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30 août 2022

Marius PAUZAT, artiste peintre (aquarelliste)

Il y a peu de temps, un parent éloigné de Marius PAUZAT m’a contacté pour connaître un peu plus les liens qui le rattachaient à cette personne devenue célèbre pour ses aquarelles consacrées aux paysages des environs de Marseille.

Sa démarche m’a fait prendre conscience de l’absence d’article le concernant, alors que grâce à son œuvre artistique il avait transmis notre patronyme à la postérité.

           le port de Marseille                                   bord de mer - environ de Marseille

Rien à la naissance ne le destinait à la notoriété. Autodidacte, il deviendra membre des paysagistes provençaux[1] du XIXe siècle, dont les aquarelles témoignent, encore de nos jours, de son talent.

En 1832, Marius naît au sein d’une famille de douze enfants, issue de la branche marseillaise du berceau Languedoc[2]. Comme son frère aîné, il héritera de la charge de portefaix[3] léguée à chaque nouvelle génération depuis son grand-père.

Probablement, il a entendu ses parents évoquer leur aïeul Henri qui, après une carrière militaire, avait quitté sa terre natale pour s’établir à Marseille vers 1769, comme marin pêcheur puis patron de ponton. Depuis, et après les soubresauts de la période agitée de la fin de ce siècle, la majorité de sa descendance embrassera le métier de portefaix[4]. 


Marius vivra donc son enfance à Marseille, dans un quartier proche du port, exactement au n°7 de la rue fontaine Rouvière. Vraisemblablement, dès l’adolescence, il commença à travailler comme portefaix ou comme ceci sera énoncé plus tard dans un langage plus convenu « il occupa d’abord le poste de réceptionniste de marchandise ».

En 1858, il se marie avec Rose Olympe CARLE, avec qui il a eu 4 enfants :
Henri Pierre en 1859,
Honorine Marthe en 1861
Marthe Pauline PAUZAT en 1862
Pierre Paul PAUZAT en 1864

Pendant cette première étape de sa vie, il vivra de son métier à Marseille :
- en 1859, au 95 du Vieux Chemin de Rome,
- puis de 1861 à 1865, au 44 de la rue Monteaux.
Pour l’anecdote, signalons que cette rue a connu aussi un personnage plus célèbre, l’écrivain, dramaturge, poète et essayiste Edmond Rostand, né en 1868 au n°14.

À partir de 1870, il habite 3 rue des Vignerons. C’est à partir de cette époque qu’il fut reconnu comme peintre paysagiste provençal et qu’il entama une nouvelle étape de sa vie.
Il sera dit de lui :
« Il avait débuté de bonne heure dans le dessin, autant que pouvait lui permettre sa profession de portefaix. C’est le dimanche qu’il se livrait à sa passion favorite, en crayonnant ou peignant les coins les plus pittoresques de notre Port Vieux et de notre littoral.
Plus tard, sur les conseils d’amis qui avaient deviné en lui un tempérament de poète et d’artiste, il abandonna son état de portefaix pour se livrer exclusivement aux charmes de l’aquarelle[5].
Et depuis, il n’y a pas de coins de nos quais, de notre Corniche, de la plage ou des banlieues de Marseille, où il ne soit assis, sa boîte de couleurs à la main ».

On ne saurait énumérer ses œuvres, même les principales, leur nombre est incalculable et il n’est pas de collection à Marseille qui n’en compte quelques-unes. Cependant, on pourrait rappeler La Vieille Chapelle de Montredon (salon de 1883), L’Avant-Port de la Madrague (1882) ; La Roche-Percée (1884) ; L’Étang de Berre (1885).
Il présentera ses œuvres dans plusieurs expositions où il bénéficiera de critiques élogieuses. Citons :
- exposition départementale du Cercle Artistique du 2 mai 1880 à Marseille : « M. Pauzat expose une jolie aquarelle : la « Plage ». C’est aéré, doucement lumineux et délicat ».
- exposition du 29 mai 1886 à Marseille : « M. Pauzat, excellentes aquarelles, l’une représentant un Bord d’étang, peint avec la plus grande vérité ; c’est la nature prise sur le fait, cette étude n’a rien de conventionnel de l’aquarelle ».

Son influence grandissante le conduira à former à son tour des élèves comme ceci est précisé dans les catalogues de l’Association des artistes marseillais :
« Joanny Dubief se présente également comme un élève de l'aquarelliste Marius Pauzat ».


                            la barque sur l'étang                                                    église de Promis ?

Le concernant plus personnellement, on disait de lui :
« C’était avec cela un brave homme, doux et presque timide, et qui garda toujours, malgré sa réussite, sa souriante bonhomie et sa paisible modestie ».
Aujourd’hui, Marius PAUZAT est passé à la postérité et son œuvre reste toujours vivante.


Note : s’il n’a pas eu, comme Edmond Rostand, une plaque déposée à Marseille sur la façade de la maison où il vécut, une rue d’Arles porte néanmoins son nom.



[1] Les paysagistes provençaux du XIXe siècle sont en général englobés sous la dénomination "d'École provençale". Cette école n'étant en somme qu'une succession d'ateliers de relations amicales, de rencontres de camarades dont Marius Pauzat faisait partie.
[2] Castenaudary
[3] Personne qui porte des fardeaux ; porteur
[4] Voir l’article du 23/02/2018 consacré aux PAUZAT portefaix à Marseille
[5] d’abord comme autodidacte, puis comme élève du peintre provençal Joseph Guitton (1849-1911).

24 août 2021

Vie « ordinaire » d’un Pauzat en Limousin, au début du 19e siècle

(suite et fin de l’article diffusé le 15/07/2021)

Poursuivons l’histoire de Jean PAUZAT dont nous avions commencé le récit dans l’article précédent.
Nous sommes en 1829, Jean PAUZAT né au début du 19e siècle au sud de Limoges a maintenant 21 ans. Rappelons qu’il est né du second mariage de son père qui a déjà eu trois fils, Jean est donc le cadet de cette fratrie recomposée.
En mars de cette année, ses parents étant déjà tous deux décédés, il se marie avec Marguerite MARSAUD après, comme c’est l’usage, s’être engagé auparavant par une promesse de mariage qui a été affichée par deux fois à la porte de la mairie.
Souvenons-nous que pour se faire, il s’était engagé quelques jours auparavant par une promesse semblable avec une autre jeune femme dénommée Jeanne DESCHAMPS, à laquelle il n’a pas donné suite, ceci sans que l’on en sache la raison.




Poursuivons maintenant le récit de sa vie dont la part qui nous est désormais accessible relate celle d’une suite de deuils qui frappèrent successivement ses épouses et certains de ses enfants.

