En lisant les registres paroissiaux de nos ancêtres ayant vécu au
village de Saint-Cernin-de-Labarde, au sud de Bergerac, j’ai eu la surprise de
découvrir un mot que j’ignorais et qui servait de qualificatif à certains
individus, après leurs nom et prénom. Il s’agit du mot :
« marguillier », était-ce un métier ?
Après recherches, j’ai appris qu’il s’agissait d’une fonction confiée à
certaines personnes pour administrer le temporel[1]
de la paroisse de leur village. De quoi s’agit-il exactement ?
Primitivement, ce mot désignait celui qui gérait le registre
sur lequel était inscrit le nom de chaque personne qui recevait de l’église,
soit des prébendes[2],
soit des aumônes.
Ce marguillier était l’un des membres du clergé régulier ou
séculier. Il est aussi question, à l’époque des Mérovingiens, de marguilliers
qui recueillaient les enfants exposés aux portes des églises et demandaient
publiquement au peuple si quelqu’un voulait s’en charger. On donnait encore le
nom de marguillier à celui qui assistait le sacristain, par exemple pour sonner
les cloches, allumer et éteindre les cierges, ouvrir et fermer les portes de
l’église.
Pendant de longs siècles, l'administration des biens
ecclésiastiques est restée entièrement aux mains du clergé, sous le contrôle de
l’Évêque. C'est au 9e siècle que le nom de marguilliers,
"matricularii", fut donné à des officiers de l'église. Dès cette
époque, le partage des dîmes devait se faire en présence de deux ou trois
paroissiens. C'était le premier pas qui mènera les laïcs à participer
directement à l'administration des biens paroissiaux. Je cite :
« Sous l'Ancien Régime,
cette fonction avait pour but de décharger les curés d'une administration à
laquelle ils étaient souvent mal préparés et d'une responsabilité quelquefois
lourde et à laquelle on n'était pas fâché de substituer celle des laïcs ».
Outre les biens propres de l’église qui pouvaient être mis en péril, il
y avait aussi l’entretien quotidien du lieu, citons :
« les clôtures autour de
l’église étaient souvent mal entretenues, le terrain était envahi par les
bestiaux qui venaient y paître, les femmes y étendaient leur linge ; on y
déposait le bois, planches et perches nécessaires à certains travaux ».
acte de décès de François PAUSAC, marguillier
Les marguilliers sont élus par les habitants du village, en général au
moment de la grand-messe ou des vêpres. Citons :
« Le notaire, personnage
éminent du village se place à la porte de l'église, il intercepte les moins
rapides à se rendre à la taverne qui n'ouvre qu'à l'issue du Saint-Office, et
en présence du curé et ... d'une bonne dizaine d'habitants constituant la plus
saine et grande partie des habitants, les marguilliers vont être élus ».
Élu ou nommé, le marguillier est tenu a priori de savoir
lire et écrire, ce qui n’était pas toujours le cas. « Ils sont nommés plus pour leur bonne volonté que pour leur
connaissance de la comptabilité ou de l'écriture. Certaines nominations
devaient être le fruit de la collusion de certains habitants contre tel ou tel
voisin. On n'était pas trop mécontent de pouvoir se venger de la sorte. Et
comme l'heureux élu ne pouvait pas refuser ! Et pourtant, leurs fonctions
revêtaient théoriquement une importance capitale pour la vie religieuse ».
À gauche, tableau datant de 1897 représentant des marguilliers, à droite, un banc datant de 1755 réservé autrefois à ces derniers dans l’église de St-Ayol-de-Provins (à l’est de l’agglomération de Paris).
exemple d'un autre François PAUSAC, marguillier qui, en 1761 à St-Cernin-de-Labarde, parraine un enfant présenté devant l'église pour être baptisé et sans doute recueilli
Ainsi, certains de nos ancêtres furent impliqués étroitement
dans la gestion de la vie religieuse de leur village. La fonction de
marguillier en était un symbole fort. Sa connaissance nous a permis de soulever
le voile que les ans avaient tissé et de révéler un peu plus combien la
religion conditionnait alors leur quotidien.
[2] Prébendes : Initialement, la ration journalière à fournir aux moines et aux ecclésiastiques, puis le sens se rétrécissant, le revenu alloué à un chanoine. La prébende fut abolie, en même temps que la dîme et autres biens du clergé, par l’Assemblée nationale constituante. Au moment où éclata la Révolution, on voyait encore plusieurs seigneurs en possession de ces espèces de prébendes. Le comte d’Armagnac en avait une dans l’église d’Auch, dont il était le premier chanoine.
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