chez ses parents pour aller en Espagne, mais … pour Cadix, ville située toute au sud de la péninsule ibérique.


Si l’on se situe dans le contexte historique, rappelons que la cité andalouse était depuis le 16e siècle l’un des principaux ports de la façade atlantique. Elle y attira de nombreux commerçants venus de toute l’Europe qui cherchèrent à profiter de la situation privilégiée qu’occupait ce port, centre névralgique des échanges commerciaux entre les deux continents l’Ancien et le Nouveau Monde.

Depuis 1680 Cadix disposait, en effet, d’un monopole de fait sur le commerce avec l’Empire colonial espagnol : elle est la seule ville autorisée à y exporter des marchandises et à en importer les richesses (fruits et métaux précieux).
Ainsi, parmi tous les étrangers installés à Cadix[3], la colonie française comptait déjà plusieurs dizaines de membres au début du 18e siècle. À l’apogée de ce commerce, Cadix comptait plus de 10 000 étrangers (pour une population de 70 000 habitants) dont 2000 Français de toutes origines. Selon le recensement de 1777, les Limousins (366) et les Basco-Béarnais (201) constituaient les pourcentages les plus élevés. Citons :
« les négociants français éprouvèrent en effet le besoin d’installer des filiales à Cadix dont les principales fonctions étaient la réception des marchandises expédiées depuis la France, leur placement à Cadix auprès des cargadores[4] habilités à pratiquer le commerce colonial et l’acquisition, en retour, des « fabuleux métaux » et des denrées coloniales américaines ».

Cependant, sans doute par un réflex compréhensif, ces négociants ne délèguent pas leurs pouvoirs aux habitants de Cadix, mais à des membres de leur famille qu’ils envoient sur place. C’est eux qui vont constituer ces colonies d’étrangers. Citons :
« les bonnes familles de négociants de Paris ne se servent jamais de commissionnaires, et envoient leurs enfants, leurs frères ou autres parents demeurer actuellement sur les lieux pour faire le négoce, et que les Hollandais, les Anglais et les Italiens agissent de même et ne se confient jamais qu’à eux-mêmes pour régir et gouverner leur commerce »

Par la suite, « les modalités de la présence française changèrent profondément, les établissements correspondant au modèle de la filiale familiale exécutant des ordres pour le compte d’une maison-mère demeurée en France s’effaçant au profit de nouvelles formes. La colonie française tendit ainsi à se démocratiser et, aux côtés des quelques grandes familles anciennement installées, se développa tout un tissu de petits comptoirs et de grosses boutiques, tenus par des marchands de moindre envergure, souvent béarnais, venus tenter leur chance à Cadix ».
Ainsi, on constate en effet : « une forte mobilité chez les jeunes négociants – qu’il s’agisse de jeunes Français venant à Cadix pour s’y former ou y assurer la gestion de la commandite familiale ou des fils des négociants français de Cadix qui se rendent à l’étranger pour le même genre de raisons ».

Et c’est ainsi que notre J-B quitta Issor en 1786, à l’âge de 16 ans, pour aller à Cadix rejoindre un oncle qui y tenait une maison de commerce.
Il n’y a pas d’information supplémentaire qui permette d’identifier cet oncle, mais il s’agit vraisemblablement de Bernard PAUZAT (n°1181)[5], l’ainé et le seul des trois oncles de J-B dont il n’a pas été possible de trouver, à ce jour, une trace de sa descendance en France.

début de sa demande (écrite à la 3e personne)
Rappelons que J-B est le cinquième enfant d’une famille qui en comptait six, et qu’il est le seul petit-fils à qui son grand-père Jean PAUSAT (n°334) lègue[6] en 1781 la somme de 75 livres :
« Item, a dit ledit testateur, qu’il laisse et lègue à Jean-Baptiste Pausat, son petit-fils, une somme de soixante-quinze livres, au-delà des droits de légitime qui pourront lui …..»
Ceci semblerait signifier qu’à cette date, mais ce n’est qu’une hypothèse, le projet de se rendre plus tard à Cadix, pour y rejoindre l’un de ses oncles, serait peut-être déjà envisagé au sein de sa famille et que cette somme devait l’aider dans cette future entreprise, ceci alors qu’il n’a que 11 ans !
En 1786, à la veille de la Révolution française, J-B, profitant de l’une des filières existantes, partit donc à Cadix, vraisemblablement accompagné d’autres béarnais comme lui, et a priori sous la responsabilité de l’un d’entre eux plus expérimenté, comme c’était alors l’usage[7].

Parmi ses compagnons de voyage, peut-être des héritiers de grandes familles de négoce, mais des études récentes montrent que :
« la majorité des ressortissants français recensés dans le padron[8] de 1791 sont issus des petites vallées pyrénéennes qui rayonnent autour de Pau. D’un niveau économique bien moindre que celui des grandes firmes, ils répondent à des logiques migratoires que l’on devine être très différentes et beaucoup plus proches de celles qui animent les migrants contemporains : attraction des hauts salaires gaditans[9], illusion de la richesse d’une ville dans laquelle transite la quasi-totalité de l’argent consommé en Europe, mirage d’un enrichissement qu’on espère rapide, existence de filières extrêmement localisées (Oloron, Sorholus) … autant de facteurs qui expliquent cet afflux ».