Premier mariage :

Son épouse Marguerite MARSAUD est la fille d’un marchand dénommé Léonard MARSAUD et de Péronne BONTEMPS. Elle est née à Ladignac en l’an 13 de la Révolution, soit en 1804 et a donc 25 ans.
Ils vivront au village de Gorsas proche de cette commune et de leur union naîtra quatre ans plus tard un garçon qu’ils nommeront Jean. Ce dernier naît en 1833, mais décède[1] prématurément à l’âge de 3 mois. Sur l’acte de décès, il est indiqué que son père est laboureur.
Il faudra attendre 5 ans pour que naisse en 1838 un autre garçon dénommé Laurent[2]. Ce dernier vivra assez longtemps pour se marier en 1860 avec Catherine DEPENNE et dont la descendance se transmettra jusqu’à nous, citons Marion, Camille, Marie et Lauriane par exemple.
Deux ans plus tard, en 1840 après 11 ans de mariage, Marguerite MARSAUD décède[3] à l’âge de 36 ans. Jean PAUZAT est alors cultivateur au bourg du Châlard et se retrouve veuf avec un jeune enfant à charge.

Deuxième mariage :

Il attendra deux ans pour se remarier. Il aura entre-temps changé de métier pour devenir charpentier et en mars 1842, il signe pour cela une promesse de mariage[4] avec une jeune femme dénommée Anne DEGORCAS, vivant avec ses parents au bourg de la même commune.
Que se passe-t-il alors ?
En avril, quelques jours plus tard, il signe une seconde promesse de mariage avec Jeanne JARRIT âgée de 25 ans qui est cultivatrice et demeure au village de L'Augère à proximité de Ladignac. Et comme lors de son premier mariage, il se marie[5] avec cette seconde prétendante, reniant ainsi sa promesse comme il l’avait fait lors de son premier mariage.
Mais, il n’aura pas le temps de jouir de cette nouvelle vie de couple, car Jeanne JARRIT décède[6] au bout de seulement 7 mois, à l’âge de 26 ans. Jean PAUZAT se retrouve donc de nouveau veuf avec son fils âgé d’un peu plus de 4 ans.

Troisième mariage :

Il attendra 3 ans pour se remarier. Il a 37 ans et épouse[7] en 1846 à Jumilhac-le-Grand, Marie MAURY âgée de 26 ans. Il est alors identifié en tant que veuf de Jeanne JARRIT, cultivateur résidant dans la commune précitée.
Notons que parmi les témoins, se trouve Martial PAUZAT, âgé de 30 ans, perruquier à Jumilhac-le-Grand dont le lien de parenté avec Jean PAUZAT n’est pas encore établi.
En 1847 naît un fils qu’il appellera Antoine[8]. Sur l’acte de naissance de ce dernier, on apprend que son père demeure au village de Laforces proche de Jumilhac-le-Grand et qu’il est voiturier.
En 1851 naît une fille Marie qui ne vivra que 3 ans. Sur l’acte de décès[9], ses parents sont déclarés journaliers[10], vivant au village de Faye-de-Port, à proximité de Jumilhac-le-Grand.
Malheureusement, sa femme décède[11] à son tour, 4 jours après celle-ci. Elle n’a que 36 ans. Jean reste seul avec ses deux fils, Laurent qui a maintenant 16 ans et Antoine 7 ans.

Quatrième mariage :

Moins d’un an plus tard, après avoir procédé par deux fois aux publications[12] dans les communes de St-Yrieix et de Jumilhac, il se remarie[13] à Saint-Yrieix-la-Perche avec Françoise BUISSON. Celle-ci, née en 1812 dans cette commune, a 42 ans. Elle est cultivatrice et veuve de Louis REMY. Jean a maintenant 47 ans, il est cultivateur. Ce sera son quatrième et dernier mariage.

Cette fois-ci, sa femme lui survivra, car 7 ans plus tard, il décédera[14] à l’hospice de Saint-Yrieix à l’âge de 54 ans. Sur l’acte de décès, il est cité comme demeurant au village de Quinsac[15] et tonnelier de métier.

Commentaires :

L’histoire de la vie de Jean PAUZAT, aussi singulière qu’elle puisse paraître aujourd’hui, est-elle si atypique pour son époque ?
Replaçons-nous dans le contexte de celle-ci et examinons quelques-unes de ses singularités.

Le facteur sociologique :

Tout d’abord, rappelons que l’école n’était pas encore obligatoire et que son rôle d’ascenseur social n’existait pas et que celui qui naissait paysan le restait toute sa vie et s’il n’héritait pas du patrimoine de ses parents, il devait quitter la ferme familiale et chercher ailleurs un travail pour survivre.
Dès sa naissance, le statut de Jean PAUZAT est celui du cadet, ceci signifie que l’héritage de ses parents ira à l’aîné de la fratrie Jean PAUZAT, son homonyme né en 1794 du premier mariage de son père, et qui deviendra donc propriétaire.
Remarque : notons que dans les campagnes traditionnelles, cette règle avait pour objectif de garantir dans le temps l’intégrité du patrimoine et pour se faire la transmission de ce dernier d’une génération à l’autre par la désignation d’un héritier et l’exclusion des autres contraints au célibat et/ou à la mobilité géographique et/ou professionnelle. C’est pour cette raison que nous avons vu Jean exerçant successivement les métiers ci-dessous, tout en étant sédentaire, c’est-à-dire en restant proche de son village natal :
1825 : domestique à Le Châlard
1829 : laboureur à Ladignac
1833 : laboureur au village de Gorsas (Ladignac)
1838 : cultivateur à Le Châlard
1840 : cultivateur au bourg du Châlard
1842 : charpentier au bourg de Ladignac
1846 : cultivateur au village de Lavacherie (Jumilhac-le-Grand)
1847 : voiturier au village de Laforces (Jumilhac-le-Grand)
1851 : journalier au village de Faye-de-Port (Jumilhac-le-Grand)
1855 : cultivateur à Saint-Yrieix-la-Perche
1862 : tonnelier à Saint-Yrieix-la-Perche

Le facteur sanitaire :

Aujourd’hui, quand l’espérance de vie[16] a presque doublé au cours du 20e siècle, nous ne sommes pas conscients qu’il y a peu de temps, nos ancêtres vivaient bien moins longtemps que nous. Les deuils successifs qui ont marqué la vie de Jean PAUZAT illustrent bien cette réalité. Ainsi, au début de son siècle l’espérance de vie était en moyenne de 40 ans pour les adultes et les chances de survie à la naissance étaient faibles.

Le tableau ci-dessous est explicite à cet égard.

https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/graphiques-cartes/graphiques-interpretes/esperance-vie-france/

Le facteur démographique :

Considérons maintenant les circonstances de ses premiers engagements pris pour « trouver femme ».
L’hypothèse énoncée dans l’article précédent pour justifier son premier reniement, maintenant que nous savons qu’il en a fait usage une seconde fois, perd de son crédit et nous enclin à considérer une nouvelle hypothèse plus crédible.
Hasardons-nous donc à en proposer une qui le disculperait en partie de les avoir prémédités.
Souvenons-nous que les guerres napoléoniennes ont créé une hémorragie[17] terrible de main d’œuvre dans les campagnes françaises. Jean PAUZAT, trop jeune au moment de celles-ci, a pu échapper à une conscription de masse que ses aînés n’ont pu éviter. Il s’est donc retrouvé à l’âge adulte au moment où la France rurale avait énormément besoin de bras.
Le fait d’afficher une promesse de mariage aux portes des mairies avait pour objectif officiel d’en informer la population des villages voisins afin de permettre une éventuelle opposition à ce dernier qui aurait pu justifier son empêchement.
Mais pour ce qui le concerne, cette information révèle simplement qu’un homme relativement jeune et apte à travailler est disponible sur « le marché du mariage ». Cette publicité indirecte explique peut-être pourquoi les femmes en recherche désespérée d’époux tentent alors de briguer la place !
Ceci lui a-t-il donné l’opportunité d’en bénéficier, l’affichage d’une promesse de mariage n’étant devenu dans son cas qu’une sorte de mise aux enchères d’un prétendant ?

nota : si vous avez une autre hypothèse à proposer, n'hésitez pas à me la communiquer. Je serais heureux de la publier.


