Dans l’un des premiers articles de ce blog, j’envisageais une hypothèse sur la naissance de notre patronyme, héritage du surnom donné à l’un de nos ancêtres[1].
Ce surnom, devenu nom de la famille, fut officialisé par l’ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539, et notre patronyme actuel en est l’héritage, conservé ou modifié au cours des transcriptions intervenues jusqu’à nos jours.
La découverte d’un manuscrit catalan[2] faisant le point dans les années 1940 des surnoms (350) donnés aux habitants d’un même village (Castello d’Empuries, en Ampurdan-Catalogne Sud), m’a permis de mettre en lumière ce qui a pu se produire de façon systématique en Occitanie depuis le Moyen-âge.
Il faut d’abord indiquer que les surnoms de ce village catalan sont encore en vigueur, en sus du patronyme officiel, mais cette coutume est en voie de disparition car les générations nouvelles les ignorent. Seuls les « anciens » les utilisent encore entre eux.
IL ne s’agit donc pas du premier processus enclenché vers le 11e siècle[3], mais d’un autre similaire qui s’est ajouté au précédent, simplement représentatif d’une constante dans les relations humaines consistant à affubler quelqu’un d’un surnom ou encore d’un sobriquet, donc à caractère péjoratif, et que l’on retrouve encore aujourd’hui, par exemple, pour certaines personnalités ou pour des professeurs dans les établissements scolaires (je me souviens du surnom « biquette » donné dans mon école à l’un de ses responsables parce qu’il portait un bouc) .
Ainsi, on trouve dans ce document (en catalan), entre autres, les surnoms ci-dessous. On y remarque des noms de métiers, d’animaux et .. des « traits de caractère ». Il faut noter que ce surnom (comme par le passé) désignait la « maison », celle qui regroupait, de génération en génération, la famille. On disait : « chez untel », c’est-à-dire « can untel » en catalan, « etche untel »l en basque, etc . :
- Divendres : Vendredi, surnom donné au grand-père de mon épouse, parce que l’un de ses ancêtres attendait le vendredi de certaines phases de la lune pour planter dans son potager.
- la Catrina Grassa : la grosse Catherine
- la Xica Patatas : la petite patate
- Mico : singe
- Poca-roba : peu habillé
- Bonminyó : mignon, « le bon Dieu sans confession »
- Cama bruta : jambe salle
- Titella : marionnette
- Cul de ferro : cul en fer
- Frare : frère (religieux)
- Canari : canari (oiseau)
- Misses : messes
- Rossinyol : rossignol (oiseau), surnom donné à un musicien
- Girrarocs : qui fait rouler des cailloux
- Esclopeter : sabotier
- Gabatx : nom péjoratif désignant un français
- Pauzat dit l’Orgueilleux (individu ayant vécu à Limoges, rue Ferrerie, voir ci-dessus)
- Pauzat dit Béluquet, sans doute venant de beluguet : sémillant, pétillant
- Pauzat dit Rey, qui ne fut en aucun cas roi de …
- Pauzat dit le Renard
- Pauzat dit Pétugon : ?
- Pauzat dit la Tour Serviat
- Pauzat dit Chinette : ?
- Pauzat dit Coupiat : ?
- Pauzat dit Couchés : ?
- Pauzat dit Penillou : ?
On peut donc faire l’hypothèse que notre patronyme fut le premier surnom donné à nos ancêtres, et si aujourd’hui, on n’en trouve en majorité que de très policés, c’est que l’ordonnance de Villers-Cotterêts, avant de les officialiser, limita naturellement le nombre de ceux qui étaient des sobriquets, par trop injurieux ou caricaturaux.
Par la suite, la nature humaine reprenant ses droits, le premier surnom devenu banal, on en inventa de nouveaux s’ajoutant au premier.
Aujourd’hui, la dispersion géographique des familles fait progressivement disparaître cette coutume, celle-ci devenant marginale et éphémère.
Mais internet est-il là pour lui redonner une seconde vie, dans les blogs, Facebook, .. où l’on voit les surnoms que les individus se donnent eux-mêmes pour converser sur la toile ?
[1] Dès l'époque romaine, l'identité du citoyen comprenait, en plus du nom et du prénom, un surnom : le cognomen. Après la christianisation qui ne gardait que les noms de baptême, une trop grande fréquence d'homonymes contraint les autorités dès le 11e siècle à adopter des surnoms, d'abord germaniques, puis français. Au 13e siècle, ces surnoms, choisis en fonction d'un caractère moral, physique ou géographique, tendent à devenir héréditaires. C'est ainsi que le nom de famille fut créé et stabilisé dès le 15e siècle.
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