La baie de Cadix et vue sur la ville au soleil couchant, face à l’Atlantique.
J-B resta à Cadix avec son oncle jusqu’en 1793, soit pendant 7 ans environ pendant lesquels, il apprit son métier de négociant et fit la connaissance, a priori, de correspondants installés au Mexique, constituant ainsi un réseau d’affaires qui lui facilitera plus tard son établissement dans ce pays.
La date de son départ de Cadix n’est pas fortuite, elle correspond à la déclaration de la guerre entre la France et l’Espagne. « Après 1789, la situation des Français se dégrada radicalement en réaction à la ­Révolution française, ils furent l’objet de nombreuses mesures vexatoires et furent finalement expulsés du pays en 1793, lorsqu’éclata la guerre de la Convention[10] (1793-1795) ».

Remarquons que les termes utilisés dans sa demande « l’anarchie qui désolait sa patrie en 1793 » sont ambigus, car ils laissent supposer qu’il s’agit de troubles ayant eu lieu en France[11], alors que très certainement ce sont ceux ayant lieu à Cadix qui sont la cause de son départ.
Il quitte donc l’Espagne à 23 ans, pour se rendre directement à Veracruz où il se mariera et restera 9 ans jusqu’en 1822.
Le mystère reste cependant entier sur l’origine de sa fortune, a-t-elle débuté à Cadix ? A-t-il hérité de son oncle avant de quitter Cadix ? Ou tout simplement, ayant fait quelques économies, il les a fait fructifier au Mexique.

Pour conclure, signalons que nous n’avons aucune information sur son oncle, ni s’il a quitté lui aussi l’Espagne. Cependant, dans le cas où il ait choisi d’y rester, rappelons, comme nous l’avions évoqué dans un article précédent[12] qu’il exista un Bernardo PAUZAT à Madrid au début du siècle précédent, s’agirait-il d’un petit-fils du premier ?


[1] Désormais identifié : J-B
[2] Voir l’article, sur ce blog, du 30/06/2011
[3] L’Espagne du XVIIIe siècle n’a pas une structure économique suffisamment solide pour assumer la responsabilité de ce commerce : son industrie est incapable d’alimenter les marchés coloniaux, son capitalisme n’est pas assez dynamique pour financer les coûteuses expéditions maritimes. Le recours à des compétences étrangères s’impose pour assurer le bon fonctionnement de la Carrera de Indias, la route du commerce colonial.
[4] Armateurs habilités à « charger » pour les Indes
[5] En 1781, lors du testament de son grand-père, selon les déclarations de ce dernier, J-B avait 3 oncles encore en vie : Bernard (né en 1735 et marié à Marie Poueymirou d’Angous), Jean (né en 1742, marié à Élisabeth Bayres d’Arette) et Jean (né en 1746, marié à Marie Salanave d’Arette).
[6] Voir l’article du 05/10/2011 : le testament du laboureur Jean PAUSAT d’Issor
[7] « Le départ n'est pas une aventure. Les émigrants, dans leur grande majorité, sont jeunes, aux environs de 25 ans, et célibataires. Ce ne sont pas les plus pauvres, car pour s'en aller il leur a fallu réunir quelque argent. Ils se groupent pour faire le voyage «sous la direction d'un ancien qui connaît le chemin, les étapes et le lieu de destination». Ce voyage, entrepris généralement entre février et novembre, peut durer 3 à 4 semaines. À son arrivée le jeune Limousin n'est pas davantage isolé: son groupement professionnel, qui dispose d'une caisse commune, le prend en charge et lui procure du travail; il retrouve en outre, soit parmi ses compagnons, soit ailleurs, des compatriotes de son village ou de localités voisines, des amis, souvent des parents ».
[8] Recensement effectué à Cadix pour y comptabiliser les étrangers.
[9] Habitants de Cadix
[10] On sait qu’en mars 1793, dans les jours qui suivirent la déclaration de guerre de la France à l’Espagne, le gouvernement espagnol prit des mesures de représailles à l’encontre des marchands français résidant dans la Péninsule qui, deux ans plus tôt, avaient refusé de prêter le serment de fidélité à Charles IV exigé de tous les étrangers vivant en Espagne : leurs biens furent saisis et ils furent expulsés du territoire espagnol.
[11] En 1793, Louis XVI est exécuté et c’est le début de la Terreur
[12] Article du 29/12/2011 : « les Pauzat en Espagne
»

2 commentaires:

vero battut a dit…

J'ai bien aimé votre blog. Je me suis permis de le tweeter et de le faire connaitre sur twitter à d'autres amis bloggeurs intéressés par la généalogie. Cordialement.
http://www.histoirefamilles.blogspot.fr/

Jean-Pierre Pauzat a dit…

Honoré par votre commentaire et heureux de découvrir votre blog, j’ai pris l’initiative d’avoir aussi un compte sur twitter et à ce titre, je vous ai demandé de pouvoir faire partie de vos abonnés.
Bien cordialement.