[1] Acte de décès de Jean PAUZAT fils : AD 87 - Ladignac - 27/07/1833 - page 92/218
[2] Acte de naissance de Laurent PAUZAT : AD 87 - Ladignac-Châlard – 08/07/1838 - page 11/159
[3] Acte de décès de Marguerite MARSAUD : AD87 - Ladignac – 15/03/1840 - page 45/219
[4] Promesse de mariage avec Anne DEGORCAS : AD 87-1842-page 211/219
[5] Acte de mariage avec Jeanne JARRIT : AD87 - Ladignac – 12/05/1842 - page 212/219
[6] Acte de décès de Jeanne JARRIT : AD 87- Ladignac – 08/01/1843 - page 62/191
[7] Acte de mariage avec Marie MAURY : AD 87- Jumilhac-le-Grand - 15/05/1846 - page 8/16
[8] Acte de naissance de Antoine PAUZAT : AD 87 - Jumilhac-le-Grand – 05/02/1847 - page 6/
[9] Acte de décès de Marie PAUZAT : AD 87- Jumilhac-le-Grand - 19/04/1854 - page 7/23
[10] Journalier : désigne un simple manœuvre, louant sa force de travail à la 
journée auprès d'un maître de domaine ou d'une exploitation plus cossue, propriétaire ou fermier.
[11] Acte de décès de Marie MAURY : AD 87- Jumilhac – 23/04/1854 - page 7/23
[12] Les publications remplacent alors les promesses de mariage.
[13] Acte de mariage de Jean PAUZAT avec Françoise BUISSON : AD 87 - St-Yrieix - 30/01/1855 - page 75/220
[14] Acte de décès de Jean PAUZAT : AD 87 - St-Yrieix – 22/11/1862 - page 190/194
[15] Ancienne commune réunie à celle de Saint-Yrieix en l’an III
[16] Au milieu du 18e siècle, la moitié des enfants mouraient avant l’âge de 10 ans et l’espérance de vie ne dépassait pas 25 ans. Elle atteint 30 ans à la fin du siècle, puis fait un bond à 37 ans en 1810 en partie grâce à la vaccination contre la variole.
[17] 
Chateaubriand a écrit à propos de Napoléon : « Il a fait périr dans les onze années de son règne plus de cinq millions de Français », mais plus raisonnablement, environ un peu moins de 1 million, ce qui est déjà considérable.

15 juillet 2021

Vie « ordinaire » d’un Pauzat en Limousin, au début du 19e siècle.

Nous sommes en 1808 au moment de l’épopée napoléonienne qui sera considérée plus tard comme l’apogée de l’Empire.

Au cœur du Limousin, au sud de la ville de Limoges, Pierre PAUZAT et sa femme[1] Marie Marguerite FLEURAT, un couple de cultivateurs résidant au village de La Rousseille[2] près de La Meyze, attendent la naissance de leur 3e enfant.

Les deux premiers, Pierre et Élie, nés respectivement en 1806 et 1807, sont décédés quelques jours après leurs naissances. Quel sera le sort de celui à venir ?

Heureusement, le 1er octobre 1808 naît sans problème un garçon qu’ils nommeront Jean[3]. Il vivra assez longtemps pour que nous puissions en conter l’histoire. C’est donc à lui que nous consacrerons cet article.


Jean ne connaîtra pratiquement pas son père exerçant le métier de charpentier qui décèdera en mars 1810, moins de deux années après sa naissance. Il est vraisemblable que sa mère soit alors retournée vivre dans son village natal à Gorsas, commune de Rilhac-Lastours où elle décédera. Jean serait donc resté avec elle jusqu’à son adolescence, puis en âge de travailler, il trouve un emploi comme domestique dans la commune voisine du Châlard[4].

Au décès de sa mère[5] en janvier 1829, il a 21 ans et se retrouve donc seul. Signalons tout de suite qu’il n’a pas la majorité matrimoniale, celle-ci étant fixée alors à 25 ans. Il a donc besoin de l’autorisation d’un tuteur pour se marier.

Or un mois plus tard, le 8 février à Ladignac, il s’engage par promesse de mariage[6] à épouser une jeune femme âgée de 20 ans, Jeanne DESCHAMPS[7]. Cette démarche semble naturelle si l’on considère que dans sa situation, il cherche sans doute à « prendre femme ».

Cependant, une semaine plus tard, son comportement devient insolite quand il signe à la même mairie une seconde promesse de mariage[8] avec une autre personne. Que s’est-il donc passé ?

Dans un premier temps, il semble qu’un contretemps fortuit lui offre un prétexte. Il s’agit en fait d’une procédure administrative à remplir au préalable par les parents de la promise pour rectifier l’acte de naissance de leur fille, où l’on a découvert la présence d’une erreur concernant l’identité de la mère. Mais, ceci ne justifie pas qu’il renonce si vite à son premier engagement. Quel aurait pu être la raison de ce revirement ?

Brièvement, rappelons qu’à cette époque, dans les campagnes, fréquenter une jeune fille n’était pas sans conséquence, dès lors que la liaison était connue de tout le voisinage. Pour les plus anciens d’entre nous, souvenons-nous du film « Fanfan la Tulipe » qui se déroule seulement quelques années avant ces faits, où dans la première scène, le héros[9], fuyant la famille de sa bien-aimée du jour qui le poursuit pour le marier de force, s’engage dans l’armée pour échapper à son sort.

Dans le cas de Jean, étant donné qu’il n’y a plus de recruteurs parcourant les campagnes, les guerres napoléoniennes[10] étant terminées, il lui faudrait trouver une occasion. Ce contretemps était-il le bienvenu ?

Donc, Jean bénéficiant fortuitement du retard induit par la procédure administrative que les parents doivent entreprendre, n’attends pas le règlement de ce litige, sachant qu’il ne risque aucune sanction administrative pour une rupture de fiançailles[11]. Ainsi, une semaine plus tard, il s’engage donc dans une seconde promesse de mariage[12], avec une habitante du même village. Il s’agit de Marguerite MARSAUD, âgée de 25 ans !

Notons le hasard de la vie qui donne à celle-ci la même opportunité que celle dont il a profité lui-même. En effet, ayant besoin de l’autorisation d’un tuteur et devra lui aussi engager une procédure administrative pour que celui-ci lui soit désigné.

