En prévision de la diffusion prochaine sur ce blog, de testaments concernant nos ancêtres béarnais, il me semble judicieux de commencer par cet article, résumant le rôle du notaire sous l’Ancien Régime et plus particulièrement comment et pourquoi les testaments étaient presque toujours établis, même parmi la frange la plus pauvre de la population[1].
Le notaire sous l’Ancien Régime
À une époque où une infime minorité de la population sait lire et écrire, on ne devient pas notaire par hasard. Il faut être issu d’un milieu aisé, avoir reçu une éducation largement supérieure à la moyenne, être de mœurs irréprochables, et enfin acheter la charge de notaire pour avoir le droit d’exercer dans un village.
On distingue principalement 3 types de notaires sous l’Ancien Régime :
- Le notaire apostolique : établi par l’Église, il consignait les actes ayant trait aux matières spirituelles et ecclésiastiques.
- Le notaire seigneurial : commis par un seigneur, il exerce dans les limites de la justice de la seigneurie. Ainsi, seules les seigneuries ayant droit de haute justice peuvent disposer d’un notaire.
- Le notaire royal : c’est le plus courant et celui dont il sera question par la suite. Il est nommé par le roi, via des lettres de provision d’office, pour exercer dans un village déterminé. Néanmoins, n’importe quel habitant d’un village plus ou moins voisin peut faire appel à lui et il officie donc en pratique dans un rayon assez large autour de son village. Il reçoit les divers actes de la vie quotidienne : baux à ferme, transactions, achats, quittances, obligations, procurations, testaments, contrats de mariage…
De par son rôle, il est omniprésent dans la vie de la communauté, puisqu’il consigne tous les actes qui rythment le quotidien des foyers. Loin d’être un simple scribe, il est le référent vers lequel on se tourne pour régler les affaires courantes. Il établissait l’acte original, écrit en petite écriture et de ce fait appelé « minute », différent de la copie remise aux parties et nommée « expédition »[2].
La plupart du temps, le futur notaire commence sa « carrière » en tant qu’écolier et on a parfois la chance de le voir signer en tant que tel sur certains actes. Il poursuivra parfois ses études jusqu’à devenir bachelier ès droits, voire docteur ès droits. Il est souvent praticien au début, généralement au service de son père. Un praticien était autrefois un clerc de notaire. Ensuite, à la mort de son père, il lui succède la plupart du temps, après avoir racheté l’office de notaire. Il peut également embrasser la carrière en succédant à un notaire des environs après avoir payé de la même façon les droits d’exercice.
Pour devenir notaire sous l’Ancien Régime, il était nécessaire de remplir un certain nombre de critères :
- Être un homme
- Être un enfant légitime
- Savoir, bien évidemment, lire et écrire en français[3] et avoir fait de longues études
- Être de mœurs irréprochables
- Être de religion catholique, apostolique et romaine
- Être âgé de plus de 25 ans (on pouvait passer outre cette condition via l’obtention d’une dispense)
Dans la pratique de son exercice, Il faisait peu d'actes à domicile. Dans ce cas, il recevait dans la pièce à tout faire de sa maison, appelée « salle basse ou chambre basse » ; itinérant, il se rendait dans les différents hameaux du village qui était de son ressort et des villages environnants. Il est donc toujours à cheval ou sur une mule, avec son papier, sa plume et son encrier et rédige l’acte sur place. De plus, les habitants étant très pauvres, il était quelquefois payé en nature.
Les témoins ne savent pas toujours signer, mais lorsqu’il y a dépôt d’argent liquide pour une transaction, ils savent compter, car les Français savent davantage compter qu’écrire. Heureusement, dans les petites paroisses, le prête, puisqu’il sait lire et compter, est souvent l’un des témoins.
Notons que Pierre Auxence PAUZAT fut notaire à Aratmis de 1866 à 1885.
Notons que Pierre Auxence PAUZAT fut notaire à Aratmis de 1866 à 1885.
Le testament
Sous l’Ancien Régime, très peu de nos ancêtres sont morts « ab intestat »[4], sauf ceux décédés de mort brutale ou prématurée, ou encore ceux ayant réglé leur succession par donation lors du mariage d’un de leurs enfants. Même les mendiants testaient : « je lègue le peu d’argent que m’a donné la Divine Providence à ma sœur, mendiante également .. ».
Nos ancêtres testaient lorsqu’ils étaient malades ou vieux (« vu mon âge avancé 48 ans .. », il faut tenir compte de l’espérance de vie à l’époque), ou avant d’entreprendre des déplacements (guerre, pèlerinage, voyage, ..).
Ils le faisaient parce que très religieux, étant préoccupés par le repos de leurs âmes. Ils voulaient transmettre leur patrimoine pour éviter les différents entre leurs successeurs après leur mort et choisir l’héritier universel le plus apte à faire valoir leurs biens.
Tous les testaments sont rédigés selon le même modèle :
- date, heure et lieu
- état mental du testeur bon, donc apte à tester
- legs religieux sous forme de : messes, dons à l’église, chapelles et couvents, aux confréries, etc.
- cérémonie des funérailles et inhumation
- inhumation
- legs particuliers qui ne devaient pas dépasser les 3/4 de l'actif successoral
- à la conjointe survivante, fruit et usufruit des biens sous réserve de non-remariage, restitution de sa dot et prévoyait alors, dans le détail, une pension alimentaire
- aux filles mariées dont le nom du mari était toujours mentionné, une très petite somme en plus de la dot
- aux filles nubiles leur dot future .
- aux fils qui ne seraient pas héritiers universels.
- héritier universel: en général. le droit d'aînesse était appliqué. Il pouvait y en avoir plusieurs, même des filles.
- énumération des témoins et leur signature (ou une croix s'ils sont analphabètes).
François 1er en rendant obligatoire la rédaction des actes en français et leur conservation assurée, et leur existence consignée dans un répertoire, rendit possible la survivance de ce patrimoine ancestral. Ainsi, aujourd’hui, nous pouvons en consulter les pièces, complémentaires des informations que les actes civils de l’époque nous fournissent.
Ainsi, nous verrons dans un prochain article que Jean PAUZAT d’Issor, grand-père de Jean-Baptiste PAUZAT ZUŇIGA[5], lui légua en 1781 la somme de soixante-quinze livres dans son testament. Seul Jean-Baptiste, parmi ses autres cousins, jouit de cette faveur. Est-ce ici le point de départ d’une vie, hors du commun, pour ce cadet d’une famille de cinq enfants, qui allait s’expatrier ? Son grand-père était-il au courant du projet de vie de son petit-fils, âgé alors de 11 ans ? Cela semble improbable, mais … ?
[4] Du latin ab intestato, sans qu’il ait été fait de testament.
[2] Ces notes étaient confiées autrefois au tabellion, aussi nommé « garde-notes », du fait qu’il était chargé de conserver les actes.
3] La langue française est obligatoire depuis 1539 (Villers-Cotterêts) et le contrôle des actes depuis 1693.
[1] Cet article emprunte l’essentiel de son contenu des sites : www.quercy.net (Tony NEULAT) et www.agam-06.org
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