Pour se faire, le 25 février de la même année est organisé une « réunion des Assemblées des parents[13], amis et voisins » où Jean comparait « en état de journalier, chez le Sieur PASSERIEUX, propriétaire demeurant au bourg du CHALARD[14] qui expose qu’au décès de ses parents, il ne fut point pourvu d’un tuteur et reste encore aujourd’hui en âge de minorité ».

Le tuteur, un dénommé Bernard PESCAT ayant été désigné, cette formalité est donc remplie et sa seconde fiancée n’ayant pas changé d’avis, ils purent se marier le 2 mars 1829.



Photos anciennes du mariage en Limousin et promesse de mariage avec Marguerite MARSAUD

….. à suivre

prochain article : Vie « ordinaire » d’un Pauzat en Limousin, au début du 19e siècle (suite)

 

Note : si vous le souhaitez, vous pouvez visualiser les actes cités dans cet article en consultant directement les Archives Départementales de la Haute-Vienne[15]: http://archives.haute-vienne.fr/Sélectionner : fonds numérisés/État civil, puis indiquer le nom de la commune, l’année et le type d’acte.

Les n° de page sont indiqués ci-dessous.

[1] Notons qu’elle est sa troisième épouse.
[2] Lieu-dit dont la dénomination est toujours actuelle au sud-ouest du village La Meyze
[3]Acte de naissance de Jean PAUSAT : AD 87- La Meyze-1808-page 42/183
[4] À la Révolution française, la paroisse devient une commune mais fusionne presque aussitôt avec celle de Ladignac-le-Long. Ce n'est qu'en 1867 que Le Chalard redeviendra une commune indépendante.
[5] Acte de décès de Marie FLEURAT : AD 87- Rilhac-Lastours-1829-page 91/151
[6] Les promesses de mariage, affichées auparavant à l'église, puis à la mairie après la Révolution, sont les bans. L'article 63 du Code civil en1804 demande deux publications de mariage devant la porte de la mairie.
[7] Promesse de mariage avec Jeanne DESCHAMPS : AD 87-Ladignac-1829-page 118/140
[8] Promesse de mariage avec Marguerite MARSAUD : AD 87-Ladignac-1829-page 119/140
[9] Dans la première version, incarné par l’acteur Gérard PHILIPPE
[10] En 1829, Napoléon est décédé depuis 8 ans et la France est en paix sous la monarchie restaurée, Charles X est au pouvoir.
[11] ce qui est normal, sinon cela équivaudrait à ce que l'on soit déjà marié avant de l'être.
[12] Promesse de mariage avec Marguerite MARSAUD : AD 87- Ladignac-1829-page 119/140
[13] Les seuls parents susceptibles de venir assister à cette assemblée n’ont pas pu se déplacer, il s’agit de Jean et François PAUSAT, qui sont, a priori, ses demi-frères, nés d’un mariage antérieur de leur père.
[14] CR : AD 87- Ladignac-1829, page 111/140
[15] Accès aux Archives Départementales de la Haute-Vienne : http://archives.haute-vienne.fr/

22 avril 2021

Les PAUSAT en armes du berceau Languedoc – Noël PAUSAT

Relatons maintenant l’histoire de celui des « PAUSAT en armes du berceau Languedoc » que nous n’avons pas encore évoqué.
Après celles de la descendance de Pierre PAUSAT dit Languedoc et de Germain PAUSAT, découvrons maintenant le parcours de leur frère cadet Noël PAUSAT.

Rappelons que cet article fait suite à ceux publiés précédemment sur ce thème :
- Article du 14/07/2020 : Préambule
- Article du 15/07/2020 : Pierre PAUSAT dit Languedoc.
- Article du 19/10/2020 : Henry PAUSAT
- Article du 07/03/2021 : la descendance de Germain PAUSAT
- Article du 18/04/2021 : les enfants de Henry PAUSAT


Noël PAUSAT (n°1924)

Noël naît à Castelnaudary le 25/12/1722, neuvième et dernier enfant de Durand PAUSAT et de Catherine LINAS. Son frère Germain, dont nous avons évoqué la descendance, est son parrain.
Remarque : Soulignons que Louis XV, né en 1710 et qui a succédé à son arrière-grand-père 
Louis XIV depuis l'âge de cinq ans, est alors roi France.


Acte de baptême de Noël Pausat

Le 17 juin 1741, Noël n’a pas encore 19 ans révolus et s’engage pour 6 ans dans le régiment Royal Comtois, celui où ses deux neveux François et Jean Jacques[1] s’engageront aussi plus tard.
Sur les registres de contrôle d’enrôlement de son régiment, on peut lire les informations le décrivant :
« taille de 5 pieds 3 ou 4 pouces 9 lignes (environ 1,73 m), cheveux châtain clair, yeux bleu ou gris, visage long, cicatrice sur le front, visage marqué par la petite vérole, physionomie douce, barbe ..».
On apprend qu’il est menuisier de métier et on lui affecte, sans doute pour cette raison, le surnom Des Noyers ou Denoyer[2].




En 1748, certainement après avoir contracté un deuxième engagement, il est nommé sergent et change de compagnie.
En 1756, nous savons que son régiment participe à l'expédition de Minorque, puisqu’à la reddition de l'île, celui-ci rentre en France où il est chargé de la défense des côtes de Flandres. Les missions qui lui sont confiées sont principalement des fonctions de surveillance des frontières et des côtes pour veiller à toute velléité de débarquement de la part des Anglais.
C’est ainsi qu’à partir de l’année 1760, en preuve de la présence de ce régiment sur cette côte, on dénombre dans son régiment des cas de décès près des villes côtières comme Dunkerque, puis en 1761 à Dieppe.



Avis de décès de Noël PAUZAT à l’hôpital du Havre

Malheureusement, on y découvre aussi que Noël PAUZAT décède le 22 juin 1761 à l’hôpital du Havre, ce qui est confirmé par l’avis de décès retrouvé dans les archives de ce dernier. Il y est indiqué qu’il a 36 ans, alors qu’en réalité il a 39 ans[3].
Sur sa fiche, il n’est pas précisé les circonstances exactes de sa mort. Cependant, en considérant les deux seules hypothèses plausibles, nous en évoquerons le contexte.

L’hypothèse d’une blessure de guerre

Préalable : rappelons une nouvelle fois que cinq ans plus tôt débute la guerre de Sept Ans (1756 à 1763) entre les grandes puissances européennes regroupées en deux systèmes d'alliance : la France alliée à l'Autriche et la Grande-Bretagne alliée à la Prusse.
Mi-1761, il reste encore deux ans avant la fin de ce conflit.

Premier constat : s’il décède au Havre à la suite d’une blessure de guerre, celle-ci lui a été infligée à proximité de cette ville. En effet, comment envisager, à cette époque, une évacuation d’urgence sur une longue distance.
C’est pour cette raison, que l’hypothèse que ceci soit intervenu à Belle-Île-en-Mer, lors de la prise par les Anglais de cette l’île entre le 7 avril et le 8 juin 1761, est exclue malgré la concordance de dates, car située sur la côte sud de la Bretagne à proximité de Lorient et Vannes, villes situées à environ 400 km du Havre.

Second constat : en parcourant le registre de son régiment et en cherchant les décès contemporains, on constate que de février à avril 1761, ceux-ci eurent tous lieu à l’hôpital de Dieppe, ville située à environ 100 km du Havre. Il est donc vraisemblable que son régiment était alors stationné le long de la côte normande à proximité de ces villes (voir la carte ci-dessous).
Enfin, soulignons que durant ce conflit, les escarmouches entre les troupes françaises (milice garde-côte et régiments en place) et anglaises[4] se succèdent sans répit.

L’hypothèse d’une maladie

En Normandie, malgré de nombreux hôpitaux militaires situés le long de la côte, les connaissances médicales sont rudimentaires et les conditions sanitaires, d’hygiène et alimentaires ne sont pas exemplaires. Souvent il se disait que : « le décès était causé par « une fièvre maligne », sans que l’on sache à l’époque de quelle maladie s’il s’agissait : la grippe, la fièvre des marais, la dysenterie, le choléra, la variole, la syphilis, la scarlatine, la tuberculose pulmonaire, les typhoïdes, le trousse-galant[5], la suette miliaire[6], la rougeole maligne, avec des complications qui ne se voient plus de nos jours ».
En 1758, la fièvre typhoïde et surtout la dysenterie font des ravages et sont la première cause de mortalité. Par exemple, il est dit « qu’à Avranches, un tiers des enfants périssait avant d’atteindre l’âge de 10 ans, la moitié à Évreux à cause de cette maladie, et que « la grande mortalité de 1756 ne s’étendit que sur les soldats, qui moururent en grand nombre à l’hôpital. »
Pour la vérole, souvenons-nous que lors de son engagement, il est dit qu’il a un visage marqué par la petite vérole. Il a donc déjà contracté celle-ci, mais il n’est pas impossible qu’il ait subi une récidive plus sévère.


Conclusion 
Les registres de contrôle de son régiment ne précisant jamais les causes de décès, on peut s’étonner du nombre de fois où il est précisé que ceux-ci eurent lieu « à l’hôpital de … ». Rappelons que dans son régiment, au cours de l’année 1761, son décès ne fut pas le seul, trois de ses frères d’armes décédant à celui de Dieppe quelques semaines plus tôt.
Que doit-on en retenir, blessures de guerre ou cause de morbidité ?




[1] Voir l’article précédent du 07/03/2021 « la descendance de Germain PAUSAT » qui leur est dédié.
[2] Noyer : rappelons que c’est aussi un bois utilisé en ébénisterie.
[3] Il a donc fait 20 ans dans l’armée et a donc renouvelé une 3e fois son contrat.
[4] Commandos anglais de plusieurs dizaines d’hommes débarquant à l’improviste, comme en janvier 1757, près de Dieppe ou en juillet 1762 à Ouistreham, au sud du Havre
[5] Sorte de maladie violente et rapide qui abat, emporte le malade en peu de temps. On a désigné quelquefois par ce nom le choléra-morbus.
[6] Maladie fébrile contagieuse et épidémique, d'origine inconnue, caractérisée par une élévation brusque de la température, accompagnée de sueurs abondantes et excessives, d'une éruption cutanée (constituée de petites papules rouges recouvertes de petites vésicules blanchâtres), de troubles nerveux et de difficultés respiratoires.






7 mars 2021

Les PAUSAT en armes du berceau Languedoc – descendance de Germain PAUSAT

Poursuivons la découverte des « PAUSAT en armes du berceau Languedoc ».
Après la descendance de Pierre PAUSAT dit Languedoc, relatons maintenant celle de son frère Germain PAUSAT.

Rappelons que cet article fait suite à ceux publiés antérieurement sur ce thème :
    Article du 14/07/2020 : Préambule
    Article du 15/07/2020 : Pierre PAUSAT dit Languedoc.
    Article du 19/10/2020 : Henry PAUSAT
    Article du 27/01/2021 : les enfants de Henry PAUSAT

Nous évoquerons le parcours militaire de deux des fils de Germain PAUZAT : François (n°1432) et Jean Jacques (n°1437), puis celui éphémère de leur neveu François (n°65).


François PAUSAT (n°1432)

Il naît à Castelnaudary - paroisse Saint-Michel le 15/05/1736, fils de Germain PAUSAT (brassier) et de Jeanne PECH. Les deux enfants qui l’ont précédé étant décédés en bas âge, il est alors l’aîné de cette fratrie.


Acte de baptême de François PAUSAT

On peut donc imaginer qu’influencé par les récits de ses oncles Noël et Pierre, il n’eut pas trop de réticences à se laisser convaincre par les campagnes de recrutement organisées par les autorités militaires cherchant, à cette époque, à enrôler le maximum d’hommes en âge de combattre.
Quelques jours avant ses 20 ans, il décida donc d’abandonner son apprentissage chez un serrurier pour s’engager à son tour le 2 mars 1756 pour une période de 6 ans dans le régiment d’infanterie Royal Comtois[1].
Lors de son affectation, on lui attribua un surnom[2], comme ceci était l’usage. Ce fut celui de La Lime, en rapport à son métier.
On sait aussi, grâce au registre de contrôle d’enrôlement de son régiment, qu’il mesurait[3] :
« 5 pieds/2 pouces/4 lignes, qu’il avait les cheveux et les sourcils châtains, les yeux gris-bleu, le visage rond et le nez bien tiré, la physionomie avenante » !
Mais dix ans plus tard, sur un autre registre, il y est précisé qu’il a le « visage basané et une bouche médiocre » !
 


Le 23/07/1760, nommé sergent, il est muté dans une autre compagnie pour un nouvel engagement qui prend fin le 16/09/1766 « par ancienneté », il a 31 ans. Notons alors que son régiment était basé à Perpignan et devait partir le mois suivant pour Collioure et Montlouis.
Suit une période durant laquelle on ignore s’il est revenu à la vie civile à Castelnaudary, mais un an et demi plus tard, le 01/03/1768, on le retrouve dans ce même régiment comme fourrier[4], c’est-à-dire pour en assurer l’intendance.



À partir de cette date, on ignore quand il quitta définitivement l’armée et s’il s’est marié et installé définitivement à Castelnaudary pour y vivre une retraite paisible.

Contexte historique
En 1756, quelques jours après son premier engagement, la France entre en guerre avec l’Angleterre et la Prusse. Il s’agit de la guerre de Sept Ans qui prendra fin au traité de Paris, le 10/02/1763.
Voici deux textes faisant référence à la participation du régiment d’infanterie Royal Comtois à ce conflit[5] :
« en 1756, le régiment participe à l'expédition de Minorque, puis à la reddition de l'ile, il rentre en France où il est chargé de la défense des côtes de Flandres, toutefois un certain nombre de volontaires du régiment servent en Allemagne ».
Au nord de La Hollande : « Le comte de Muret capitaine au régiment Royal Comtois, ayant avec lui 160 volontaires de son régiment, 60 volontaires du régiment de hussards de Turpin et une pièce de canon est attaqué le 29 décembre 1759 près de Winterwitten[6] par un corps de 400 hussards de Luckner, 100 cavaliers de divers régiments, 400 hommes d'infanterie et 2 pièces de canon. Dans les relations de l'époque, ces volontaires sont parfois appelés volontaires de Muret les faisant assimiler à des troupes légères
».
On sait qu’en 1762, lors de la réorganisation des corps d'infanterie français, le régiment conserve ses deux bataillons et est affecté au service de la Marine et des Colonies et à la garde des ports dans le royaume.


Jean Jacques PAUSAT (n°1437)

Jean Jacques est le petit dernier des enfants de Germain PAUSAT. Il naît le 7 avril 1747 à Castelnaudary et quand son grand frère François part à l’armée, il a 9 ans.
Dès ses 20 ans, il s’engage à son tour le 14 septembre 1767 dans le même régiment.


Acte de baptême de Jean Jacques PAUSAT

Ils se retrouvent donc ensemble, comme on peut le voir aussi sur le registre plus haut, où l’on peut lire que le surnom qui lui est lui attribué est Tranquille. Sur un autre registre, on apprend que sa taille est d’environ 1,72 m, « ses cheveux sont châtain clair, les yeux roux mêlés de gris[7], le nez pointu et la bouche médiocre (lui aussi !), le visage et le menton long ».



Quand son frère change de compagnie en mars 1768 pour devenir fourrier, il rejoint cette dernière quelques mois plus tard. Il restera sans doute dans celle-ci jusqu’au départ de son frère.
Plus tard, il devient caporal le 1er mars 1775 à 29 ans, puis devient sergent la même année après s’être réengagé le 14 juillet 1775 pour 8 ans. Il abandonne alors son surnom pour prendre celui de son patronyme.
À la fin de ce contrat, il sera congédié le 28 février 1784 à l’âge de 37 ans.
Comme pour son frère François, on ignore ce qu’il fit, une fois revenu à la vie civile.

Contexte historique
Comme on l’a vu pour son frère, leur compagnie est chargée de surveiller les « ports du royaume ». Durant sa présence dans l’armée, il restera donc en France en suivant les pérégrinations de son régiment de la fin du règne de Louis XV qui décède en 1774 jusqu’au 10 premières années de celui de Louis XVI.
Notons que durant cette période, des volontaires français, conduits par le marquis de La Fayette, participent à la guerre d’indépendance américaine (1778-1783).


François PAUSAT (n°65)

Fils d’Antoine PAUZAT (n°1435) et de Claudine X, il naît à Castelnaudary le 29/06/1773, étant l’aîné d’une fratrie de 9 enfants. Son père, contrairement à ses frères que nous venons d’évoquer, n’aura pas choisi la carrière militaire et ne quittera pas sa ville natale où il exercera le métier de brassier.
Sur son acte de baptême, on peut lire les prénoms François, Louis et Élisabeth, la postérité ne retiendra que le premier.
 

Acte de baptême de François PAUZAT

Le 13 janvier 1791, à l’âge de 18 ans, il s’engage dans l’armée au 16e Régiment d’Infanterie Agenois basé à l’île d’Oléron.
Sur le registre de contrôle d’enrôlement de son régiment, il est indiqué qu’il a « les sourcils et les cheveux châtains, les yeux roux, petits, le nez bien fait, la bouche moyenne, sa taille est de 5 pieds/2 pouces/8 lignes » (environ 1,70 m).

Si le 1er bataillon de ce régiment part l’année suivante dans l’armée du Nord, le second, dans lequel il est affecté, embarquera pour Saint-Domingue dont il est dit : 
« Au mois de juin 1791, le 2e bataillon partit pour Saint-Domingue, d'où il ne revint en 1794 que trois officiers et vingt-trois hommes ». Il est ajouté : « Ce bataillon participa aux batailles et combats de la Révolution haïtienne et de l'expédition de Saint-Domingue. Par la suite, les débris de ce bataillon ont été fondus dans les régiments coloniaux ».
Son sort sera alors scellé, puisqu’il décédera le 29/08/1792 à l’hôpital soit pour des raisons de santé[8], soit des suites de blessures.
Il n’avait que 19 ans !


À droite, Saint-Domingue : Haïti (ancienne colonie française), la République dominicaine (ancienne colonie espagnole)


Contexte historique
En 1789, Saint-Domingue était pour un tiers[9] une colonie française et pour les deux autres tiers une colonie espagnole. Saint-Domingue avait une population d'un demi-million d'habitants, dont à peine 25.000 blancs « citoyens majeurs et domiciliés ». Le reste était des planteurs, dont plusieurs centaines résidaient dans la métropole, dispersés entre les ports de mer, les provinces et la capitale.
En août 1791, les riches planteurs prennent les armes pour contester les idées libertaires de la Révolution française, ce qui déclenche le soulèvement général des esclaves qui rejoignirent les mulâtres dans leur opposition à ceux qui bloquaient toute tentative de réforme sur l’île et voulaient constitutionnaliser l’esclavage. Le rapport de force était le suivant : « À Saint-Domingue, près de 450.000 esclaves sont contenus par environ 30.000 blancs … »
Le 22 août, environ 1 000 blancs sont tués lors de ce soulèvement.
Le 1er novembre 1791, le 2e bataillon du 16e régiment d’Infanterie fut envoyé à Saint-Domingue dans le cadre d’une mission de pacification des troubles intérieurs. Parmi les 13 officiers qui encadraient ce régiment, 7 avaient des intérêts financiers et fonciers importants en jeu à Saint-Domingue (plantations, caféteries, sucreries, terrains …).


Commentaires

- La fin du règne de Louis XVI se termina par la Révolution française qui fit basculer l’ordre social établi depuis des siècles, ce qui eut aussi par contagion, des effets au sein même de l’armée[10], depuis les gradés majoritairement nobles jusqu’aux hommes de troupe.
Ainsi, au moment où la noblesse fuyait le pays pour se réfugier auprès des monarchies voisines, de nombreux officiers quittèrent leur régiment pour se joindre aussi à l’armée des princes fidèle à la royauté.
À ce facteur majeur, s’ajouta une instabilité spécifique aux colonies françaises provoquée par l’impact des idées égalitaires de la Révolution sur le statut des esclaves, ce qui aggrava la dissension au sein des régiments.
En septembre 1791, les soldats du 16e régiment d’Agenois se plaignirent de leurs officiers, ceux-ci ayant « émigré[11] sur les frontières du Rhin en raison de l’insubordination des soldats qui ne voulaient plus de leurs officiers aristocrates ».
À la fin de cette année, on comptabilisait 20 officiers actifs issus originairement du régiment d’Agenois ayant émigré. Cette émigration se poursuivra jusqu’en 1794.

- Le sort tragique de la 3e génération des PAUZAT : comment ne pas remarquer le triste sort commun à ces trois jeunes ayant vécu tragiquement les différentes convulsions consécutives de la Révolution française.
    Barthélemy, militaire « tué par les nègres » à la Martinique vers 1790/91.
    François Barthélemy, milicien citoyen tué à Paris le 10/08/1792 lors de l’assaut des Tuileries.
    François, militaire, mort à Saint-Domingue le 29/10/1792, soit de maladie, soit lui aussi « tué par les     nègres ».


[1] Les missions confiées à ce régiment sont des fonctions de surveillance des frontières et côtes, méditerranéennes et surtout atlantiques, pour veiller à toute velléité de débarquement de la part des Anglais.
[2] Voir l’article concernant Pierre PAUZAT dit Languedoc du 15/07/2020, note de bas de page 5
[3] environ 1,70 m, sachant que 1 pied mesurait alors 32,5 cm, 1 pouce (1 pied/12) 2,706 cm et 1 ligne (1 pouce/12) 0,275 cm.
[4] Sous-officier responsable du cantonnement des troupes et du couchage ainsi que de la distribution des vivres et des vêtements.
[5] Voir le site : http://vial.jean.free.fr/new_npi/revues_npi/34_2003/npi_3403/34_fra_inf_roycomt.htm
[6] À environ 50 km au nord d’Amsterdam
[7] Cette dénomination, propre à l’Ancien Régime, signifie qu’il a les yeux marron, sans doute un peu foncés
[8] Chaque année, dès le mois d’avril, l’épidémie de fièvre jaune endémique sévit de nouveau, touchant principalement les nouveaux arrivants n’ayant pas acquis encore l’immunité des autochtones. C’est ainsi que plus tard en 1801, le corps expéditionnaire envoyé par le Premier Consul Bonaparte à Saint-Domingue sera en partie décimé par cette maladie.
[9] Actuellement Haïti
[10] Voir le Site SABRETACHE de la Société d’Études d’Histoire Militaire : le régiment Agenois au cœur des révolutions transatlantiques (1778-1830) - volume 1 (pages 220 et svtes) :
https://lasabretache.fr/wp-content/uploads/2020/06/VOLUME_01_de_Mauraige_mdp.pdf
[11] Émigrés : ceux, opposés à la Révolution française, ayant rejoint « l’armée des princes » qui stationnait à la frontière (Belgique, Luxembourg, Allemagne)










27 janvier 2021

Les PAUSAT en armes du berceau Languedoc – les enfants de Henry PAUSAT

Abordons maintenant la troisième génération des « PAUSAT en armes du berceau Languedoc », pour nous intéresser spécialement aux petits-fils de Pierre PAUSAT dit Languedoc.

Rappelons que cet article fait suite à ceux publiés antérieurement sur le même thème :
- Article du 14/07/2020 : Préambule
- Article du 15/07/2020 : Pierre PAUSAT dit Languedoc.
- Article du 19/10/2020 : Henry PAUSAT


Précisons que certaines informations qui sont à l’origine de ce qui va être exposé ci-dessous sont originaires d’une recherche entreprise au début des années 2000 par MM. Jacques ORNANO et Georges REYNAUD, consacrée aux PAUZAT émigrés à Marseille à la fin du 18e siècle.

Grâce à leurs travaux, nous avons la connaissance d’un document qui sera le point de départ de notre exposé. Il s’agit de la transcription au greffe de la municipalité de Marseille, des propos tenus le 15 février 1793 par l’épouse de Henry PAUZAT, lorsqu’elle s’y présente pour pouvoir bénéficier de l’indemnité prévue par la loi, à la suite du décès à Paris de son fils François Barthélémy, tué lors de l’assaut des Tuileries. À cette occasion, elle précise : « qu’elle a eu un autre enfant tué par les nègres de la Martinique, un autre aux frontières et un dernier, estropié, de 10 ans, à sa maison ». 

En comparant ces informations avec la descendance de Henry PAUZAT qui a eu 8 enfants nés entre 1771 et 1787, nous allons tenter d’identifier ceux cités par leur mère lors de sa déposition.

Sachant qu’en 1793, les deux premiers enfants doivent avoir eu l’âge minimum de 18 ans pour pouvoir s’être engagés dans l’armée, ils devraient être donc nés avant 1774/1775. En fait, ils sont trois dans cette situation, mais l’un d’eux, Mathieu, étant décédé à la naissance, il n’en reste plus que deux : Barthélémy et François Barthélémy.

1-     Barthélémy PAUZAT (n°1448) : supposé être celui tué par les nègres en Martinique

Barthélemy est le premier enfant de Henry PAUSAT. Il né le 21/08/1771 à Marseille, et l’on suppose qu’il a dû s’engager dans l’armée vers fin 1789 et sans doute dans l’un des régiments envoyés en Martinique pour réprimer la révolte qui agitait alors l’île.


- Contexte historique :
Nous approchons de la fin de l’Ancien Régime et la monarchie règne encore en France. Le traité de Paris de 1763 qui a mis fin à la guerre de Sept Ans[1] n’a pas fait disparaître la rivalité entre la France et la Grande-Bretagne. C’est pour cette raison qu’en 1778, par exemple, le Régiment français Royal-Martinique participa aux combats contre les Anglais lors de la Guerre d'indépendance des États-Unis d'Amérique.
                                      
Carte de la Martinique vers 1740 

Quand la révolution éclate en France en 1789, cet événement provoque une onde de choc qui se propage aussi en Martinique[2] où plusieurs régiments sont déjà stationnés. Celle-ci se déchire alors entre le pouvoir officiel révolutionnaire soutenu par les habitants de Saint-Pierre et les békés (grands planteurs blancs), partisans de la royauté.

Les garnisons en place s’impliquent aussi dans cette insurrection, elles chassent leurs officiers et s'emparent des forts[3]. Le régiment de la Martinique-infanterie fait surtout parler de lui quand son colonel et gouverneur de Ste-Lucie est tué à la tête de son régiment pendant les troubles qui ensanglantent l'île.

Il est dit par les royalistes : « Le régiment de la Martinique, après avoir méconnu l'autorité du gouverneur, de ses officiers, emprisonné son colonel, s'était emparé du Fort-Bourbon et y était devenu le principal instrument de la guerre civile qui a désolé cette malheureuse colonie, comme l'écrivent les journaux de l'époque ou les témoins ».

Devenus incontrôlables, ces régiments coloniaux accusés de délits graves, et d'une insubordination qui rendaient leur service et leur présence dangereuse sont rembarqués pour la France en juillet 1791 et mis sous l’autorité du ministère de la Guerre[4]. Les régiments perdent leurs noms comme précisé ci-après : « la création en 1792 du 109e Régiment d'Infanterie de Ligne à partir des débris des régiments coloniaux de la Martinique et de la Guadeloupe ».

- Le sort de Barthélémy PAUZAT
C’est dans cette situation anarchique que Barthélemy PAUZAT s’est donc trouvé a priori. On aurait pu espérer pour lui qu’il ait déserté ou fait partie de ces troupes rapatriées, malheureusement on sait que sa mère déclara « qu’il fut tué par les nègres ».
Notons qu’il aurait pu aussi être tué lors des affrontements entre blancs révolutionnaires et royalistes. De même, précisons que si son décès est lié à une mort brutale, elle aurait toute aussi bien être due aux conditions de vie sur cette île. Citons :
« Les conditions de vie des soldats aux Îles étaient difficiles. Selon le Rôle général des troupes à la Martinique, 48 % des soldats en service de 1731 à 1761 moururent de maladie au cours de celui-ci, 9 % furent congédiés et 8 % désertèrent ».
En tenant compte de la déclaration de sa mère, on suppose que son décès eut lieu entre 1789 et 1791, quand les esclaves noirs se révoltèrent, profitant de la guerre civile entre les blancs. Ceci se passa effectivement les 30-31 août 1789 lors de la tentative de Saint-Pierre et surtout de septembre 1790 à mars 1791 où nombre d’esclaves désertèrent les plantations.


À ce jour, les recherches entreprises sur les effectifs des régiments concernés n’ont pas permis de retrouver Barthélémy PAUZAT. Cependant, tout espoir n’est pas encore perdu, car les registres des régiments susceptibles d’être ceux où il aurait pu s’engager sont en cours de restauration aux archives du Ministère des armées (Mémoires des Hommes) et ne seront donc consultables que lorsque ce travail sera achevé.

2-     François Barthélémy PAUZAT (n°1384) : tué lors l'insurrection des Tuileries du 10 août 1792

François Barthélémy est né à Marseille le 04/01/1773, second enfant de Henry PAUZAT. Il s’engagera en 1791 dans la garde nationale avec son père.

Acte de baptême de François Barthélémy

-    Contexte historique :

Rappelons brièvement ce que fut le rôle de la Garde nationale en ce début de la Révolution, citons : « La Garde nationale est une milice citoyenne française levée pour la première fois à Paris à la mi-juillet 1789 et rassemblant des milices bourgeoises qui s'étaient spontanément créées à l'annonce d'une concentration de troupes royales autour de la capitale. À partir du 20 juillet 1789, des formations armées se créèrent également spontanément en province pour faire face aux "complots aristocratiques" et aux "brigands", dans le cadre de la Grande Peur; elles furent ensuite confirmées comme Garde nationale ».
En province, « la Garde nationale connut de graves crises de désunion. Les gardes nationaux des différentes villes s'affrontaient pour des raisons sociales ou religieuses. Ainsi, à Arles, la Garde nationale locale fut attaquée par quatre mille gardes nationaux levés autour de Marseille, qui prirent la ville le 29 mars 1792 ».

De gauche à droite : Officier et soldats de la Garde nationale et un garde national et sa femme en 1791 
  
De ce fait : « Il existait une grande méfiance des constituants à l'égard de la Garde nationale. Les citoyens armés se retrouvaient relégués à des tâches de second ordre et restaient soumis à un contrôle très strict. Le service était obligatoire et donc astreignant pour les citoyens. La charge était la plus lourde pour les moins fortunés qui avaient besoin de leur temps pour travailler. Cette inégalité était aggravée par le fait que les officiers municipaux et les magistrats, recrutés souvent parmi les plus aisés, en étaient dispensés contre le paiement d'une modeste taxe. Cette loi voulait canaliser une force révolutionnaire dont on redoutait les débordements ».

      
Le sort de François Barthélémy PAUZAT
Son parcours a été évoqué dans des articles antérieurs et ne sera donc pas repris ici :
- Article du 01/08/2011 : Le 10 août 1792 à Paris, deux PAUZAT à l’assaut des Tuileries[5].
- Article du 19/10/2020 : Henry PAUSAT (paragraphe 3 - le retour à la vie civile)


3- Les autres enfants cités par l’épouse de Henry PAUSAT


Maintenant, cherchons à identifier les deux autres enfants cités par Jeanne GAVARRY en 1793 à Marseille : « … un autre aux frontières et un dernier, estropié, de 10 ans, à sa maison »

Acte de baptême de Honoré Barthélémy

Sur la foi de sa déclaration[6], le troisième enfant possible supposé être aux frontières en février 1793, serait Honoré Barthélémy puisque les deux enfants qui l’ont précédé sont décédés en bas âge.
Or en tenant compte de sa date de naissance le 20/09/1776, on réalise qu’il ne pouvait pas s’être engagé dans l’armée, n’ayant pas 18 ans l’âge minimum, et être envoyé aux frontières, puisque lors de la déclaration de sa mère le 15/02/1793, il n’était alors âgé que de 16 ans et 4 mois.
Quant à celui estropié, âgé de 10 ans et vivant avec elle, il devrait être né en 1783. Or il n’existe pas à cette date de trace de la naissance de ce dernier à Marseille. Pourtant, pendant les 6 ans entre la naissance de ses deux derniers enfants, Antoine Henri né en 1781 et Marie Anne Cécile en 1787, elle aurait pu avoir une nouvelle fois un fils.
Qui sont donc ces enfants, celui tué aux frontières et celui estropié, vivant avec elle ?
A-t-elle simplement évoqué les cas d’enfants de sa famille ou de celle de son mari que le greffier a pris en compte comme s’ils étaient les siens ou a-t-elle, tout simplement voulu apitoyer encore plus ce dernier, en faisant une galéjade[7], a priori si coutumière aux habitants de Marseille ?

Souvenons-nous de l’expression populaire de la sardine[8] qui aurait bouché le Vieux port !


[1] Voir l’article précédent du 19/10/2020
[2] les régiments d’Auxerrois et de Viennois ainsi que le régiment de la Martinique seront formés des compagnies venant de 5 régiments de la métropole : 
régiment du Limousin, régiment de Médoc, régiment de Bouillon, régiment de Périgord, Régiment de Royal-Vaisseaux.
[3] Les soldats du régiment de la Martinique furent les premiers à entrer en révolte. Le drapeau tricolore fut hissé le 1er septembre 1790 sur le Fort Bourbon.
[4] « Les insurgés du régiment de la Martinique se rendirent le 12 mars 1791 et furent prestement expédiés vers la France »
[5] En fait, comme ceci est précisé dans l’article du 19/10/2020, François Barthélémy est parti seul à Paris, son père n’ayant pas été sélectionné, sans doute à cause de son âge … étant donné que pour se rendre à Paris, il fallut aux Marseillais marcher pendant 25 jours pour faire les 850 km séparant Marseille de la capitale (une moyenne de 34 km par jour) !
[6] Lorsque Jeanne GAVARRY fait cette déclaration, elle évoque l’existence d’un fils participant à ce moment-là à la guerre qui éclate le 29 mars 1792 avec une première coalition contre la France. Des gardes nationaux furent alors réquisitionnés pour être envoyés aux frontières. Plus tard, en mars 1793, l’Angleterre, la Hollande et l’Espagne rejoignent cette coalition. La Convention décrète aussitôt la levée en masse de 300.000 hommes de 18 à 40 ans.
[7] Histoire inventée ou simplement exagérée à laquelle on essaie de faire croire
[8] « C'est la sardine qui a bouché le port de Marseille » est une expression populaire française datant du XVIIIe siècle. Elle signifie, en parlant d'une histoire, qu'elle est estimée comme une galéjade, une exagération, une histoire à dormir debout. En fait, l'expression est basée sur une histoire vraie, mais dont une coquille typographique, un t remplacé par d, en a fait une farce. Il s’agissait d’un bateau baptisé Sartine qui coula en 1779 à l’entrée du Vieux port de Marseille.